Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Le blogueur saoudien Raïf Badawi libéré après 10 ans de détention

Partager

Raphaël Pirro

2022-03-11T16:55:39Z
2022-03-11T21:28:47Z
Partager

Le blogueur saoudien Raïf Badawi a été libéré vendredi après 10 ans de détention et des dizaines de coups de fouet pour avoir critiqué les autorités religieuses de l’Arabie saoudite et milité en faveur de la liberté d’expression et de religion.

• À lire aussi: Raïf Badawi, 10 ans plus tard

«Ça fait 11 ans maintenant que j’attendais ce moment. C’était une surprise pour moi, une belle surprise», s’est exclamée sa conjointe Ensaf Haidar lors d’une entrevue accordée à TVA en face de l’hôtel de ville de Sherbrooke, où des militants avaient l’habitude de se rassembler.

Mme Haidar a appris la nouvelle de la bouche même de Raïf Badawi, qui l’a appelée. Les autorités saoudiennes n’avaient toujours pas confirmé l’information au moment d’écrire ces lignes, vendredi.

«Lui aussi, il avait perdu les mots. Il ne savait pas quoi dire. Le monde s’est arrêté», a-t-elle dit, prise à la gorge par l’émotion. Ses enfants, également présents, ont «sauté partout» lorsque leur mère leur a annoncé la nouvelle.  

Publicité
  • Écoutez le témoignage d’Ensaf Haidar, conjointe de Raif Badawi:  

La sortie de prison du blogueur ne garantit pas son retour au Canada, puisqu’il est visé par une interdiction de quitter le pays pendant 10 ans. La réunification familiale n’est donc pas pour demain.

«Jusqu’à maintenant, je n’ai pas beaucoup de détails sur les prochaines étapes. Mais maintenant, j’aimerais profiter de ce moment-là, et on verra les prochaines étapes, c’est quoi», a expliqué Ensaf Haidar.

La Saoudienne s’est présentée comme candidate aux élections fédérales de 2021 sous la bannière du Bloc québécois dans la région de Sherbrooke, sa ville d’adoption, après avoir fui le pays avec sa petite famille en 2013, suite à la condamnation de son conjoint.

«Nous sommes heureux de ce développement extraordinaire et offrons notre entière collaboration à Raïf Badawi et Ensaf Haidar pour la suite des choses», a déclaré vendredi le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet.

Publicité

Dans une lettre envoyée en février, Mme Haidar avait interpellé le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, lui demandant l’annulation de cette interdiction.

«Un héros moderne»

Le directeur général d’Avocats sans frontières, Pascal Paradis, s’est réjoui d’une «grande nouvelle», huit ans après avoir commencé à s'impliquer dans le dossier.

«Raïf Badawi, non seulement c’est loin d’être un criminel, mais, en même temps, c’est un héros moderne de la liberté d’expression», a-t-il lancé à l’autre bout du fil.

«Il a été condamné pour avoir ouvert une page Facebook dans laquelle il écrivait ses réflexions sur l’égalité entre les femmes et les hommes, sur les besoins de son pays de progresser, et il invitait les gens à débattre de ça», a ajouté Me Paradis.

Me Paradis et Avocats sans frontières ont tenté d’obtenir le statut d’intervenants dans le dossier devant la cour saoudienne après l’emprisonnement de l’avocat personnel de Raïf Badawi et celui, subséquent, de sa sœur Samar Badawi.

«On est contents, parce que c’est un héros qui mérite la liberté et qui rejoint beaucoup de nos valeurs. D’un autre côté, et c’est malheureux, il a dû purger sa peine au complet. Il a passé 10 ans en prison dans des conditions difficiles parce qu’il a ouvert une page Facebook dans laquelle les gens pouvaient s’exprimer.»

Selon l’avocat, «ce n’est pas la fin de la route» pour Raïf Badawi qui, en raison de son interdiction de voyager, ne peut être réuni avec sa famille jusqu’à nouvel ordre.

M. Badawi interpelle donc le gouvernement canadien pour qu’il intervienne dans le dossier et demande à l’Arabie saoudite le droit, pour le blogueur, de quitter son pays et de rejoindre sa famille.

Publicité

L’année dernière, les élus de la Chambre des communes ont appuyé une motion déposée par le Bloc québécois réclamant la citoyenneté canadienne pour Raïf Badawi.

M. Badawi avait reçu en 2015 un certificat de sélection du Québec, décerné par le gouvernement québécois de l’époque, pour «motifs humanitaires».

Le parcours du combattant

Après avoir été arrêté une première fois en 2008 pour son activisme politique, Raïf Badawi a été incarcéré en 2012, ayant été reconnu coupable d'une série de délits incluant le blasphème envers l’islam et même l’apostasie, sous prétexte d’activités «cybercriminelles».

La peine de Raïf Badawi incluait notamment la torture et 1000 coups de fouet. Les 50 premiers coups lui ont été infligés devant public en 2015, comme l’a rapporté un témoin à Amnistie internationale. Cependant, à la suite d'un tollé international, les autres coups de fouet ne lui ont pas été donnés.

«Le 9 janvier, après la prière du vendredi, Raif Badawi a été conduit par des fonctionnaires saoudiens hors d’un bus et au milieu de la place située devant la mosquée Al-Jafali, à Djeddah. Une grande foule s’était rassemblée pour assister à la flagellation», est-il écrit sur une publication du site web raifbadadwi.org datant de 2015.

Le site web avait été mis sur pied par Ensaf Haidar et plusieurs de ses proches.

Le premier ministre du Québec François Legault a souligné l’événement sur Twitter.

«Enfin! Je ne cesse de penser aux enfants qui vont enfin retrouver leur père!» a-t-il dit. Il est cependant trop tôt pour déterminer à quel moment enfants et père seront réunis.

Le leader du Parti québécois Paul St-Pierre Plamondon et la cheffe libérale Dominique Anglade se sont réjouis de la nouvelle.

La libération de M. Badawi a aussi été célébrée par d’autres organisations humanitaires, comme Amnistie internationale et Reporters sans frontières (RSF), qui ont travaillé sur le dossier Badawi pendant de nombreuses années.

«Nous restons mobilisés pour qu’il demeure en sécurité et puisse rejoindre sa famille au Canada malgré son interdiction de voyage de 10 ans», a fait savoir RSF dans un «tweet».

Publicité
Publicité