«Le discours du gouvernement est très enrageant»: les médecins confrontent le ministre Christian Dubé sur sa réforme de leur rémunération

Patrick Bellerose
La réforme de la rémunération des médecins ne passe pas. Omnipraticiens et spécialistes ont confronté directement le ministre Christian Dubé en commission parlementaire, mardi, lui reprochant de les avoir traités de paresseux en plus de ne pas fournir l'équipement nécessaire pour opérer.
Fait inhabituel, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) avait invité trois de ses membres à venir témoigner lors des consultations particulières sur le projet de loi 106, qui prévoit de lier 25% de leurs honoraires à l’atteinte d’objectifs de performance.
La Dre Pascale Breault a notamment répliqué au premier ministre François Legault, selon qui «ça va brasser» dans les négociations avec les médecins.
«Que vous brassiez vos médecins, c’est déjà ordinaire, mais moi je ne commencerai pas à brasser mes patients pour contenter votre bilan», a-t-elle lancé au ministre de la Santé.
La Dre Isabelle Gaston, pour sa part, souligne que certains médecins ne peuvent prendre une charge plus lourde, même si Québec estime que le tiers des médecins ne travaillent pas suffisamment.
Elle-même est en invalidité partielle depuis le meurtre de ses deux jeunes enfants.
«Le discours du gouvernement est blessant, voire très enrageant. Insinuer qu’on est paresseux, donc dire qu’on éviterait l’effort, c’est très mal connaître les médecins de famille du Québec», a-t-elle commenté.
Le Dr Benoît Heppell, lui, souligne qu’il a consacré l’équivalent d’un mois, l’an dernier, à remplir de la «paperasse», du temps qu’il n’a pas pu consacrer à ses patients.
Ressources
Après la FMOQ, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) est venue dénoncer l’absence de ressources pour atteindre les objectifs de Québec.
«Pourquoi les blocs opératoires ne roulent-ils pas à pleine capacité?» a demandé le président de la fédération, le Dr Vincent Oliva. À Gatineau, une seule salle d’opération sera ouverte cet été, fait remarquer la FMSQ.
À ses côtés, la Dre Gabrielle Gagnon a voulu illustrer le ridicule des conditions de travail dans son hôpital de Rimouski.
L’hémato-oncologue a exhibé une clochette que ses patients atteints d’un cancer doivent utiliser en attendant la réparation du système de témoins lumineux, prévue pour 2026-2027.
«Faites-la sonner assez fort pendant que vous perdez connaissance pour que je sache où vous êtes», a-t-elle lancé avec une pointe de sarcasme.
Derrière elle, plusieurs autres spécialistes en sarrau et en uniformes médicaux étaient venus assister aux travaux, leurs salles n’étant pas disponibles pour travailler, selon la FMSQ.
Négociations
L’étude du projet de loi 106 se déroule en parallèle des négociations pour renouveler les accords-cadres avec les deux fédérations de médecins.
Québec souhaite remplacer le traditionnel paiement à l’acte par une rémunération basée sur la prise en charge d’un groupe de patients.
«Ce qu’on demande aux médecins, ce n’est pas de travailler plus, mais c’est de travailler différemment», assure Christian Dubé.
Et déjà, il assure que le bâillon ne sera pas imposé pour en forcer l’adoption avant la fin de la session, le 6 juin prochain.
Le premier ministre François Legault promet toutefois que son gouvernement est déterminé à aller de l’avant. «Si on ne change pas la recette, les résultats ne vont pas changer», souligne-t-il.
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