Reinbacher: trois rivaux s’expriment sans filtre


Anthony Martineau
Plusieurs personnes ont comme premier réflexe d’évaluer le rendement, le potentiel ou la qualité d’un espoir (oui, même un défenseur) en jetant un coup d’œil aux différents sites où sont affichées les productions offensives.
À travers le travail, les enfants (et tout ce qui vient avec!), les tâches ménagères, les loisirs et les voyages, il reste bien peu de temps à l’amateur de hockey moyen pour se déplacer dans un aréna et analyser en profondeur le jeu d’un joueur donné.
Visionner des matchs via le web est une solution plus économique et moins accaparante, mais le temps disponible par tranche de 24 heures demeure quand même un enjeu significatif pour la plupart des gens. Les statistiques demeurent donc le moyen le plus rentable (dans tous les sens du terme!) pour se forger une opinion sur un patineur.
En ce 19 mars, David Reinbacher disputera un premier entraînement avec le Rocket de Laval, dans la Ligue américaine de hockey. Le Canadien a annoncé hier le prêt/transfert de son dernier choix de premier tour (cinquième au total) à son club-école en provenance de Kloten.
Depuis la meilleure ligue de Suisse, les chiffres de la dernière saison du défenseur autrichien ont été ceux-ci: 1 but et 10 aides pour 11 points... en 35 parties.
Si l’on s’arrête à ces quatre colonnes de statistiques, il est tout naturel de se dire que Reinbacher a connu une saison très moyenne et que Kent Hughes, qui avait en juin qualifié le jeune homme de «diamant brut» et de «meilleur joueur disponible au rang du CH», n’a absolument rien pour se bomber le torse.

Mais le boulot de l’auteur de ces lignes est justement de vous offrir le plus d’outils possible pour vous aider à vous faire une opinion au-delà des fameux chiffres.
Des chiffres qui, dans le cas de Reinbacher, sont effectivement peu impressionnants. Mais des chiffres qui ne disent vraiment, vraiment pas tout.
«Moi, quand je joue contre lui, il me donne l’impression d’avoir déjà 30 ans.»
Marc-Antoine Pouliot, un attaquant de 38 ans évoluant avec le Genève-Servette, fait partie d’un trio de joueurs affrontant l’espoir du CH depuis deux ans en Ligue nationale suisse que le TVASports.ca a contacté.
Pouliot, ainsi que Maxim Noreau, un défenseur de 36 ans chez les Lakers de Rapperswil-Jona, et Guillaume Asselin, un attaquant de 31 ans évoluant pour le club de hockey d’Ajoie, ont accepté, en toute objectivité, d’y aller de leur propre rapport de dépistage sur l’arrière de 19 ans.
Voici leurs propos, divisés en différents secteurs de jeu.
Plus grande qualité
Maxim Noreau: «Son sens du jeu est très bon. Je dirais même qu’il est au-dessus de la moyenne des gars repêchés dans ce secteur du repêchage. Je le voyais faire des sorties de zone très efficaces. Il est également très lucide dans ses décisions prises dans le feu de l’action. Il ne fait jamais rien pour rien. Il va y aller d’une petite manœuvre subtile avec son corps pour aider un coéquipier. Il ne panique pas et préfère garder la rondelle que de s’en débarrasser.»
«Il peut attirer volontairement un attaquant sur lui en zone neutre avant de remettre le disque à son partenaire. Et grâce à ça, il vient de créer un trois contre deux. Il ne fera pas de spectaculaires passes soulevées ou de jeux comme ça. Mais il va permettre à Caufield et Suzuki d’avoir la rondelle rapidement et ultimement, c’est ce que tu veux.»
Guillaume Asselin: «Sa vitesse, sa mobilité. Sans aucun doute. Il est très difficile à battre à un contre un pour un attaquant.»
Marc-Antoine Pouliot: «Il patine très, très bien. Il est très puissant. Je joue en Suisse depuis 12 ans et un défenseur de 19 ans comme lui, au niveau de la combinaison puissance de patinage/grandeur, c’est extrêmement rare.»
Offensive
Guillaume Asselin : «Je trouve que sa capacité à se libérer en territoire offensif est sous-estimée. Il sait se rendre disponible sans attirer l’attention. Si tu le mets dans une ligue junior, il va te faire 70 points. De là l’importance d’en prendre et d’en laisser avec les chiffres. Ce n’est pas un Cale Makar, mais je lis certains commentaires à son sujet et c’est complètement faux d’affirmer qu’il n’est que défensif.»
Marc-Antoine Pouliot: «Sa mobilité en territoire ennemi l’aide beaucoup à bien paraître. Il a aussi un tir qui frappe le filet régulièrement. Son équipe en arrache beaucoup sur le plan offensif. Je ne me fierais pas sur ses statistiques, personnellement.»

