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L'article provient de TVA Nouvelles

REER vulnérables: une bombe à retardement

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Me Kevin Houle, président de l’Association professionnelle des notaires du Québec, Avec la collaboration du Comité des notaires pré et retraités en action

2025-04-10T04:00:00Z
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À l’heure où l’instabilité économique fragilise les fondations de la sécurité financière de milliers de Québécois, nous lançons un appel pressant au gouvernement du Québec: il faut mettre fin à une iniquité criante. Il est temps d’assurer à tous les citoyens la pleine et entière insaisissabilité de leurs régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) en cas de surendettement.

Notre société valorise la prévoyance, le travail acharné et la responsabilité individuelle. Pourtant, dans l’état actuel du droit, ces vertus sont parfois pénalisées plutôt que récompensées. Imaginons deux parcours de vie:

Scénario A: vous êtes un travailleur autonome ou un employé d’une petite entreprise n’offrant aucun régime de retraite. Avec discipline, vous cotisez chaque année à votre REER, conscient qu’il s’agit là de votre seul filet de sécurité pour vos vieux jours.

Scénario B: vous êtes salarié d’une société d’État ou d’une grande entreprise offrant un régime de retraite généreux et qui bénéficie du privilège d’insaisissabilité. Votre retraite est assurée, capitalisée, et à l’abri des créanciers.

Imprévus

La vie, avec son lot d’imprévus – séparation, maladie, accident de parcours –, peut mener à l’endettement. Et si l’insolvabilité devient inévitable, le traitement réservé à chacun de ces deux scénarios diverge brutalement. Dans le scénario A, les créanciers peuvent saisir vos REER, sujet à certaines exceptions, anéantissant vos années d’épargne et de sacrifices. Dans le scénario B, vos REER sont insaisissables.

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Comment justifier une telle disparité? Pourquoi la protection offerte à un fonds de retraite, comme dans le scénario B, ne serait-elle pas également accordée à un REER individuel du scénario A, alors qu’il découle souvent d’un effort plus solitaire, plus volontaire, plus ardu?

En maintenant cette faille juridique, le gouvernement expose des milliers de citoyens à une double peine: non seulement ils subissent les conséquences d’un revers financier, mais ils se voient aussi privés des moyens qu’ils avaient mis de côté pour préserver leur dignité à la retraite. Pire encore, cette situation risque d’alourdir le fardeau de l’État, en forçant ces mêmes personnes à recourir à l’aide sociale une fois leur autonomie financière détruite.

Autres provinces

D’autres provinces ont compris l’importance de corriger cette injustice. Le Manitoba, la Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador, la Colombie-Britannique, l’Alberta et l’Île-du-Prince-Édouard, entre autres, protègent intégralement les REER, à l’exception des cas liés à des obligations alimentaires. Le gouvernement fédéral, lui aussi, a reconnu cette nécessité depuis 2008 dans la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

Qu’attend donc le Québec pour suivre cette voie de bon sens et d’équité? Le Québec, pionnier de tant de réformes sociales, ne peut demeurer à la traîne dans la protection des efforts de retraite de ses citoyens les plus vulnérables.

Ce que nous demandons, ce n’est pas un privilège. Ce n’est pas l’impunité. Nous comprenons et appuyons les saisies justifiées pour obligations alimentaires ou le partage du patrimoine familial. Mais au-delà de ces cas d’exception, il est juste et nécessaire que les REER soient protégés au Québec – sans égard à leur forme juridique ou à l’institution qui les détient – contre la saisie, tout comme le gouvernement fédéral l’a prévu dans sa législation.

Cette réforme n’exige aucun financement public. Elle ne coûte rien à l’État, mais elle offrirait un bénéfice immense: la tranquillité d’esprit à tous ceux qui, sans privilège ni filet doré, ont fait le choix courageux de prévoir leur avenir.

L’insaisissabilité des REER en cas d’insolvabilité n’est pas un luxe. C’est une reconnaissance légitime du droit à une retraite protégée. Un droit que tous les Québécois devraient pouvoir revendiquer.

Me Kevin Houle

Président de l’Association professionnelle des notaires du Québec (APNQ)

Avec la collaboration du Comité des notaires pré et retraités en action (NPRA)

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