Rester en Ukraine plutôt que retourner à Gatineau
Une Québécoise d’adoption préfère être utile sur le terrain avec ses compatriotes

Nora T. Lamontagne
Une ancienne employée du parti pro-européen de l’ex-président ukrainien Petro Poroshenko, établie au Québec depuis deux ans, a choisi de rester en Ukraine pour prêter main-forte à ses compatriotes malgré les craintes qui la rongent.
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« Trois choses me font peur : qu’on me capture, parce que c’est facile de savoir que je suis impliquée politiquement, qu’il y ait des attaques chimiques... et que [la Russie] utilise des armes nucléaires », énumère sombrement Virginia Dronova.
L’Ukrainienne communique avec Le Journal à partir d’une ville de l’ouest du pays que l’on ne nomme pas pour sa sécurité, d’où elle tente de mobiliser l’appui de la communauté internationale.
« Je comprends comment l’Ouest et les médias fonctionnent, c’est ce que je peux faire pour aider », dit l’ancienne conseillère du parti de l’ex-président Petro Poroshenko, « Solidarité européenne ».
Hier après-midi, Virginia Dronova portait un coton ouaté rose qui ne lui appartenait pas. Elle n’a pris que le nécessaire en fuyant Kyïv il y a quelques jours.
Début de l’invasion russe, l’Ukrainienne, comme plusieurs, ne dort que d’un œil. Elle passe une partie de ses nuits terrée, parfois dans un bunker, parfois dans un stationnement sous-terrain transformé en abri de fortune.
« Déjà, on s’habitue aux sirènes des alertes de bombardement, confie-t-elle, les traits tirés. Quand on sait que le danger n’est pas absolument imminent, on s’éloigne des fenêtres ou on les ignore, tout simplement. »
Témoin de l’histoire
Par le passé, Virginia Dronova a participé à d’autres événements historiques en Ukraine.
Jeune adulte, elle a pris part à la « révolution orange », qui a mené à l’annulation d’une élection fortement contestée en 2004, puis aux manifestations pro-européennes d’Euromaïdan, en 2013 et 2014.
Mais en dépit de ses convictions politiques, la Québécoise d’adoption s’est retrouvée dans son pays d’origine au début de l’invasion par coïncidence.
Elle s’y rendait d’abord et avant tout pour faire le deuil de sa mère, morte de la COVID-19 il y a à peine un mois.
La décision de rester alors que les bombardements commençaient a été « difficile » à prendre, admet-elle, d’autant plus que son mari d’origine ukrainienne l’attend anxieusement à Gatineau.
De plus, elle a mis son emploi sur pause indéfiniment et ignore quand elle retrouvera la vie qu’elle a construite au Québec depuis 2020.
« Je ne suis pas une héroïne. J’ai seulement sacrifié le confort que j’avais en vivant au Canada pour être avec mon peuple, ma famille et mes amis », dit la femme de 39 ans.
« Quarante ans dans trois semaines, j’espère », précise-t-elle.
Cauchemar éveillé
Rassurée par l’unité des Ukrainiens devant l’envahisseur, Virginia Dronova souligne le cauchemar éveillé qu’ils vivent depuis une semaine.
Des milliers de déplacés internes transitent par la ville où elle est, à la recherche d’un abri, de nourriture ou de médicaments. Des bénévoles font tout en leur possible pour les aider.
« En ukrainien, “bonjour”, se dit “dobryï den”. Mais plus personne ne dit “bonjour”. Il n’y a pas eu un seul bon jour depuis jeudi dernier. »