«Les dettes, ça ne finissait plus»: refuser la succession pour se protéger
C’est ce qu’a vécu Marie, il y a plus de dix ans, quand son père est décédé


Valerie Lesage
Perdre un proche qui laisse une montagne de dettes et qui n’a rien préparé, c’est ajouter mille angoisses au deuil.
Et c’est ce qu’a vécu Marie, il y a plus de dix ans, quand son père est décédé.
À la fin d’une journée, elle est rentrée chez elle et a trouvé le message d’un policier sur sa porte demandant de le rappeler ; son père avait été trouvé mort dans son logement.
Elle s’est écroulée, en larmes.
« Mon père buvait. Mais il m’avait déjà dit que s’il lui arrivait quelque chose, tout était dans sa pochette accordéon », se souvient la dame de Québec.
Elle n’avait même pas la clé de son appartement, mais elle s’y est rendue, pour découvrir que la fenêtre de la salle de bain était ouverte. Elle s’est glissée à l’intérieur, a atterri dans la baignoire et respiré l’odeur nauséabonde qui flottait. La nourriture dans le frigo était avariée.
Elle s’est mise à la recherche de la fameuse pochette avant de repartir de ce lieu où elle n’a jamais pu remettre les pieds pour y ramasser le moindre souvenir de son père.
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Marie l’avait soutenu pendant des années, lui offrant nourriture et vêtements parce qu’il avait toujours des ennuis financiers et qu’il noyait sa vie dans l’alcool. Quelques mois avant sa mort, elle avait toutefois coupé les ponts, car son père avait mis ses enfants à elle en danger.
En regardant dans la pochette, Marie n’a trouvé que des comptes impayés. Elle a commencé à compter et s’est arrêtée à 35 000 $. C’est là qu’elle a consulté un notaire.
« Les dettes, ça ne finissait plus, alors j’ai dû refuser la succession. C’est le Curateur public [du Québec] qui s’est occupé de la suite. Un scellé a été mis sur la porte de l’appartement et je n’y ai plus eu accès », se souvient Marie avec tristesse. Dire non n’était pas si simple. Il fallait faire une démarche auprès de la Ville, où le père avait travaillé, et vérifier si l’assurance-vie avait un bénéficiaire désigné. Et il fallait s’assurer que personne n’encaisse les chèques de pension de son père, ce qui aurait été considéré comme l’acceptation de la succession par les héritiers légaux.
« Il y avait des gens nébuleux autour de mon père et c’était stressant. Je passais chaque jour après le facteur pour ramasser le courrier, car on avait vu de nombreux retraits dans son compte bancaire avant le décès. C’était fait par quelqu’un d’autre, car mon père avait des problèmes de motricité et il n’aurait pas pu aller au guichet chaque jour », confie-t-elle.
Le refus de succession nécessite aussi un acte notarié, pour lequel Marie a dû engager des frais afin de s’assurer que le Curateur ne réclame jamais rien ni à elle, ni à sa sœur, ni à leurs enfants et à ceux à venir.
Pour les funérailles, il n’y avait que les 2500 $ de la Régie des rentes du Québec et même si le père avait déjà souhaité être exposé pendant une semaine, il a fallu y renoncer.
« S’il m’avait laissé quelque chose, je l’aurais fait, mais dans les circonstances, j’ai fait au mieux et je serai à jamais reconnaissante envers la résidence funéraire qui m’a fait un petit forfait avec les 2500 $ », raconte Marie, qui n’avait pas les moyens financiers pour engager d’autres frais à l’époque.
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