Récession: «c’est dans l’esprit des gens», dit Champagne

Raphaël Pirro
Même si bon nombre de Canadiens disent s’attendre à une récession, des ministres fédéraux préfèrent ne pas se mouiller, mais avisent tout de même que le pays pourrait entrer dans une phase plus difficile.
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Un sondage de la Banque du Canada (BDC) publié lundi a rapporté entre autres que près des deux tiers des Canadiens évaluaient les probabilités d’une récession d'entre 60 % et 100 % au courant de la prochaine année.
Les répondants ont considéré les salaires ne suivant pas l’inflation ainsi que des prix élevés, qui réduisent leur capacité de dépenser, comme des facteurs pouvant mener à la récession.
Pour François-Philippe Champagne, la récession, «c’est sûr que c’est dans l’esprit des gens».
Le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie reconnaît qu’il est «difficile» de mettre un chiffre sur les risques de l’inflation, mais explique qu’«une grande partie de l’inflation est générée par l’offre plutôt que par la demande».
Dans les six derniers mois, la Banque du Canada a haussé le taux directeur de trois points de pourcentage pour calmer la demande. Cette hausse abrupte a comme objectif de ralentir la hausse des prix, mais elle affectera très certainement la croissance économique.
Une nouvelle hausse du taux directeur est à prévoir pour le 26 octobre prochain. Les experts s’attendent à une hausse de 50 points, pour atteindre 4,25 %. Le taux directeur est à 3,25.
«Augmenter les taux d’intérêt, ça joue sur la demande, mais le problème qu’on a, c’est les enjeux de chaîne d’approvisionnement. C’est pour ça que vous nous avez vu travailler d’arrache-pied, je vous dirais, là, pour ramener des choses chez nous», a déclaré M. Champagne lors d’un «scrum» à l’entrée du conseil des ministres mardi.
La vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland ne l’a pas contredit lors d’une conférence de presse dans les bureaux d’une entreprise d’hydrogène vert de Gatineau lundi.
Le mot «récession» était absent de son allocution, mais le ton était néanmoins clair: «les gens sont inquiets», a-t-elle déclaré.
«Même si l’inflation recule dans les prochains mois, la situation va rester difficile. [...] Notre économie va ralentir, car la banque centrale doit s’attaquer à l’inflation. Plusieurs personnes vont voir leurs paiements d’hypothèque augmenter. Les affaires ne seront plus aussi bonnes que depuis le déconfinement. Et le taux de chômage ne sera plus à un creux historique», a prononcé lundi Mme Freeland.
Questionné sur les risques de récession, Justin Trudeau a esquivé la question. Il a plutôt parlé des actions entreprises par son gouvernement pour aider les gens à faire face à la hausse des prix, incluant le doublement du crédit de la TPS, qui devraient passer au Parlement d’ici les prochaines semaines.
M. Trudeau a toutefois fait mention de «turbulences» que le Canada pourrait bientôt traverser.
Mme Freeland, tout comme le ministre Champagne, a laissé entendre qu’une des voies d’avenir pour mieux faire face aux incertitudes économiques liées à la mondialisation était de ramener des industries de production au pays. Une autre voie est celle du «friendshoring», ou «amilocalisation», soit l’action de ne faire affaire qu’avec des pays clairement alliés pour la production ou la transformation de certains biens.
Ayant peu d’outils pour agir sur l’inflation étant donné ses causes majoritairement mondiales, le gouvernement mise donc sur les manières d’en diminuer l’impact pour le public.
Le ministre Champagne a donc salué l’initiative de Loblaws de geler de prix de centaines de produits et espère «que ça va inciter tous les autres à emboîter le pas».
Une rencontre entre lui, la ministre Freeland et l’Association des détaillants du Canada doit avoir lieu mardi soir pour en discuter.