Repêchage LNH: un Acadien avec des stats de jeux vidéo

Nicolas Cloutier
Quarante-cinq buts, 68 aides pour 113 points en 54 matchs. Des statistiques de jeux vidéo. Il s’agit de la récolte de Bradly Nadeau dans la Ligue de la Colombie-Britannique (BCHL), l’année de son repêchage. Cet Acadien représente un pari très intéressant pour les équipes de la LNH qui se prononceront vers la fin du premier tour.
Natif de Saint-François-de-Madawaska, un tout petit village de grossièrement 600 habitants au Nouveau-Brunswick, Nadeau ne laisse planer aucun doute sur ses racines lorsqu’il s’exprime dans la langue de Molière.
«J’ai passé toute mon enfance là-bas, raconte-t-il avec le plus charmant des accents. On a une ferme à la maison. Ça fait une couple de décennies que c’est dans la famille. Chaque été, j’aidais mon père et mon grand-père. Je pense que ma discipline et, par le fait même, mon côté compétitif, ça vient de là.»
«Tu mettrais une pièce de monnaie sur la table et il voudrait te battre à pile ou face, illustre son entraîneur-chef et directeur général avec les Vees de Penticton dans la BCHL, Fred Harbinson. Il veut gagner dans absolument tout. C’est contagieux.»
Dans la BCHL, Nadeau a amassé plus de points que Kent Johnson, Alex Newhook et Tyson Jost au même âge. Sa récolte est la plus importante dans le circuit pour un joueur de moins de 18 ans depuis Kyle Turris en 2007.
Dans son classement final, la Centrale de recrutement de la LNH a placé Nadeau au 17e rang de la liste nord-américaine, ce qui le positionne entre la fin du premier tour et le début du deuxième lorsque l’on considère les Européens qui pourraient être choisis avant lui.
«Avec la saison qu’il a connue, tu commences à entendre les gens dans le milieu le projeter à l’intérieur du premier tour», mentionne Harbinson au téléphone.
Normalement, avec de tels chiffres, sa cote serait plus haute, mais Nadeau mesure 5 pieds 10 pouces et il évolue dans une ligue un brin inférieure au junior majeur canadien.
N’empêche, c’est un sacré joueur de hockey. De très bons joueurs de hockey, Harbinson en a vu défiler, lui qui occupe ses fonctions actuelles depuis plus de 15 ans. Il a notamment dirigé Tyson Jost, qui avait été repêché au 10e rang en 2016.
Et lorsque l’auteur de ces lignes l’a talonné un peu, il a fini par avouer à contrecœur, sans vouloir dénigrer l’un de ses anciens joueurs, que Bradly montre plus de talent naturel que Tyson au même âge.
«Physiquement, Tyson était plus mûr. Tu le voyais quand il protégeait la rondelle entre autres. Toutefois, je ne veux rien enlever à Tyson, mais je pense que Bradly est davantage un talent naturel. Tyson, lui, t’avait à l’usure avec ses aptitudes physiques.
«Bradly a un tir mortel. Mortel. Surtout en avantage numérique. Au fur et à mesure qu’il gagne en puissance, il ajoutera d’autres dimensions à son jeu, j’en suis convaincu.»
Le principal intéressé n'identifie pas son tir comme sa plus grande force, toutefois.
«C'est ma vision du jeu, observe Bradly Nadeau. Elle m'aide beaucoup à analyser la glace et à prendre des décisions rapidement.»
Sur une pente ascendante
Les recruteurs ont souvent un faible pour les espoirs qui affichent une constante progression. C’est le cas de Nadeau.
«L’an passé, quand il a fait le saut du midget AAA à la BCHL, c’était une adaptation pour lui, car il devait apprendre à jouer sans la rondelle, raconte Harbinson. Mais il en a fait sa mission. Après une excellente saison recrue, il a travaillé extrêmement fort pour gagner en force physique et il a détruit ses résultats de l’an dernier dans les tests physiques. Dans chacun des tests physiques.»
Pour Nadeau, il est important de devenir un joueur complet et de ne pas être exclusivement reconnu comme un joueur offensif.