Maxim Noreau: «Présentement, à Kloten, il joue avec de moins bons joueurs qu’ailleurs dans la ligue. C’est la stricte vérité. Souvent, il réalise une sortie de zone de grande qualité. Passe sur la palette, pieds en mouvement et tout. Mais il n’a même pas le temps d’appuyer l’attaque que la rondelle est de retour dans son territoire.»
«Si tu places Reinbacher dans une équipe où les attaquants sont bons, il va leur mettre la rondelle sur le tape en sortie de zone et leur permettre d’attaquer le territoire offensif avec vitesse. C’est aussi ça, de l’offensive. Sans être spectaculaire, il va quand même récolter sa part de points.»
Défensive
Guillaume Asselin: «Il peut difficilement être battu de vitesse. Son gap [contrôle de la distance] est très bon. Il ne te laisse jamais d’espace à un contre un. Il a un excellent bâton. Il est très intelligent dans sa façon de le positionner sur la glace. Honnêtement, ce n’est pas un défenseur que tu aimes affronter. Ce n’est pas le fun de jouer contre lui! Et je te dis ça en sachant pertinemment qu’il n’a que 19 ans. Il fait ça malgré son jeune âge et alors qu’il évolue dans l’un des meilleurs circuits au monde contre des hommes. C’est gros, pour être franc.»
«On est quelques Québécois dans l’équipe et évidemment, on se parle parfois de Reinbacher, car on sait qu’il appartient au Canadien. Et tout le monde s’entend sur le fait qu’il est solide et très difficile à battre. Souvent, quand tu sais qu’un gars de son âge est dans l’autre équipe, tu sais que tu vas pouvoir te faire plaisir. Mais avec lui, c’est tout le contraire. Sa game défensive est très relevée.»
Marc-Antoine Pouliot: «Je l’ai affronté plusieurs fois cette saison et chaque match où je devais me frotter à lui, j’avais l’impression de faire face à un homme. Sa tête bouge beaucoup et il est allumé dans son territoire. Il me donne l’impression d’avoir déjà 30 ans.»
À travailler
Maxim Noreau: «Je dirais qu’il va devoir travailler sur ses batailles pour la rondelle, que ce soit au corps à corps ou avec son bâton. Il est intelligent, mais il n’est pas le plus méchant dans les coins. Gagner des rondelles dans le cadre de duels, c’est très important. Je pense aussi qu’il pourrait être davantage mobile et affamé en zone offensive, mais ça, ça viendra avec du coaching, selon moi.»
Guillaume Asselin: «J’aimerais le voir faire plus confiance à ses qualités offensives en territoire ennemi. Être moins conservateur, plus audacieux par moments. Il a plus en lui offensivement que le démontrent ses décisions avec la rondelle.»
Comparable stylistique/projection
Maxim Noreau: «J’ai commencé à faire beaucoup d’observations via vidéos ces derniers temps et j’ai vu plusieurs matchs de la LNH. Honnêtement, en termes de style, il me fait penser à Devon Toews. Il n’est pas flashy, il patine où il y a de l’espace et n’essaie pas de déjouer des adversaires. À la fin de la journée, Toews, tout le monde le place dans la catégorie des très bons défenseurs, mais quand tu regardes sa game, il n’y a absolument rien de spécial dedans. C’est la simplicité et les bonnes décisions qui le rendent si bon. Devon Toews, c’est un bijou pour un coach. Tu peux l’utiliser pendant 25 minutes partout et tu sais qu’il va faire la job.»
«Je ne dis pas que David Reinbacher, même à son apogée, sera dans le top 5 des meilleurs pointeurs chez les défenseurs. Mais les partisans du CH seront-ils vraiment déçus d’avoir un arrière comme Devon Toews dans leur équipe? Pour être à son meilleur, un Cale Makar a besoin d’un Devon Toews...»

Guillaume Asselin: «Le premier nom qui me vient en tête, c’est Alex Pietrangelo. Il est complet. Il n’est pas tout offensif ou tout défensif. Il patine bien. C’est le genre de gars qui te fait gagner. Reinbacher n’a pas un style accrocheur comme celui de Lane Hutson, mais il aura quand même une grande utilité pour Montréal. Il jouera sur le deuxième avantage numérique et sur le premier désavantage numérique. Il jouera entre 24 et 27 minutes par match et sera opposé aux meilleurs éléments adverses. Ça vaut quelque chose de gros, tout ça.»
«Pour remporter des coupes Stanley, ça te prend des joueurs comme lui. Les équipes championnes comptent souvent sur une majorité de gros défenseurs qui patinent bien. Et Reinbacher, c’est exactement ça.»