Régime des rentes du Québec: une majorité des PME favorable à l’augmentation de l’âge d’admissibilité
Même le Conseil du patronat du Québec s’y oppose et préfère miser sur des incitatifs


Marc-André Gagnon
À la grande surprise du ministre Eric Girard, même le Conseil du patronat du Québec s’oppose au rehaussement de l’âge minimal pour commencer à toucher sa rente du RRQ. Une majorité de PME y sont toutefois favorables, révèle un sondage obtenu par notre Bureau parlementaire.
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Selon un coup de sonde mené par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) auprès de ses membres, 55% des PME appuient la possibilité de reporter l’âge minimal d’admissibilité au Régime des rentes du Québec (RRQ) de 60 à 62 ans.
À peine le tiers des répondants s’opposent à la réforme proposée par Retraite Québec, sur laquelle plusieurs groupes se prononcent depuis mercredi à l’Assemblée nationale.
«Il y a une ouverture pour la majorité des entreprises», constate François Vincent, vice-président pour le Québec de la FCEI, qui n’a pas été invité à comparaître devant les parlementaires.
Ses membres sont beaucoup plus mitigés quant à la possibilité de repousser l’âge minimal à 65 ans, comme l’avancent les administrateurs du RRQ dans la deuxième hypothèse de leur document de réflexion: 44% se disent favorables et 41% contre, alors que la marge d’erreur est de 4,1%.
Vent de face
Comme la vaste majorité des intervenants entendus depuis le début de la consultation, les PME considèrent par-dessus tout que «la priorité, c’est de trouver une façon d'inciter le travail des personnes plus expérimentées», a insisté M. Vincent.
Bien que le ministre des Finances Eric Girard ait assuré d’entrée de jeu mercredi que le gouvernement n’a pas encore tranché, ses interventions en commission parlementaire laissent entrevoir un préjugé favorable envers le report de l’âge minimal proposé par Retraite Québec.
Mais en commission parlementaire, le vent de face souffle fort. À l’instar des experts et des syndicats entendus la veille, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) craint que l’augmentation de l’âge d’admissibilité au RRQ pénalise ceux ayant des emplois physiquement plus exigeants.
«Le CPQ croit donc que le choix revient au citoyen, chaque situation est différente, c’est pourquoi la décision de la prise de la retraite doit demeurer flexible», a déclaré le président et chef de la direction du Conseil du patronat, Karl Blackburn
Girard «surpris»
«Je suis surpris», a répété le ministre Girard, après avoir entendu l’exposé du CPQ. «Si j’ai bien compris, vous êtes pour et contre la proposition, [...] je ne comprends pas», a pesté le ministre.
«C’est surprenant que vous ayez la même position que les syndicats», a renchéri à son tour le député caquiste de René-Lévesque, Yves Montigny.
«Je pensais que notre position était claire», s’est défendu M. Blackburn, en rappelant que la position du CPQ rejoint celle de plusieurs experts entendus mercredi.
«Financièrement, il n’y a pas de raison de vouloir reporter l’âge de 60 à 62 ans, parce que la santé du régime, elle est solide, a insisté M. Blackburn. [...] Ça devrait être un choix personnel, individuel de reporter ou non l’âge de la rente. [...] Pourquoi l’État déciderait à la place du citoyen ce qui est bon pour lui, alors que la situation peut tellement varier?»
«C’est le contraire, parce que c‘est à l’avantage des retraités de ne pas prendre sa rente à 60 ans, a répliqué le ministre Girard. C’est puisque le régime est en santé que nous avons les moyens de faire ça et qu’on se pose la question.»
Conséquences néfastes
Le Conseil du statut de la femme s’est également inquiété jeudi «des conséquences néfastes» que le rehaussement de l’âge minimal d’admissibilité pourrait avoir pour certaines femmes, «particulièrement les plus vulnérables».
«Je constate que l’argument contre le report de l’âge (minimal d’admissibilité au RRQ) à 62 ans qui revient continuellement est celui qui concerne la pénibilité des emplois», a commenté le ministre Girard.
«J’enregistre toutes ces remarques et je les apprécie», a-t-il assuré. Le ministre considère néanmoins que cet aspect du débat incombe davantage aux régimes de retraite privés. «Ça n’empêche pas que c’est un élément important et qu’on doit en discuter», a laissé tomber M. Girard.
Trois actuaires appuient
Trois ex-actuaires en chef du RRQ ont été les premiers, jeudi, depuis le début des auditions, à venir témoigner en faveur du rehaussement de l’âge minimal à 62 ans, jeudi.
L’ex-actuaire en chef du RRQ de 1999 à 2005, Denis Latulippe, a souligné qu’une personne occupant un emploi «pénible» qui décide de prendre sa rente à 60 ans se retrouve en moyenne avec un montant de 400$ par mois. «Rendu-là, c’est plus payant d’être sur l’aide sociale que de demander sa rente à 60 ans», a-t-il indiqué.
La possibilité de pouvoir commencer à toucher sa rente à 60 ans, «ce n’est pas nécessairement la panacée», a-t-il insisté.
«Il ne faut pas penser qu’on est des nerds insensibles sans lunettes», a lancé M. Latulippe, aux côtés des ex-actuaires en chef du RRQ Jean-Claude Ménard (1996-1999) et Pierre Plamondon (2005-2011).
«Une solution à envisager, qui peut-être ne sera pas la solution pour tout le monde, c’est de permettre une flexibilité dans l’organisation du travail», a suggéré M. Latulippe, en évoquant la possibilité de réduire la semaine de travail à trois jours.
Points de convergence
Notons que les différents intervenants entendus jusqu’à présent s’entendent généralement sur plusieurs points, comme la proposition de rendre facultatives les cotisations au RRQ pour les 65 ans et plus et l’importance de miser davantage sur l’éducation pour décourager les 33% de cotisants qui prennent leur retraite à 60 ans, une proportion qui tend déjà à diminuer.
«Mieux informés, on pense qu’il pourrait y avoir une tendance à repousser (l’admissibilité au RRQ) sans l’obliger à 62 [ans]. Les gens sont assez intelligents lorsqu’ils sont informés, pour prendre des décisions», a soutenu Luc Beauregard, secrétaire-trésorier de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ).
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