Redécouvrez en images la longue tradition des carnavals d'hiver au Québec
Rendez-vous d'histoire de Québec (collaboration spéciale)
«Carnaval, Mardi gras, Carnaval! À Québec, c’est tout un festival!» Ça y est, une bonne partie des gens qui lisent ces lignes auront cette chanson en tête pour le reste de la journée. Les festivals d’hiver font partie de l’ADN québécois. Organisés dans bien des régions, ils permettent d’oublier la rigueur de la saison froide, le temps d’assister à une course de traîneau, d’admirer des sculptures de neige, de prendre part à une séance de patinage... des sorties se concluant bien souvent, il faut l’admettre, avec un p’tit verre pour se réchauffer! Profitons du début de février, qui marque la période des festivités, pour revisiter cette belle coutume.
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Des carnavals d’hiver... au pluriel, s’il-vous-plaît
Si le Carnaval est bien sûr associé à la ville de Québec, il ne faut pas oublier le reste de la province. Après tout, un grand nombre de municipalités, depuis les grosses villes comme Montréal jusqu’à de modestes villages, ont organisé ou organisent toujours leur propre carnaval d’hiver!

Célébrer ainsi l’hiver au moyen d’un festival est une pratique qui s’est popularisée tout particulièrement dans la seconde moitié du 20e siècle. Les carnavals d’hiver agissent comme de formidables leviers communautaires, dynamisant l’économie et donnant un bon coup de pouce aux commerçants locaux. Les années 1950 et 1960 ont ainsi vu naître de nombreux festivals dédiés à la saison froide. Leur durée et leur pérennité sont variables. Certains de ces événements, très éphémères, n’ont duré que le temps d’une ou deux éditions, tandis que d’autres se sont prolongés sur plusieurs décennies, parfois jusqu’à aujourd’hui!
Les activités qu’on retrouve dans la programmation de ces carnavals ont bien sûr de nombreux points en commun. Voyons lesquels.
La nostalgie des temps passés

L’une des caractéristiques des carnavals d’hiver est de célébrer, par diverses activités, le mode de vie traditionnel des anciens Canadiens français. C’est un peu comme si on voulait rappeler leur ténacité, leur débrouillardise et leur endurance face aux rigueurs de l’hiver. L’omniprésence des ceintures fléchées (ressorties du coffre de cèdre spécialement pour l’occasion, pour honorer l’habillement des ancêtres des années 1800) est une des manifestations de cette nostalgie, tout comme le choix des activités: raquette, traîneau à chien, etc.
Entre autres évocations de «l’ancien temps», certains festivals d’hiver, dont le Carnaval de Chicoutimi, organisent des ventes aux enchères sur le perron de l’église paroissiale... à la criée, comme autrefois!
Allez hop, en voiture!

Les carnavals sont aussi une excellente occasion pour faire revivre, pendant quelques jours, les moyens de déplacement d’autrefois. Même au milieu des années 1950, alors que l’automobile s’est généralisée, on ressort les belles carrioles à patins et on attelle les chevaux.

Les villes et villages qui bénéficient de la proximité du fleuve, d’un lac ou d’une rivière sont particulièrement enclins à créer leur festival d’hiver, les surfaces gelées se transformant en formidables patinoires extérieures. Sinon, ce n’est pas grave: des bénévoles s’affaireront à en fabriquer une pour accueillir les patineurs... ou encore on se repliera sur l’aréna municipal.
Figures royales

Les duchesses sont également un élément incontournable des carnavals d’hiver au Québec au 20e siècle. Leur présence donne du décorum aux nombreuses activités auxquelles elles assistent pendant les festivités. Les jeunes femmes se livrent à une compétition amicale – vente de billets, de macarons, de bougies ou autre – à l’issue de laquelle la duchesse ayant réalisé la meilleure performance a l’honneur d’être couronnée reine.

Défilés, parades et processions

S’ils ne sont pas présents dans tous les carnavals d’hiver, les défilés se retrouvent quand même dans la programmation d’un bon nombre de festivals hivernaux. L’une des plus anciennes parades est celle du Carnaval de Québec. Dès la fin du 19e siècle, les organisateurs s’affairent à mobiliser la communauté, les marchands, les gens d’affaires et divers groupes afin qu’ils préparent des chars qui défileront dans les rues de la ville. Par exemple, le défilé de 1894 compte notamment le char du Club des raquetteurs.

