Rencontre Carney–Trump: tout ça pour pas grand-chose


Normand Lester
Les Canadiens ont choisi Mark Carney comme premier ministre parce qu’ils croyaient qu’il était mieux préparé que Pierre Poilievre pour affronter Donald Trump.
Dans sa première rencontre avec le président dément, il s’en est assez bien tiré. La situation aurait pu être bien pire. Match nul.
Il a même eu droit à un compliment. Trump a déclaré: «C’est un homme sympathique. Nous nous entendons très bien. Nous avons eu une excellente réunion aujourd’hui, vraiment bonne. Je pense que nos relations seront solides.»
Carney a qualifié la réunion de «discussion constructive». Mais ça n’a rien donné. Aucun progrès pour mettre fin à la guerre tarifaire que Trump mène contre le Canada.
Le premier ministre espérait que cette rencontre marquerait le début des négociations sur un nouveau partenariat économique et sécuritaire, alors que l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) doit être renouvelé en 2026.
Trump dit ignorer si l’accord est toujours pertinent et a catégoriquement rejeté l’idée que Carney puisse le persuader de mettre fin aux droits de douane. Que reste-t-il à négocier?
«Never say never»
Lorsque le premier ministre a déclaré que le Canada ne deviendrait jamais le 51e État américain, Trump a corrigé Carney: «Il ne faut jamais dire jamais!» ajoutant: «J’ai réalisé beaucoup, beaucoup de choses qui n’étaient pas faisables, et elles ont fini par l’être».
Trump a répété un de ses arguments favoris: pour lui, la frontière canado-américaine est une «ligne artificielle». Cela rejoint les propos de Yves-François Blanchet selon qui le Canada est un pays artificiel. Un jour, il pourrait être le seul allié du Québec face aux États-Unis. Oui, je sais, Justin Trudeau a déjà fièrement qualifié le Canada de pays «postnational».
Carney a déclaré que Trump et lui se rencontreraient en personne lors de la réunion du G7 qui se tiendra en juin en Alberta. J’ai hâte de voir si Trump va profiter de l’occasion pour suggérer que l’Alberta «sécessionniste» soit la première province canadienne à se joindre aux États-Unis.
Ne pas antagoniser Trump
Carney a adopté une position prudente, évitant de provoquer un affrontement comme celui qui a opposé Trump au président ukrainien Zelensky lors de sa visite à la Maison-Blanche en février.
Lors du déjeuner qui a suivi la rencontre publique dans le bureau ovale, Carney a quand même osé expliquer à Trump pourquoi les droits de douane américains sont inacceptables, employant un ton et des termes permettant d’éviter de provoquer un conflit avec le président.
Plus tard, durant sa conférence de presse à l’ambassade du Canada, Carney a décrit Trump comme un «président transformateur». Bel euphémisme doucereux pour qualifier un tel olibrius.
Trump impose – entre autres – des droits de douane de 25% sur l’acier et l’aluminium canadiens et sur le contenu non américain des véhicules fabriqués au Canada, ainsi que de 10% sur les minéraux critiques, l’énergie et la potasse.
Le Canada a réagi en imposant une série de contre-tarifs sur certaines importations américaines.