Régime d’indemnisation de la SAAQ: une famille en deuil aurait aimé obtenir justice en cour
Le régime de no-fault ne permet pas d’intenter des poursuites


Jean-François Racine
La famille d’un motocycliste heurté mortellement l’automne dernier vit toujours plusieurs frustrations face au régime d’indemnisation de la SAAQ qui ne lui permet pas de poursuivre la conductrice à l’origine de la collision.
Près de 44 ans après la mise en place d’un régime de no-fault au Québec, des proches se posent toujours des questions à travers la peine et la colère.
En deuil de son père, Hugo Ménard-Labrecque perçoit un système injuste qui protège parfois mieux les coupables que les victimes. Il se demande si l’autre conductrice a reçu de la SAAQ des indemnités plus élevées que celles versées pour son père. Policiers et avocats ont tenté de leur fournir des explications.
Inattention
« L’incompréhension nous a frappés en pleine face. Mon père disait qu’un véhicule est une arme et ça s’est retourné contre lui. La conductrice n’a jamais regardé », mentionne Hugo, 27 ans, lui-même père de deux jeunes enfants.
Le 8 novembre 2021, Martin Ménard circulait sur le 4e rang Est au moment où une voiture lui aurait coupé la voie à l’intersection de la rue Principale, à Saint-Valérien, près de Rimouski. Le motocycliste n’avait pas d’arrêt obligatoire à faire. Sa mort a été confirmée quelques heures plus tard.
Au moment de l’impact, le soleil était couché et le thermomètre indiquait environ 8 °C. La Sûreté du Québec a écarté la thèse criminelle. Le coroner Jean-Pierre Chamberland mène toutefois une enquête.
« Le droit de poursuivre, c’est le droit de savoir et de comprendre. Fondamentalement, les gens veulent d’abord être entendus », croit pour sa part l’avocat Marc Bellemare. Depuis plus de 40 ans, l’ancien ministre de la Justice dénonce les aberrations du régime d’assurance automobile.
La responsabilité
Le jeune homme demeure marqué. Habitant à proximité, il s’est rendu sur les lieux de l’accident au moment où les véhicules d’urgence y étaient encore. Dans les dernières semaines, il a choisi de quitter le Bas-Saint-Laurent pour s’installer à Québec.
Avec le régime public d’assurance automobile, tous les résidents du Québec sont couverts pour les blessures subies dans un accident de la route, sans égard à leur responsabilité.
Si plusieurs personnes croient qu’un recours civil leur permettrait rapidement d’empocher une grosse somme, d’autres s’efforcent de bien expliquer les deux côtés de la médaille.
« Le régime de no-fault est beaucoup mieux compris dans la population et nous sommes à des années-lumière des débats des années 1990 et 2000 sur la réintroduction des poursuites civiles ou le refus d’indemniser les “criminels de la route” », précise le professeur Daniel Gardner, directeur des programmes de 1er cycle à la faculté de droit de l’Université Laval.
« Prendre le temps »
À l’aube du retour des motocyclistes sur les routes, la famille veut promouvoir la sécurité routière.
« Mon père avait des projets et il était en pleine santé. Tout ça pour une faute d’inattention. Mon mot d’ordre depuis son départ est de prendre le temps », termine sa fille, Maude Ménard-Labrecque.
Une loi bientôt modifiée
Le ministre des Transports François Bonnardel a déposé en février dernier le projet de loi 22 modifiant la Loi sur l’assurance automobile. Selon le gouvernement, les modifications proposées à la loi ont notamment pour but d’offrir une meilleure compensation financière aux personnes accidentées de la route et à leur famille.