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L'article provient de Le Journal de Québec
Société

Redécouvrez en images la longue tradition des carnavals d'hiver au Québec

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Photo portrait de Rendez-vous d'histoire de Québec (collaboration spéciale)

Rendez-vous d'histoire de Québec (collaboration spéciale)

2023-02-05T05:00:00Z
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«Carnaval, Mardi gras, Carnaval! À Québec, c’est tout un festival!» Ça y est, une bonne partie des gens qui lisent ces lignes auront cette chanson en tête pour le reste de la journée. Les festivals d’hiver font partie de l’ADN québécois. Organisés dans bien des régions, ils permettent d’oublier la rigueur de la saison froide, le temps d’assister à une course de traîneau, d’admirer des sculptures de neige, de prendre part à une séance de patinage... des sorties se concluant bien souvent, il faut l’admettre, avec un p’tit verre pour se réchauffer! Profitons du début de février, qui marque la période des festivités, pour revisiter cette belle coutume.

• À lire aussi - Carnaval de Québec: Des défilés «rythmés» et «dansants»

Carnaval de Québec, vers 1975. Carte postale, BAnQ, notice 0002629941.
Carnaval de Québec, vers 1975. Carte postale, BAnQ, notice 0002629941. Photo Émile Kirouac

Des carnavals d’hiver... au pluriel, s’il-vous-plaît

Si le Carnaval est bien sûr associé à la ville de Québec, il ne faut pas oublier le reste de la province. Après tout, un grand nombre de municipalités, depuis les grosses villes comme Montréal jusqu’à de modestes villages, ont organisé ou organisent toujours leur propre carnaval d’hiver!

Carnaval de Contrecœur, février 1961. De gauche à droite: Christine Jacques, Bonhomme, Roland Berthiaume, Marie-Jeanne Hamel, Guy Descheneaux, Éliane Chagnon, Normand Giard, Pierrette Deslauriers (qui sera d’ailleurs élue reine en 1962) et Marie-Michelle Bazinet.
Carnaval de Contrecœur, février 1961. De gauche à droite: Christine Jacques, Bonhomme, Roland Berthiaume, Marie-Jeanne Hamel, Guy Descheneaux, Éliane Chagnon, Normand Giard, Pierrette Deslauriers (qui sera d’ailleurs élue reine en 1962) et Marie-Michelle Bazinet. Photo courtoisie

Célébrer ainsi l’hiver au moyen d’un festival est une pratique qui s’est popularisée tout particulièrement dans la seconde moitié du 20e siècle. Les carnavals d’hiver agissent comme de formidables leviers communautaires, dynamisant l’économie et donnant un bon coup de pouce aux commerçants locaux. Les années 1950 et 1960 ont ainsi vu naître de nombreux festivals dédiés à la saison froide. Leur durée et leur pérennité sont variables. Certains de ces événements, très éphémères, n’ont duré que le temps d’une ou deux éditions, tandis que d’autres se sont prolongés sur plusieurs décennies, parfois jusqu’à aujourd’hui!

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Les activités qu’on retrouve dans la programmation de ces carnavals ont bien sûr de nombreux points en commun. Voyons lesquels.

La nostalgie des temps passés

Vente aux enchères lors du Carnaval de Chicoutimi, février 1976. BAnQ, E10,S44,SS1,D76-33.
Vente aux enchères lors du Carnaval de Chicoutimi, février 1976. BAnQ, E10,S44,SS1,D76-33. Photo Daniel Lessard

L’une des caractéristiques des carnavals d’hiver est de célébrer, par diverses activités, le mode de vie traditionnel des anciens Canadiens français. C’est un peu comme si on voulait rappeler leur ténacité, leur débrouillardise et leur endurance face aux rigueurs de l’hiver. L’omniprésence des ceintures fléchées (ressorties du coffre de cèdre spécialement pour l’occasion, pour honorer l’habillement des ancêtres des années 1800) est une des manifestations de cette nostalgie, tout comme le choix des activités: raquette, traîneau à chien, etc.

Entre autres évocations de «l’ancien temps», certains festivals d’hiver, dont le Carnaval de Chicoutimi, organisent des ventes aux enchères sur le perron de l’église paroissiale... à la criée, comme autrefois!

Allez hop, en voiture!