«Parfois, dans le junior, tu remplis un certain rôle, explique-t-il, mais ce rôle-là n’est plus le même une fois arrivé chez les professionnels. Alors j’essaye d’être un joueur plus complet dans l’éventualité où mon rôle change. Le cas échéant, je serai prêt.»
Il n’aura pas le choix de se rendre indispensable par tous les moyens : il n’y a aucune raison de croire qu’il grandira considérablement dans les prochaines années. Bradly est le plus grand de sa famille. Son père John, qui jouait encore au hockey dans le niveau senior la saison dernière, mesure 5 pieds 8 pouces.
Idem pour son frère Josh, avec qui il a partagé la glace avec les Vees cette saison. Les deux frères se sont éclatés comme larrons en foire, Josh récoltant de son côté 110 points en 54 matchs.
«Les gens en Colombie-Britannique pensent toujours aux jumeaux Sedin et à la façon dont ils se trouvaient sur la glace, évoque Harbinson. Les frères Nadeau sont certainement comme ça.»

La LHJMQ pas dans les plans
L’ex-directeur général de l’Océanic de Rimouski, Serge Beausoleil, a pris un pari à la dernière période des transactions en obtenant, du Titan de Bathurst, les droits de Josh Nadeau.
L’opération séduction était lancée pour réunir les frères, Bradly ayant été repêché au sixième tour par l’Océanic en 2021. Mais à moins d’une énorme surprise, tous ces beaux efforts feront patate.
«Ma décision est pas mal prise et ça m’étonnerait qu’elle change», a tranché Bradly Nadeau au bout du fil.
Bradly et Josh se sont engagés à rejoindre l’Université du Maine l’an prochain.
«Ces deux-là ont le potentiel de transformer le programme», déclare Harbinson.
Même si le fait d’avoir opté pour la BCHL a réduit sa visibilité l’année de son repêchage et explique en partie son statut de carte cachée, Bradly explique que la décision tombait sous le sens. Il aura amplement le temps de lever de la fonte avant de passer au niveau professionnel.
«Je voulais aller dans la NCAA, alors cela écartait le junior majeur de mes options. Je n’étais pas le plus gros et le plus grand et cette avenue me donnait plus de temps pour me développer physiquement.»
Le passage de la BCHL à la NCAA, contre des adultes, ne l’effraie pas.
«Toute l’année, l’équipe adverse a essayé de me mettre ses plus gros défenseurs dans les pattes, fait valoir Nadeau. Ce n’est pas quelque chose qui m’a vraiment affecté.»
Et le niveau de jeu de la BCHL, dit-il, n’est pas à des années-lumière de celui du junior majeur.
«Quand je suis allé au U17 et au U18, c’étaient tous les meilleurs au Canada de mon âge et j’ai trouvé que le calibre de jeu était pas mal similaire. La ligue n’est peut-être pas aussi forte que le junior majeur, mais ce n’est pas une très grosse différence à mon avis.»
Une cible avec le choix des Panthers
En raison des récents succès des Panthers de la Floride, le deuxième choix des Canadiens se retrouvera dans le dernier tiers du premier tour.
C’est dans ces environs que Bradly Nadeau pourrait entendre son nom. Jusqu’ici, le principal intéressé dit avoir rempli un questionnaire soumis par les Canadiens. Il a aussi pris part à une entrevue téléphonique avec eux.
On imagine que d’autres discussions auront lieu au Combine à Buffalo.
«J’ai grandi au Nouveau-Brunswick et c’était l’équipe la plus proche [géographiquement], fait remarquer Nadeau. C’est le fun de voir tous les joueurs qui ont passé là. C’était mon club favori. Je n’ai pas eu la chance de les voir gagner une coupe Stanley. À l’attaque, mon joueur préféré était Max Pacioretty.»
En vrac
- Bradly Nadeau et les Vees de Penticton sont en quête d'un deuxième championnat consécutif, eux qui ont remporté la coupe Fred Page l'an dernier dans la BCHL. Les Vees mènent présentement la finale 1-0 face aux Bulldogs d'Alberni Valley
- Avec 33 et 32 points respectivement en 15 matchs, Bradly et Josh Nadeau occupent les premier et deuxième rangs du classements des pointeurs de la BCHL en séries éliminatoires. Bradly a inscrit pas moins de 17 buts depuis le début des séries