Remaniement à la CAQ: Legault joue à «Tetris» avec des briques figées


Yasmine Abdelfadel
Bien des ministres et députés caquistes doivent sentir l’odeur de la sueur froide. François Legault a promis de brasser les cartes dès septembre, et ce n’est pas pour jouer au solitaire. Certains tremblent à l’idée de perdre leur fauteuil ministériel et les petits privilèges qui viennent avec lui. D’autres, plus optimistes, voient dans ce jeu de chaises musicales leur dernière chance de se hisser jusqu’à la table des grands.
Traditionnellement, un remaniement à un an des élections, c’est l’occasion rêvée d’éjecter les retraitables, d’insuffler du sang neuf et de brandir une «Équipe du tonnerre 2.0» devant les caméras. Mais, cette fois, le scénario est bancal. On sait bien que certains partiront en 2026, mais, dans l’immédiat, ils restent intouchables, incontournables et, franchement, un peu indélogeables.
Impossible
Difficile d’imaginer un Eric Girard évincé des Finances. Mission impossible de tasser Christian Dubé de la Santé, surtout en pleine opération de restructuration du réseau. Même Bernard Drainville, malgré les remous qu’il provoque en demandant au réseau de mieux se gérer, semble avoir la bénédiction divine tant ses réformes sont jugées trop importantes pour être interrompues.
Résultat: pas de changements aux Finances, à la Santé ni à l’Éducation. Un remaniement sans tripes ni nerfs? Peut-être. On pourrait bien scinder l’Économie et l’Énergie, offrir un congé salvateur à Geneviève Guilbault des Transports, promouvoir Sonia LeBel ou Jean Boulet et faire grimper un fidèle comme Samuel Poulin. Mais on est loin du coup d’éclat qui relancerait la CAQ et encore plus loin d’un électrochoc.
Il y a aussi ceux qui attendent des comptes. Alice Abou-Khalil, par exemple, qui n’a pas digéré qu’on lui préfère Gilles Bélanger au Numérique après la chute d’Éric Caire – dans son propre domaine d’expertise, s’il vous plaît! Elle a fait savoir son mécontentement de manière on ne peut plus claire. Et, si elle n’obtient toujours pas de reconnaissance, il ne faudra pas s’étonner d’un départ claquant la porte.
Délicat
Et puis, il y a l’Abitibi. Trois députés, zéro ministre. Suzanne Blais, Pierre Dufour et Daniel Bernard, ce dernier ayant même critiqué vertement son propre gouvernement avant de déménager en Estrie pour des raisons familiales et exprimé publiquement un doute quant à sa candidature en 2026.
Problème: Legault a besoin plus que jamais de ministres solides, loyaux, capables de livrer le dernier budget sans broncher. Et ce ne sera pas un budget cadeau: il faudra serrer la vis, faire plus avec moins, tout en gardant un sourire crédible en point de presse. Des mesures qu’on applique normalement en début de mandat. Là, on est à la fin. Il lui faudra des soldats, pas des divas. Et, dans ce jeu de Tetris politique, le premier ministre doit composer avec des blocs déjà figés. Chaque mauvais mouvement risque de précipiter la chute.