Rapides et dangereux: de plus en plus de jeunes chauffards jouent à la roulette russe
Une procureure de la Couronne aguerrie s'inquiète du nombre de jeunes qui font face à des poursuites criminelles
Laurent Lavoie, Jérémy Bernier et Ian Gemme
De plus en plus de jeunes se retrouvent devant les tribunaux à cause de leur conduite dangereuse, signale une procureure de la Couronne aguerrie, alors qu’une compilation inédite de notre Bureau d’enquête révèle que plusieurs chauffards ont été accusés à répétition dans les dernières années.
Me Sylvie Dulude est sans équivoque: il y a «définitivement» du pain sur la planche en matière de sécurité routière au Québec.
«Le travail à faire est beaucoup au niveau des jeunes conducteurs», résume la procureure spécialisée en matière de conduite automobile au bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) de Montréal.
Elle affirme voir de plus en plus d'individus qui cherchent à fuir la police, par exemple. Une tendance que l’avocate n'observait pas il y a 5, 10, voire 15 ans.
«On parle souvent de jeunes de 18 ans. Ils ont à peine eu leur permis et [peut-être] qu’ils s’imaginent qu’ils ne vont pas se faire prendre», indique Me Dulude.
Ils ne comprennent rien
En compilant toutes les accusations criminelles de conduite dangereuse depuis 2019 en cour provinciale*, notre Bureau d’enquête a trouvé le cas d'un homme sur qui pèsent sept accusations. Deux autres personnes, Lesane Pillay et Samuel Daigneault, ont été accusées pas moins de cinq fois durant cette période.
Ce n’est pas tout. Nous avons également retrouvé cinq autres individus avec quatre accusations de conduite dangereuse.
C’est le cas de Serge Breton-McGinnis. L’homme de 31 ans s’est en plus fait pincer à 11 reprises au volant malgré des interdictions. Un juge a qualifié sa conduite de «complètement erratique».
Des jeunes de seulement 18 ans comme Rodney Benjamin Laroche et Alexandru Noris Badescu ont quant à eux trouvé le moyen, en très peu de temps, de se tailler une place parmi les pires conducteurs québécois avec trois accusations.
«Lorsqu’une personne dévale en voiture une rue dans un milieu urbain à très grande vitesse, pour son propre plaisir, au détriment de la sécurité de tous, cela équivaut à jouer à la roulette russe, mais avec la vie de tiers innocents», illustrait le juge Pierre E. Labelle dans une décision en 2023.
Plus de sursis?
Devant une telle prise de risques, le ministère public ne se gênera pas pour envoyer les délinquants derrière les barreaux, prévient Me Dulude.
«C’est sûr que s’ils sont traduits devant les tribunaux, ils vont être punis sévèrement par de l’emprisonnement», lance-t-elle.
Néanmoins, de plus en plus de criminels pourraient s’en tirer avec des peines dans la collectivité en raison d’une modification au Code criminel qui remonte à novembre 2022. Celle-ci a aboli les peines minimales pour certains crimes.
«Je vais maintenir que la dénonciation et la dissuasion, c’est ça qui est primordial pour ce type de dossier là parce que c’est un fléau dans la société. Et je suis persuadée que ces critères, ça passe par l’emprisonnement ferme», explique Sylvie Dulude.
*Cela exclut les données des cours municipales au Québec.
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