Repêchage 2025: Montréal «adorerait» ce partisan des Bruins

Nicolas Cloutier
Voilà qui a été établi: en tant que défenseur hybride qui distribue joyeusement la douleur, Kashawn Aitcheson a beaucoup trop de sens pour les Canadiens de Montréal au 16e rang du repêchage de la Ligue nationale. Pourvu qu’on oublie ses allégeances.
Né à Toronto, Aitcheson n’a pas grandi en s’amourachant des Maple Leafs. Pire encore, c’est un fan de Boston, qui soutient encore ses Bruins.
«Jusqu’au repêchage, oui», avoue Aitcheson en éclatant d’un rire nerveux.
Le genre d’allégeances qui disparaissent magiquement lorsqu’on enfile un nouveau chandail.
«Je serai très heureux de jouer à Montréal si les astres s’alignent, précise celui qu’on surnomme affectueusement Kash. Montréal me semble une destination formidable. Les partisans là-bas sont incroyables. L’histoire de l’équipe parle d’elle-même. Ils ont tellement de coupes Stanley, c’est juste une organisation prestigieuse, l’une des six équipes originales.»
Après que les Canadiens eurent été brutalisés par Tom Wilson et les Capitals de Washington, Jeff Gorton s’est montré ouvert à réfléchir à la composition de son équipe lors de son bilan de fin de saison. Le temps est venu d’ajouter des joueurs avec du mordant, lire ici du «papier sablé». Ce qu’on reprochait jadis aux Rangers de New York sous l’ère Gorton, c’était qu’ils étaient trop mous en séries. Seuls les fous répètent leurs erreurs.
Pour jouer à Montréal, il faudra être dur sur la patinoire, mais aussi entre les deux oreilles. Encore là, Aitcheson semble fait sur mesure pour le marché.
«Je crois qu’il serait adoré à Montréal, se prononce au téléphone Marty Williamson, le directeur général de Kash avec les Colts de Barrie. Je connais le genre de joueurs que l’état-major des Canadiens affectionne. Ce jeune homme, avec son sourire affable, s’y plaira n’importe où. Il aime tellement la game.»

Avec Kash, aucune mauvaise journée
À l’extérieur de la patinoire, Aitcheson gagne beaucoup de points. Sa joie de vivre contagieuse et sa belle naïveté l’incitant à toujours envisager le meilleur scénario en font un coéquipier agréable ainsi qu’un pilier dans la communauté.
«Ce jeune homme est très spécial, témoigne son directeur général avec enthousiasme. Il est toujours le premier volontaire pour les visites dans les écoles. On avait une vénérable partisane de 104 ans et Kash est allé lui rendre visite à l’hôpital avant qu’elle ne rende son dernier souffle.
«Il n’y a juste pas de mauvaises journées pour Kash. Cet homme est tellement heureux. Je le tiens en si haute estime.»
«Kash» n’est qu’un choix de troisième tour au repêchage de la OHL. Il n’était même pas pressenti pour jouer dans le junior majeur avec les Colts à 16 ans. Mais une personne avait foi en Kash, et c’était Kash lui-même.
«Notre spécialiste des statistiques avancées ne voulait pas qu’on le prenne, se souvient Williamson. J’ai dû mettre mon poing sur la table. Je trouvais ça ridicule.»
«Je ne me compte jamais pour battu, confie Aitcheson. J’ai toujours su ce que j’étais capable de faire. Mon mantra, ç’a toujours été le travail acharné et ne pas avoir de plan B.»
Pas de plan B? D’aucuns diront que c’est mal avisé. Aitcheson ne le voit pas de cette façon: il n’a pas le choix de réussir, alors il va réussir.

Faire les lunchs de son frère
Le jeune garçon a dû gagner en maturité plus rapidement que ses pairs, grandissant dans un contexte familial quelque peu instable.
«Oui, j’ai eu une enfance un peu différente, concède le robuste défenseur. Quand mes parents se sont séparés, ma mère a dû en prendre beaucoup sur ses épaules. Il a fallu que je prenne soin de mon petit frère.
«J’ai dû grandir plus rapidement, il fallait que je l’accompagne à l’école à un jeune âge et que je m’occupe de ses lunchs, entre autres. Ça nous a vraiment rapprochés et je suis reconnaissant des leçons que j’en ai tirées.»
Aitcheson ne veut pas pour autant minimiser l’aide fournie par sa famille et son entourage. En fin de compte, c’est un «village» qui l’a amené à devenir le joueur qu’on connaît aujourd’hui.

«Mon père en a quand même fait beaucoup, nuance-t-il. Il m’a soutenu et m’a conduit à l’aréna. Et il y a eu mes grands-parents. C’est grâce à eux que je joue au hockey. Ils ont fait plus que leur part pour s’assurer que je me rende à l’aréna.»
«Le grand-père est très présent, souffle Williamson. Quand Kash a été suspendu, c’est son grand-père qui me parlait en son nom. Il est souvent présent à nos matchs.»
Des sacrifices qui pourraient bien mener Aitcheson à la Ligue nationale dans quelques années.
«Je dois me concentrer un peu plus sur mon jeu défensif pour le prochain niveau, souligne sagement l’athlète. Je veux neutraliser les meilleurs trios adverses et faire de leur vie un enfer. Évidemment, je veux quand même amener mon côté offensif chez les pros.»
Ce faisant, il deviendrait une licorne: un défenseur qui peut changer le cours d’un match avec une mise en échec ou un but. Une rareté de nos jours.
«Mon péché, c’est d’essayer de gagner le match à chaque présence. Je suis le genre de joueur qui a un impact important, mais je dois trouver le bon moment pour effectuer le gros jeu», conclut Kash.