Rénover une maison insalubre: quand la seule avenue abordable vers l'accès à la propriété est d'acheter une maison qui a besoin d'amour
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Félix Desjardins
2025-06-06T04:00:00Z
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De nombreux acheteurs impuissants devant la flambée du marché immobilier doivent se résoudre à acquérir une maison vieillissante ayant besoin d’amour et de la revitaliser pour pouvoir y habiter.
D’ailleurs, plus du quart des acheteurs potentiels sont prêts à débourser moins à l’achat, quitte à devoir faire des rénovations, selon des données de RénoAssistance. De plus, en visitant des propriétés abordables à vendre dans Montréal et ses environs, Le Journal a pu constater un phénomène décrié par plusieurs intervenants du milieu de la construction : la détérioration générale du parc immobilier.
« Dans le centre et la première périphérie de la ville, le parc immobilier est très vieillissant, constate Mathieu Savard, directeur de l’agence immobilière Confia. Ce qui me frappe, c’est le prix des maisons jumelé au coût des rénovations. Ça fait mal aux acheteurs potentiels. »
Selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ), le prix médian des propriétés unifamiliales se situait à 625 000 $ dans la région métropolitaine de Montréal en avril dernier. Un an auparavant, il était de 575 000 $. L’âge moyen des 100 000 maisons unifamiliales situées sur l’île de Montréal est de 61 ans, selon les données de notre Bureau d’enquête.
« Ce qui me frappe, c’est le prix des maisons jumelé au coût des rénovations. Ça fait mal aux acheteurs potentiels. »
- Mathieu Savard, agence immobilière Confia
Photo fournie par Confia
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Des maux communs
Au-delà des problèmes majeurs structuraux qui peuvent nécessiter une démolition complète de la maison, des enjeux communs guettent les aspirants propriétaires en quête d’une bonne affaire: insalubrité, présence de contaminants, toiture à refaire, alouette.
Même si on est encore dans un marché de vendeurs, les achats sans inspection sont néanmoins beaucoup moins courants que pendant la pandémie, note Nathalie Bégin, présidente du comité de pratique sur le courtage de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec.
«Il y a eu une prise de conscience depuis la pandémie, estime-t-elle. Le courtier a un devoir de dire quels sont les risques d’acheter sans garantie légale et sans inspection, mais parfois, les acheteurs perdent patience.»
L’autoconstruction, pas garante de succès
Par ailleurs, toujours selon Mme Bégin, de façon générale, la nouvelle génération de premiers acheteurs préfèrent acheter clé en main plutôt que d'économiser et mettre la main à la pâte.
« Les 20 à 35 ans n’ont généralement pas le goût d’investir et de passer du temps dans les rénovations. »
- Nathalie Bégin, ACPIQ
Photo fournie par l'ACPIQ
«Ils préfèrent payer plus cher plutôt que de s’embarquer là-dedans, contrairement aux 35 à 55 ans,» poursuit-elle.
Cela dit, l’autoconstruction n’est pas toujours gage de succès et d’économies. Déléguer certains travaux à des professionnels peut même assurer de respecter son échéancier et son budget. Après tout, des rénovations majeures deviennent «un emploi à temps plein», rappelle Alexandre Perron-Hudon, expert-conseil en rénovation et construction résidentielle chez RénoAssistance.
«Si un propriétaire veut autogérer son projet, c’est très possible pour les planchers, les moulures et le volet plus esthétique, soutient-il. Pour l’électricité et la plomberie, le [réaménagement de l’espace] ou les travaux de structure, c’est un autre dossier complètement.
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« C’est faux de penser qu’un projet va être plus économique automatiquement si tu travailles par toi-même. »
- Alexandre Perron-Hudo, RénoAssistance
Photo fournie par Alexandre Perron-Hudo
« Il faut être prudent et avisé. Ce n’est pas rare que des projets du genre s’étendent pendant des années, sinon,» conclut-il.
Les propriétaires sondés par Le Journal sont d’ailleurs unanimes: sans un système de soutien, un deuxième toit pendant les travaux et quelques amis bien outillés, s’engouffrer dans les travaux est presque mission impossible.
Le jargon immobilier
Une pancarte d’une propriété à vendre et vendue, à Montréal, le vendredi 16 février 2024. Photo Agence QMI, JOEL LEMAYPhoto Agence QMI, JOEL LEMAY
En magasinant une propriété en ligne, plusieurs expressions ou mots-clés permettent de distinguer un taudis d’une maison en bon état.
«Quand on voit l'expression “pour bricoleurs” dans la description, c’est un signe que des travaux majeurs doivent être effectués, explique Mme Bégin. L’expression “besoin d’amour” est un peu moins pire et signifie habituellement qu’elle n’est juste pas au goût du jour.»
Les propriétés affichées sans photo nécessitent aussi en général d’amples travaux.
«On emploie aussi les expressions “potentiel immense”, “plein de possibilités” ou “occasion rare” pour ce genre de maisons», note M. Savard. Les successions ou les reprises de finance tombent souvent dans cette catégorie.
«Si j’achetais une maison à rénover, ce que je voudrais voir, c’est une maison avec un mauvais look et une mauvaise présentation, mais une bonne structure. Je viserais des secteurs vieillissants où de jeunes familles commencent à s’installer.»