Balade en traîneau pendant le carnaval d’hiver de Saint-Raymond de Portneuf vers 1955. La buée produite par l’haleine du cheval, bien visible sur la photo, semble indiquer qu’il fait très froid! BAnQ, P322,S3,D4-32.
Balade en traîneau pendant le carnaval d’hiver de Saint-Raymond de Portneuf vers 1955. La buée produite par l’haleine du cheval, bien visible sur la photo, semble indiquer qu’il fait très froid! BAnQ, P322,S3,D4-32. Photo Paul-Émile Duplain

Les carnavals sont aussi une excellente occasion pour faire revivre, pendant quelques jours, les moyens de déplacement d’autrefois. Même au milieu des années 1950, alors que l’automobile s’est généralisée, on ressort les belles carrioles à patins et on attelle les chevaux.

L’arrivée de la Reine des Sports, Fernande Gagnon, lors du Carnaval du Bic, 27 février 1949. BAnQ, P24,S4,D28.
L’arrivée de la Reine des Sports, Fernande Gagnon, lors du Carnaval du Bic, 27 février 1949. BAnQ, P24,S4,D28. Photo J.-Gérard Lacombe

Les villes et villages qui bénéficient de la proximité du fleuve, d’un lac ou d’une rivière sont particulièrement enclins à créer leur festival d’hiver, les surfaces gelées se transformant en formidables patinoires extérieures. Sinon, ce n’est pas grave: des bénévoles s’affaireront à en fabriquer une pour accueillir les patineurs... ou encore on se repliera sur l’aréna municipal.

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Figures royales

Christine Clément, reine du Carnaval de Rosemère 1948, et ses duchesses. BAnQ, Fonds Béatrice Clément, P43,S4,P167.
Christine Clément, reine du Carnaval de Rosemère 1948, et ses duchesses. BAnQ, Fonds Béatrice Clément, P43,S4,P167. Photo domaine public

Les duchesses sont également un élément incontournable des carnavals d’hiver au Québec au 20e siècle. Leur présence donne du décorum aux nombreuses activités auxquelles elles assistent pendant les festivités. Les jeunes femmes se livrent à une compétition amicale – vente de billets, de macarons, de bougies ou autre – à l’issue de laquelle la duchesse ayant réalisé la meilleure performance a l’honneur d’être couronnée reine.

Discours de remerciement de Christine Jacques, reine du Carnaval de Varennes de 1973.
Discours de remerciement de Christine Jacques, reine du Carnaval de Varennes de 1973. Photo courtoisie

Défilés, parades et processions

Parade du Carnaval de Québec sur la côte de la Fabrique en 1894. On aperçoit le char allégorique du Club des raquetteurs devant le magasin The Medical Hall. BAnQ, P1000,S4,D66,P11.
Parade du Carnaval de Québec sur la côte de la Fabrique en 1894. On aperçoit le char allégorique du Club des raquetteurs devant le magasin The Medical Hall. BAnQ, P1000,S4,D66,P11. Photo Strohmeyer & Wyman Publishers, New York / Underwood & Underwood

S’ils ne sont pas présents dans tous les carnavals d’hiver, les défilés se retrouvent quand même dans la programmation d’un bon nombre de festivals hivernaux. L’une des plus anciennes parades est celle du Carnaval de Québec. Dès la fin du 19e siècle, les organisateurs s’affairent à mobiliser la communauté, les marchands, les gens d’affaires et divers groupes afin qu’ils préparent des chars qui défileront dans les rues de la ville. Par exemple, le défilé de 1894 compte notamment le char du Club des raquetteurs. 

Le char allégorique du Carnaval de Varennes de 1973, dans lequel prennent place la reine Christine Jacques, les duchesses et Bonhomme.
Le char allégorique du Carnaval de Varennes de 1973, dans lequel prennent place la reine Christine Jacques, les duchesses et Bonhomme. Photo courtoisie

Les noms de marque, de magasins et de commerces qui ont appuyé financièrement la construction des chars sont évidemment bien en vue! Selon les lieux et les années, des groupes de musique et de danse, ainsi que des amuseurs et des figurants, se joignent aussi à la procession. Par convention, le défilé se conclut avec le char où prennent place Bonhomme et la reine du Carnaval. Selon les localités, plusieurs centaines, voire milliers de personnes assistent à l’événement.

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Palaces de glace

Palais du Carnaval de Montréal en 1887.
Palais du Carnaval de Montréal en 1887. Photo Wikimedia Commons, domaine public

S’il y a de la royauté, il faut un palais. Ça va de soi! La construction de châteaux, forteresses et autres tours monumentales au moyen de matériaux fournis gracieusement par dame Nature elle-même fait donc partie des préparatifs des carnavals d’hiver dès la fin du 19e siècle.

Le château de glace du Carnaval de Lachine en 1927.
Le château de glace du Carnaval de Lachine en 1927. Photo Charbonneau Studio

Des milliers de blocs de glace sont soigneusement préparés pendant le mois de janvier. Gérés par un «architecte», une équipe de bénévoles assure leur assemblage en suivant un plan précis. Empruntant aux codes esthétiques du Moyen Âge, ces forteresses glacées ont de quoi impressionner! Tout doit, bien sûr, être prêt à temps pour le début des festivités. 

