Retour des 3 bulletins: pourquoi, au juste?


Sylvain Dancause
C’est en lisant la nouvelle de ma collègue Daphnée Dion-Viens que j’ai appris le grand retour des trois bulletins. Probablement que mon boss l’a su en même temps que moi.
Bof!
Depuis deux ans, j’ai pris l’habitude de connaître mon avenir en consultant les médias.
Ça doit être ce que le gouvernement appelle fièrement «la valorisation de la profession».
Le bon vieux temps
«Nous avons entendu le besoin des parents d’être informés sur une base plus régulière à propos du cheminement de leurs enfants. Pour cette raison, nous revenons à trois bulletins.» – Jean-François Roberge.
À l’ère de la diffusion de tous les résultats en temps réel sur un portail scolaire, les parents souffrent-ils vraiment d’un manque d’information concernant le cheminement de leurs enfants?
Selon le Conseil supérieur de l'éducation, l’expérience des deux bulletins «a permis au personnel enseignant de se centrer davantage sur les apprentissages des élèves et d’augmenter le temps d’enseignement». D’ailleurs, la Politique d’évaluation des apprentissages est claire à ce propos: on doit se concentrer sur l’évaluation en vue de favoriser l’apprentissage.
Plusieurs acteurs sur le terrain espéraient vraiment que l’événement COVID-19 nous pousserait à revoir certaines pratiques, que la pandémie nous offrirait enfin l’opportunité de mener une réflexion nationale sur l’évaluation. Ils estimaient qu'il serait dommage de «faire comme avant», simplement, sans débattre la question.
Certains blâment le ministère de l’Éducation pour l’absence de leadership dans ce dossier. Comme le disait une professionnelle ayant travaillé pour ce ministère pendant cinq ans: «Il faut distinguer ministre et ministère. Les professionnels du ministère se font malheureusement trop souvent répondre que “ce n’est pas ce que le ministre veut”, lorsqu’ils recommandent des solutions ou actions documentées sérieusement.»
Double discours
Toujours selon Jean-François Roberge: «Nous avons consulté les partenaires du réseau, tant les parents, les directions, les experts et les syndicats. À la lumière de ces consultations, nous devions trouver un équilibre.»
Je ne sais pas pour vous, mais cette citation me semble un brin contradictoire avec celle où il justifie sa décision en affirmant vouloir répondre au besoin des parents. Si je comprends bien, l’équilibre semble pencher du côté de la satisfaction des clients. Les organisations de parents seraient-elles devenues des références pédagogiques?
On dit vouloir valoriser notre profession, mais, encore une fois, les principaux acteurs sur le terrain n’ont pas été consultés.
Cette idée de revenir aux trois bulletins (qui peut sembler banale pour les gérants d’estrade) soulève un questionnement beaucoup plus important: comment diminuer l’influence politique en éducation et à qui revient la responsabilité de la qualité des enjeux éducatifs et pédagogiques?
Cette décision constitue une énième preuve que les enseignantes et les enseignants du Québec doivent se doter d’une véritable association professionnelle afin d'être en contrôle – du moins en grande partie – sur ce qui se passe sur le terrain du point de vue pédagogique.
Il semble que la reconnaissance de notre expertise viendra lorsque nous prendrons la place qui nous appartient.