Revenu Québec les oblige à payer leurs impôts en double


Louis Deschênes
Des représentants en épargne collective (REC) font les frais d’un flou dans deux lois incompatibles qui les forcent à payer leurs impôts en double et à rembourser des centaines de milliers de dollars à Revenu Québec.
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Ce sont des lois sur le partage des commissions en épargne collective avec un cabinet en services financiers qui sont au cœur du litige.
La problématique est la suivante: les représentants sont imposés une première fois sur leurs revenus (commissions) en lien avec la Loi sur les valeurs mobilières, réinstaurée en 2018.
Et par la suite, ceux qui font l’objet d’une vérification par Revenu Québec sont imposés une deuxième fois sur les mêmes revenus (commissions) en lien avec la loi sur l’impôt.
«Ce sont deux lois qui relèvent du ministère des Finances à Québec qui viennent se contredire et qui placent les représentants dans un piège fiscal», explique François Bruneau, vice-président du Groupe Cloutier, courtier dans les services financiers.
Un véritable cauchemar
Selon les intervenants interrogés par Le Journal, le problème a pris de l’ampleur depuis 2020, quand Revenu Québec a commencé à «traquer» les représentants.
De son côté, Revenu Québec répond être responsable d’appliquer la Loi de l’impôt sur le revenu, peu importe ce qui est indiqué dans la Loi sur les valeurs mobilières.
Ils seraient des dizaines à être visées par des inspecteurs.
«Présentement, il y a des agents de Revenu Québec qui se promènent dans les rues et qui cognent aux portes pour vérifier les représentants», illustre M. Bruneau.
David contre Goliath
Nicholas Dirani, un représentant en épargne collective de Saint-Jérôme, vit un véritable cauchemar depuis quelques années alors qu’on lui réclame des sommes totalisant 300 000$.
«Je déclare tous mes revenus à 100%, je respecte toutes les règles de l’Autorité des marchés financiers et on nous traite comme des voleurs. C’est de l’abus, mais je vais me battre à la vie, à la mort», déplore l’homme de 52 ans.
Même s’il considère que c’est un combat de David contre Goliath, M. Dirani a multiplié les démarches, contactant des avocats, des fiscalistes et dernièrement une firme pour intenter un recours collectif.

Martin Raymond est l’un de ces représentants qui sont imposés en double depuis trois ans.
«Pour expliquer la situation, je dis toujours aux gens: c’est comme si tu fais un salaire de 100 000$ et que le gouvernement t’impose sur un revenu de 200 000$, plus les intérêts. Je ne connais personne qui serait content de ça», dit le travailleur de Blainville.
Pris par un sentiment d’impuissance, M. Raymond a décidé de payer la note à Revenu Québec pour éviter de s’engager dans des démarches interminables et coûteuses.
«En gros, ça va prendre cinq à 10 ans et ça va coûter 100 000$ d’avocat», estime-t-il.
Girard interpellé
Les incohérences dans ce dossier ont été soulevées à plusieurs reprises auprès des autorités, dont le ministre des Finances Eric Girard.
Une lettre a été envoyée à ce dernier, un mémoire a été déposé en commission parlementaire et des intervenants ont participé à une rencontre avec le cabinet du ministre, confirme Martine Perreault, lobbyiste au dossier pour SFL Placements.
Les intervenants du milieu s’entendent pour dire que la situation va se régler dans les prochains mois.
Entretemps, ils demandent au ministre d’intervenir auprès de Revenu Québec pour mettre un terme à ce calvaire pour plusieurs.
«Je ne sais pas à quel point le ministre a de l’autorité sur l’Agence du revenu du Québec pour leur dire “hé, tout le monde, on met ça sur pause, on est en train de régler ça”», dit François Bruneau.
Pour corriger cette iniquité, les REC demandent une modification de la Loi sur les valeurs mobilières, en attendant l’adoption du projet de loi 92.
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