Participants et dignitaires devant le palais du Carnaval d’hiver de Sainte-Agathe-des-Monts, 1962. BAnQ, E6,S7,SS1,D620363-620394
Participants et dignitaires devant le palais du Carnaval d’hiver de Sainte-Agathe-des-Monts, 1962. BAnQ, E6,S7,SS1,D620363-620394 Photo Paul Girard

Fait digne de mention, l’architecture employée pour ces constructions éphémères se met parfois au goût du jour! Dans les années 1960, les concepteurs du palais du Carnaval de Québec délaissent les tours crénelées et les forteresses massives pour adopter un look résolument moderne.

Palais de glace du Carnaval de Québec de 1962.
Palais de glace du Carnaval de Québec de 1962. Photo Gaétan Soucy, BAnQ

Œuvres éphémères

La reine du Carnaval de Sainte-Agathe-des-Monts 1961 assise dans une sculpture de neige en forme de calèche. Le cheval porte un vrai harnais! BAnQ, E6,S7,SS1,D229490-229499.
La reine du Carnaval de Sainte-Agathe-des-Monts 1961 assise dans une sculpture de neige en forme de calèche. Le cheval porte un vrai harnais! BAnQ, E6,S7,SS1,D229490-229499. Photo Adrien Hubert

La neige est le matériau privilégié pour concevoir de jolies sculptures. 

La gagnante (non identifiée) du concours de sculpture sur neige du Carnaval de Maniwaki, 2 février 1963. BAnQ, P174,S1,D29403-26
La gagnante (non identifiée) du concours de sculpture sur neige du Carnaval de Maniwaki, 2 février 1963. BAnQ, P174,S1,D29403-26 Photo Champlain Marcil

Que ce soit dans le cadre d’un concours (local ou même international, comme certaines années au Carnaval de Québec) ou qu’elles résultent tout simplement de l’initiative personnelle de citoyens, ces œuvres éphémères contribuent à animer les quartiers pendant les carnavals d’hiver. Elles sont aussi l’occasion de démontrer une belle créativité!

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Sculpture de neige au Carnaval de Québec, février 2014.
Sculpture de neige au Carnaval de Québec, février 2014. Photo Matias Garabedian, Wikimedia Commons

Un Bonhomme aux mille visages

Couronnement de la reine en présence d’un dignitaire et de Bonhomme, carnaval non identifié dans la région de Gatineau, 20 février 1963. BAnQ, P174,S1,D29580.
Couronnement de la reine en présence d’un dignitaire et de Bonhomme, carnaval non identifié dans la région de Gatineau, 20 février 1963. BAnQ, P174,S1,D29580. Photo Champlain Marcil

Comment passer Bonhomme sous silence? Remontant aux plus lointaines traditions européennes du Mardi gras, ce personnage s’avère un incontournable de la majorité des carnavals d’hiver. On remarque sa présence dans de nombreuses photographies des années 1950 et 1960, où son allure est à la fois semblable (il porte généralement un bonnet rouge et une ceinture fléchée) et différente: en effet, ses expressions faciales varient beaucoup selon les lieux... et selon l’habileté de ses concepteurs à manier le papier mâché, pourrait-on supposer!

Groupe rassemblé pour le Carnaval de Havre-Saint-Pierre, 1963. L’allure de Bonhomme semble déconcerter la fillette à l’avant! BAnQ, Fonds Société historique de Havre-Saint-Pierre inc., P19,S1,SS1,P788.
Groupe rassemblé pour le Carnaval de Havre-Saint-Pierre, 1963. L’allure de Bonhomme semble déconcerter la fillette à l’avant! BAnQ, Fonds Société historique de Havre-Saint-Pierre inc., P19,S1,SS1,P788. Photo Société historique de Havre-Saint-Pierre

À Québec, l’apparence de Bonhomme évolue au cours des décennies. S’il est un peu plus mince au milieu des années 1950, le personnage semble atteindre son allure définitive, avec un habit aux contours confortablement rembourrés et arborant cinq pompons noirs, vers la fin des années 1960. Depuis une cinquantaine d’années, il n’a pas pris une ride... pardon, un flocon!

