«Rendu là, il faut juste prier»: Le Journal est allé à Toronto rencontrer les pauvres fans des Leafs qui attendent une coupe depuis 56 ans


Stéphane Cadorette
TORONTO | Un site web de partisans des Maple Leafs illustre parfaitement le grand désarroi qui les anime. En en-tête de la page d’accueil de TMLfever.com, un pénible compteur tourne en temps réel pour souligner le nombre de jours, d’heures, de minutes et de secondes qui s’écoulent depuis la dernière Coupe Stanley de l’équipe, le 2 mai 1967. «Oh, c’est la honte, tout ça», est-il inscrit pour appuyer ce cruel constat.
L’auteur de ce site qui regorge d’informations sur l’histoire des Leafs, c’est Tony Rose, un fervent supporteur qui a pleinement vécu la gloire de l’équipe avec ses conquêtes de 1962 à 1964 en plus de la plus récente, trois années plus tard.
«Ça fait tellement longtemps!», a soupiré le bonhomme lors d’une discussion avec Le Journal, à Toronto.
«Ça fait mal, mais il n’y a rien de plus à faire. La LNH est tellement compétitive en ce moment que tout ce que tu peux faire, c’est d’attendre et espérer que ça arrive encore un jour», a-t-il maugréé.
Tony Rose, c’est le cas typique du bon vieux partisan des Leafs, qui demeurera loyal envers et contre tous, même si la foi commence à s’effriter.
«À ce stade-ci, c’est comme une prière. Tu peux espérer que quelque chose se produise, mais rien n’est assuré. Si ça arrive, ça arrive. Sinon, ce ne sera qu’une année de plus. Nous sommes devenus très bons pour nous dire qu’il y a toujours l’an prochain», a-t-il pesté en ajoutant qu’il ne va plus aux matchs en raison des prix prohibitifs des billets.

Entre amertume et optimisme
Lors du passage du Journal le 29 mars, les Leafs accueillaient les Panthers. Les partisans rencontrés aux abords et à l’intérieur du Scotiabank Arena pouvaient être aussi optimistes que résignés.
Les vieux tourtereaux que sont Debbie et Bill Scott, d’Oshawa, illustrent parfaitement cette dualité qui tiraille les fidèles.

«J’ai grandi en regardant les Leafs. C’est tellement frustrant, mais quand on y pense, la base de partisans est toujours aussi forte. C’est fou! Avant d’espérer qu’ils gagnent la Coupe de nouveau, tout ce que je demande c’est qu’ils franchissent la première ronde, pour une fois. Ce serait vraiment bien», souhaite le mari.
Son épouse, elle, ne veut plus s’imposer la souffrance perpétuelle des séries éliminatoires. Les Leafs n’ont pas franchi le premier tour depuis 2004 et cette disette de 19 ans est la cinquième plus longue dans l’histoire de la LNH.
«J’avais 7 ans et mon grand-père m’a amenée au défilé en 1967. C’est toujours mon équipe, mais je n’ai pas regardé un match de séries l’an dernier. Je ne peux plus endurer ça. On dirait qu’ils font exprès. Ça fait trop mal au cœur en séries. Ça doit être le fait qu’ils ont perdu l’année d’avant et l’année d’avant et l’année d’avant!» a-t-elle balancé d’un air désabusé.
Interdit de lâcher!
À l’entrée de l’aréna, les joueurs mythiques de l’équipe sont coulés dans le bronze. Inutile de spécifier que ce coin hommage baptisé «Legends Row» met davantage en vedette des statues remémorant un passé lointain que des héros des temps modernes.
Rien pour décourager Terry Kingsman, un fier partisan de Belleville qui porte aux matchs son même chandail fétiche des Leafs depuis 45 ans.
«J’ai quelques coupes de mon vivant, même si ça fait un bout de temps. Je m’accroche à l’espoir. Ça va arriver un jour. Tout le monde doit continuer d’espérer.
«Nous sommes en bonne position, mais les gardiens de but seront la clé. C’est dur pour nous, mais encore plus pour les joueurs. Il n’y a plus six équipes comme avant. Il y a tellement de variables, tout peut arriver», a-t-il prêché.

De 6 à 32 équipes
Il est vrai que les Maple Leafs n’ont jamais remporté une Coupe depuis que la LNH a élargi ses cadres à plus de six équipes, pour la saison de 1967-1968. Rien pour empêcher les plus fervents de continuer de croire au grand jour. Pourquoi pas dès ce printemps?
«Je suis loyal et je serai ici tant qu’il le faudra. Je pense qu’ils ont une équipe exceptionnelle cette saison, même si je compare à Boston. J’en ai vu des équipes qui ont fini au sommet pour mieux tomber», a lancé Carl Martin, qui avait 13 ans au moment du dernier sacre des Leafs.

Bien placé tout près de la glace, Chuck Marsh portait fièrement son chandail de Mats Sundin, acheté le soir de l’ouverture du Scotiabank Arena, le 19 février 1999. Tous les ans, il fait quelques fois le pèlerinage depuis la Nouvelle-Écosse pour soutenir ses bien-aimés et estime en avoir assez bavé.

«C’est frustrant à la longue, surtout que Tampa et Boston ont notre numéro. Mais bon, je suis un fan fini. On a fait de grosses acquisitions dans les dernières semaines. Je ne me contenterai pas d’autre chose que la Coupe. C’est tout ou rien», a-t-il statué.
Au fil du temps, toutes les critiques ont été adressées à l’égard de l’organisation, des entraîneurs et des joueurs. Les gros noms ont défilé et les têtes ont roulé. Les partisans, eux, demeurent fidèles au poste. Parfois pour le meilleur et souvent pour le pire.
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