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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Réduire la limite d’alcool à 0,05: l’illusion sécuritaire

Veut-on déplacer des efforts policiers pour harceler des conducteurs bien tranquilles?

Plusieurs juridictions sérieuses conservent le 0,08 comme le Québec.
Plusieurs juridictions sérieuses conservent le 0,08 comme le Québec. Photo Adobe Stock
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Photo portrait de Mario Dumont

Mario Dumont

2025-05-23T04:00:00Z
2025-05-23T04:10:00Z
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Ce débat revient depuis 20 ans. Faut-il réduire à 0,05 (g/L) le taux d’alcool permis pour conduire un véhicule sur la voie publique? Certains en font une obsession, voire un lobby permanent. Le Parti libéral du Québec en a fait un élément important de son programme politique.

Personnellement, je suis contre. Parce que je ne crois pas à un bénéfice significatif en matière de sécurité routière. Parce que je crois que cette mesure cible les mauvaises personnes. Parce que je crois que nous avons déjà réussi à transformer positivement les comportements en matière d’alcool au volant depuis un quart de siècle.

Mais je me suis quand même donné la peine de fouiller la question. Personne ne peut d’entrée de jeu s’opposer à sauver des vies ni à améliorer la sécurité sur les routes. Il faut donc creuser certains faits pour tenter de juger la mesure proposée.

Comme les autres?

Le premier argument qu’on entend, c’est que les autres provinces du Canada l’ont fait. C’est exact, mais cela n’apporte rien à la discussion. Le Québec détient le pouvoir et n’a aucune obligation de suivre les autres. Aux États-Unis, par exemple, 49 États sur 50 imposent la norme du 0,08 comme nous.

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En Europe, la majorité des pays ont choisi le 0,05. Quelques-uns, dont le Royaume-Uni, optent pour 0,08. La Hongrie et la République tchèque ont préféré la solution radicale: zéro alcool pour conduire. En résumé, il n’y a aucun consensus et le 0,08 demeure une norme largement répandue dans des pays sérieux.

Si l’on applique une telle mesure, il faut se poser une question fondamentale: qui vise-t-on? Est-ce que les gens qui seront mis à l’amende ou perdront leur permis entre 0,05 et 0,08 sont vraiment les dangers publics qu’on doit mettre sous contrôle?

Ma réponse est un gros non. Des amis qui sont allés prendre un verre après le bureau, des couples qui sortent du restaurant, des gens qui sortent d’une simple fête de famille. À 0,05, on ne parle pas de beuveries. On parle simplement d’un deuxième verre de vin. Je suis convaincu qu’on s’attaquerait à une clientèle qui est responsable de bien peu d’accidents.

• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Efforts policiers

De surcroît, il faut penser qu’en rendant ainsi la loi plus sévère, le gouvernement devrait déployer des moyens pour faire appliquer la loi. Sinon, c’est bidon. Est-ce la meilleure utilisation des ressources que de mettre des policiers près de la sortie des restaurants le soir de la Saint-Valentin? Pour coincer à 0,06 le malfaiteur qui a pris deux verres de vin.

Il vaudrait mieux que les policiers se concentrent ou sur les compulsifs de la vitesse extrême ou sur les irresponsables qui sortent des bars bien bourrés et prennent le volant. Ceux-là sont bien en haut du 0,08.

Suivez les procès après des tragédies impliquant l’alcool. Les accusés présentent des taux de deux fois et trois fois la limite de 0,08.

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