Affiche officielle du Carnaval de Québec de 1972.
Affiche officielle du Carnaval de Québec de 1972. Wikimédia Commons, domaine public

L’art presque perdu du déguisement

Cette activité de patinage de Mardi Gras tenue au Victoria Skating Ring de Montréal en février 1879 reflète parfaitement l’ambiance d’une soirée costumée carnavalesque. BAnQ, notice 0002730601.
Cette activité de patinage de Mardi Gras tenue au Victoria Skating Ring de Montréal en février 1879 reflète parfaitement l’ambiance d’une soirée costumée carnavalesque. BAnQ, notice 0002730601. Photo domaine public

Aux racines mêmes du Carnaval, il y avait l’idée d’inverser les rôles, de se travestir, de se faire passer pour quelqu’un d’autre, le temps d’une activité ou d’une soirée de danse. 

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La page couverture du programme du Carnaval de Québec 1912 réfère sans ambiguïté à l’importance des costumes, un rappel renforcé par l’emploi des mots «Mardi gras». BAnQ.
La page couverture du programme du Carnaval de Québec 1912 réfère sans ambiguïté à l’importance des costumes, un rappel renforcé par l’emploi des mots «Mardi gras». BAnQ. Illustration domaine public

En plus d’être amusant, c’était l’occasion pour les gens de se défouler un peu tout en évitant d’être reconnus! 

Sur cette photo prise lors du Carnaval Saint-Jean-Baptiste le 18 février 1963, on reconnaît un toréador, le Bonhomme et le personnage de Zorro. Mention spéciale au déguisement de taureau! BAnQ, P174,S1,D29553.
Sur cette photo prise lors du Carnaval Saint-Jean-Baptiste le 18 février 1963, on reconnaît un toréador, le Bonhomme et le personnage de Zorro. Mention spéciale au déguisement de taureau! BAnQ, P174,S1,D29553. Photo Champlain Marcil

La programmation de plusieurs carnavals d’hiver comporte donc des concours de déguisements... dont certains se tiennent sur patins.

Gagnants du concours de costumes du Carnaval de Saint-Raymond, 1966. BAnQ, P322,S3,D4-23.
Gagnants du concours de costumes du Carnaval de Saint-Raymond, 1966. BAnQ, P322,S3,D4-23. Photo Paul-Émile Duplain

Compétitions amicales... ou sérieuses

La reine et le Bonhomme procèdent à la mise au jeu de cette partie de hockey pendant le Carnaval de l’Ouest du Québec de Rouyn, vers 1965. BAnQ, Fonds Comité du 50e anniversaire de Rouyn-Noranda, P34,S3,D3.
La reine et le Bonhomme procèdent à la mise au jeu de cette partie de hockey pendant le Carnaval de l’Ouest du Québec de Rouyn, vers 1965. BAnQ, Fonds Comité du 50e anniversaire de Rouyn-Noranda, P34,S3,D3. Photo courtoisie

Les festivals d’hiver représentent une formidable occasion d’organiser des compétitions. On inscrit donc à la programmation diverses courses de traîneau à chien, des concours d’habileté, des tournois de hockey et même, signe de modernité dès les années 1950, des courses de motoneige!

Concours de sciage de bois lors du Carnaval de Chicoutimi, février 1976. BAnQ, 1976-02 E10,S44,SS1,D76-32.
Concours de sciage de bois lors du Carnaval de Chicoutimi, février 1976. BAnQ, 1976-02 E10,S44,SS1,D76-32. Photo Daniel Lessard

Les courses de canot à glace méritent d’être distinguées. Par leur caractère particulièrement dangereux, elles requièrent une préparation et un entraînement dignes des Olympiques. On les retrouve dès les premières éditions du Carnaval de Québec et elles sont toujours d’actualité. D’ailleurs, saviez-vous qu’on a reconnu ce sport périlleux comme un patrimoine québécois? La pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent a été inscrite au registre du patrimoine culturel du Québec en 2014.

Course de canots sur glace lors du Carnaval de Québec, février 1957. Office national du film du Canada. Service de la photographie. Bibliothèque et Archives Canada, e011176498.
Course de canots sur glace lors du Carnaval de Québec, février 1957. Office national du film du Canada. Service de la photographie. Bibliothèque et Archives Canada, e011176498. Photo Chris Lund

En définitive, quelle que soit la région d’où vous venez – et que vous envisagiez ou non de participer au Carnaval cette année –, nous espérons que vous avez apprécié cette petite plongée dans notre patrimoine carnavalesque!


Un texte préparé par Catherine Ferland, historienne, pour les Rendez-vous d’histoire de Québec.

  • Les 6e Rendez-vous d’histoire de Québec seront de retour du 9 au 13 août 2023! D’ici là, découvrez ou redécouvrez gratuitement la centaine de conférences des éditions précédentes sur notre chaîne YouTube et suivez-nous sur Facebook. Plus d’infos au rvhqc.com.
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