Résidents expropriés, bungalows rasés, gratte-ciels en banlieue: voici les dangers qui guettent le REM à Montréal
Le SkyTrain, un train élevé semblable au REM, a largement modifié le visage des banlieues de Vancouver.

Dominique Cambron-Goulet
Des gratte-ciel de 50 étages en banlieue, des quartiers rasés au profit de constructions neuves plus denses, des citoyens évincés pour faire place au progrès; est-ce ce qui attend Montréal une fois le REM mis en service? C’est du moins ce qui se passe aux abords du SkyTrain à Vancouver, a constaté Le Journal.

La démarche
Le Journal est allé dans la métropole de Colombie-Britannique en avril pour voir l’évolution des quartiers autour du SkyTrain, un train élevé similaire à celui du Réseau express métropolitain (REM), qui entre en service fin juillet à Montréal.

Le contexte
Le SkyTrain a été inauguré dans les années 1980, mais a été largement étendu depuis (pour les Jeux olympiques en 2010 notamment). Comme le REM, il facilite le transport principalement entre les banlieues et le centre-ville. Une nouvelle extension est aussi en construction en plein cœur de Vancouver.
- Écoutez l'entrevue avec Sarah Doyon, Directrice générale chez Trajectoire Québec à l’émission d’Alexandre Dubé via QUB radio :
Avec la crise du logement la plus prononcée au pays, des prix immobiliers parmi les plus chers en Amérique du Nord, et une immigration fortunée venue d’Asie, la métropole de l’Ouest canadien est dans une tempête parfaite qui favorise les évictions et le développement immobilier rapide.

Ce qui se passe
Dans les banlieues de Vancouver, les terrains situés près des stations du SkyTrain sont si prisés que des résidents de longue date sont forcés de quitter leur domicile.
Au nom de la densification et de la création de nouveaux quartiers TOD (Transit oriented development), des habitations modestes sont détruites pour faire place à des tours de 30 ou 40 étages dans lesquelles les condos coûtent souvent plus d’un million.
Andy Yan, professeur en études urbaines à l’Université Simon Fraser, souligne que 47% des nouvelles unités dans la région de Vancouver sont achetées par des investisseurs.
«Le parc locatif devient donc composé de condominiums, qui sont plus chers que les appartements et qui sont loués par des gens plus fortunés qui ne prennent pas nécessairement le transport en commun. C’est le cœur du dilemme des TOD», estime M. Yan.

Qui est affecté?
Des résidents sont obligés d’abandonner leurs logements quand leurs immeubles locatifs situés à 30 minutes de train du centre-ville sont démolis. Plusieurs peinent à trouver une solution avec les moyens dont ils disposent.
De petits propriétaires sont aussi pris dans cet engrenage de densification. Certains sont obligés de vendre la maison qu’ils pensaient occuper jusqu’à la fin de leurs jours, à cause du développement immobilier.
- Écoutez l'entrevue avec Dominique Cambron-Goulet, journaliste au Bureau d’enquête, à l’émission d’Alexandre Dubé via QUB radio :
Pourquoi ça nous touche?
Des projets de TOD ou de densification sont déjà prévus le long du tracé du REM, dans la région de Montréal. À Deux-Montagnes, certains propriétaires ont déjà vendu leur unifamiliale. À Brossard, un nouveau quartier de tours à condos a poussé près des stations du train.

«Montréal doit faire une planification très prudente et songée de la densité résidentielle, mais aussi des infrastructures sociales et culturelles comme des écoles et des garderies», juge Andy Yan.
Pour l’heure, la densification prévue à Montréal est moins intense que celle dans l’Ouest.
Mais dans le cas de Vancouver, les changements ne sont pas arrivés du jour au lendemain. À Burquitlam, des maisons sont rasées en ce moment, sept ans après l’ouverture d’une gare.
Les branches du REM ouvrent progressivement à partir de juillet jusqu’à la fin de 2024.