Et si la montée de la souveraineté chez les jeunes n'était qu'une mode? Un sociologue plaide pour un ultime référendum

Marc-André Gagnon
Pour commémorer le 30e anniversaire du référendum de 1995, Le Journal publie une série de reportages, d’entrevues et de chroniques proposant un retour sur ce rendez-vous historique.
Le troisième référendum, s’il a lieu, sera celui «de la dernière chance», croit le professeur en sociologie Jacques Beauchemin, qui se demande si l’enthousiasme renouvelé des jeunes pour la souveraineté est une mode passagère.
Au lendemain du référendum de 1995, «Rien de réglé», titrait Le Journal. «C’était presque Oui», se souvient M. Beauchemin, mais le Non l’a emporté avec une mince avance de 1,16 point de pourcentage.
Trente ans plus tard, pour beaucoup de Québécois, il reste «quelque chose au Québec qu’on n’a pas achevé».
Aux yeux de ce professeur à l’UQAM, auteur de plusieurs ouvrages au sujet de l’identité québécoise et de la souveraineté, un troisième référendum «définitif» est nécessaire.

«Il faut qu’on sorte de l’ambivalence», insiste-t-il. «Si la réponse est clairement non au prochain référendum, les choses auront au moins le mérite d’être claires», considère M. Beauchemin.
Parmi ses étudiants, il constate «une remontée de la ferveur souverainiste», «ce qui est qui est un peu surprenant et inattendu, parce qu’on avait l’impression que c’était une cause perdue».
PSPP ne doit rien tenir pour acquis
Être à la place Paul St-Pierre Plamondon, «je ne prendrais pas pour acquis cet appui des jeunes», prévient M. Beauchemin.
Les réseaux sociaux étant «une espèce de caisse de résonance», «cet enthousiasme nouveau ou renouvelé des jeunes vis-à-vis de la souveraineté est peut-être volatile», soulève le sociologue.
Le dernier sondage Léger, qui place l’appui à la souveraineté à 38% chez les 18-34 ans, tend à lui donner raison, puisqu’il s’agit d’un recul de 10 points par rapport à juin dernier.
Un projet de société
À l’instar de son collègue de l’UQAM, Antonia Maioni, professeure à l’Institut de la santé et des politiques sociales de l’Université McGill, constate également que la souveraineté revient dans les discussions chez les étudiants.

«On n’a pas parlé de souveraineté pendant au moins deux décennies sérieusement, donc c’est sûr que pour les jeunes, c’est quelque chose de nouveau qui peut être tentant», analyse-t-elle.
C’est que «cette génération-là n’a jamais eu un projet de société», note Mme Maioni.
Mais comme il y a peu ou pas de personnages politiques «plus grand que nature» actuellement au Québec pour vendre ce projet, «si on a un troisième référendum, ce sera encore serré», prédit-elle.
Et avant de se lancer dans ce genre de projet, le PQ d’aujourd’hui devrait commencer par prouver qu’il est «capable de gouverner», croit Mme Maioni.
L’heure est au courage et à la lucidité
De son côté, le sociologue Jacques Beauchemin croit que «le temps est au courage et à la lucidité» pour le chef du Parti Québécois.
«Le courage, explique M. Beauchemin, c’est de proposer [un autre référendum] [...] clairement et sans détour.»
La lucidité, s’il accède au pouvoir, sera toutefois de se demander s’il est bel et bien opportun de le tenir dans un premier mandat, dit celui qui a notamment été sous-ministre pendant la gouvernance de Pauline Marois.
«Si le soutien à la souveraineté en 2030 est au niveau où il est aujourd’hui, la question de la pertinence va se poser. Il ne faudrait quand même pas précipiter les Québécois dans une espèce d’abîme ou de mur», illustre le sociologue.