Les noms de marque, de magasins et de commerces qui ont appuyé financièrement la construction des chars sont évidemment bien en vue! Selon les lieux et les années, des groupes de musique et de danse, ainsi que des amuseurs et des figurants, se joignent aussi à la procession. Par convention, le défilé se conclut avec le char où prennent place Bonhomme et la reine du Carnaval. Selon les localités, plusieurs centaines, voire milliers de personnes assistent à l’événement.
Palaces de glace

S’il y a de la royauté, il faut un palais. Ça va de soi! La construction de châteaux, forteresses et autres tours monumentales au moyen de matériaux fournis gracieusement par dame Nature elle-même fait donc partie des préparatifs des carnavals d’hiver dès la fin du 19e siècle.

Des milliers de blocs de glace sont soigneusement préparés pendant le mois de janvier. Gérés par un «architecte», une équipe de bénévoles assure leur assemblage en suivant un plan précis. Empruntant aux codes esthétiques du Moyen Âge, ces forteresses glacées ont de quoi impressionner! Tout doit, bien sûr, être prêt à temps pour le début des festivités.

Fait digne de mention, l’architecture employée pour ces constructions éphémères se met parfois au goût du jour! Dans les années 1960, les concepteurs du palais du Carnaval de Québec délaissent les tours crénelées et les forteresses massives pour adopter un look résolument moderne.

Œuvres éphémères

La neige est le matériau privilégié pour concevoir de jolies sculptures.

Que ce soit dans le cadre d’un concours (local ou même international, comme certaines années au Carnaval de Québec) ou qu’elles résultent tout simplement de l’initiative personnelle de citoyens, ces œuvres éphémères contribuent à animer les quartiers pendant les carnavals d’hiver. Elles sont aussi l’occasion de démontrer une belle créativité!

Un Bonhomme aux mille visages

Comment passer Bonhomme sous silence? Remontant aux plus lointaines traditions européennes du Mardi gras, ce personnage s’avère un incontournable de la majorité des carnavals d’hiver. On remarque sa présence dans de nombreuses photographies des années 1950 et 1960, où son allure est à la fois semblable (il porte généralement un bonnet rouge et une ceinture fléchée) et différente: en effet, ses expressions faciales varient beaucoup selon les lieux... et selon l’habileté de ses concepteurs à manier le papier mâché, pourrait-on supposer!

À Québec, l’apparence de Bonhomme évolue au cours des décennies. S’il est un peu plus mince au milieu des années 1950, le personnage semble atteindre son allure définitive, avec un habit aux contours confortablement rembourrés et arborant cinq pompons noirs, vers la fin des années 1960. Depuis une cinquantaine d’années, il n’a pas pris une ride... pardon, un flocon!

L’art presque perdu du déguisement

Aux racines mêmes du Carnaval, il y avait l’idée d’inverser les rôles, de se travestir, de se faire passer pour quelqu’un d’autre, le temps d’une activité ou d’une soirée de danse.

En plus d’être amusant, c’était l’occasion pour les gens de se défouler un peu tout en évitant d’être reconnus!

La programmation de plusieurs carnavals d’hiver comporte donc des concours de déguisements... dont certains se tiennent sur patins.

Compétitions amicales... ou sérieuses

Les festivals d’hiver représentent une formidable occasion d’organiser des compétitions. On inscrit donc à la programmation diverses courses de traîneau à chien, des concours d’habileté, des tournois de hockey et même, signe de modernité dès les années 1950, des courses de motoneige!

Les courses de canot à glace méritent d’être distinguées. Par leur caractère particulièrement dangereux, elles requièrent une préparation et un entraînement dignes des Olympiques. On les retrouve dès les premières éditions du Carnaval de Québec et elles sont toujours d’actualité. D’ailleurs, saviez-vous qu’on a reconnu ce sport périlleux comme un patrimoine québécois? La pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent a été inscrite au registre du patrimoine culturel du Québec en 2014.

En définitive, quelle que soit la région d’où vous venez – et que vous envisagiez ou non de participer au Carnaval cette année –, nous espérons que vous avez apprécié cette petite plongée dans notre patrimoine carnavalesque!
Un texte préparé par Catherine Ferland, historienne, pour les Rendez-vous d’histoire de Québec.
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