Réformer le marché du carbone? Oui! L’abolir? Non!


Philippe Léger
On peut être pour le marché du carbone québécois tout en voulant corriger les injustices qu’il peut créer.
Et d’éviter de faire un Mark Carney de nous-mêmes en reculant complètement sur la taxe carbone – alors qu’une telle taxe est, à l’avis d’experts de gauche comme de droite, un des outils fondamentaux pour diminuer nos GES.
Ce qui a changé
Commençons par planter le décor.
Depuis 2013, le Québec participe à un marché du carbone. Ce système applique le principe du pollueur-payeur: les entreprises doivent acheter des droits pour polluer. Et elles refilent la facture... à nous, notamment à la pompe.
Ce marché n’avait jamais été contesté au Québec, comparativement au reste du Canada.
Il l’est maintenant.
On peut comprendre.
Notre marché comporte des injustices.
D’abord, entre le Canada et le Québec, où le prix du litre d’essence ici est nettement plus élevé qu’ailleurs au pays en raison du recul de Carney sur la taxe carbone canadienne.
Ensuite, entre Québécois, où notre taxe carbone frappe plus fort les pauvres que les riches, ainsi que les ruraux que les urbains.
Si vous vivez en ville et relativement aisé, vous êtes triplement favorisé: l’impact sur votre revenu est moindre, vous vous déplacez moins, et vous avez des alternatives par le métro, l’autobus, le vélo et les voitures électriques - subventionnées d’ailleurs grâce aux revenus du marché du carbone.
Mais en région? Vous avez une voiture à essence par nécessité. Vous faites plus de kilomètres par les distances parcourues. Tout en payant la même taxe que tout le monde...
Faut-il en sortir?
Il pourrait être tentant de tout larguer au nom de l’opposition populaire.
On coupe, on abolit, et hop: le problème disparaît.
Mais il faut regarder les faits. Ce système a généré plus de 10 milliards de dollars depuis sa création. Il a contribué à une baisse des émissions de GES de 19%. C’est considérable.
Le réformer, donc? Oui. Compenser les désavantagés? Encore plus. L’abolir? Certainement pas.