Radio-Canada nous prend pour des cons (tribuables)


Sophie Durocher
Quelle est la différence entre la radio/télévision publique et la radio/télévision privée? La radio et la télévision privées sont des entreprises commerciales. La radio et la télévision publique, non.
Alors pourquoi Radio-Canada s’obstine à se comporter en tous points exactement comme une entreprise commerciale?
UN INFOMERCIAL
C’est la question que je me suis posée quand j’ai lu dans La Presse que la société d’État nous prenait pour des cons. Enfin, ce n’est pas comme ça que le journaliste Mario Girard l’a exprimé, mais il nous a appris que c’était une «pratique courante» dans les émissions de variétés de Rad-Can de nous présenter des entrevues qui étaient en fait des publicités déguisées.
Vous écoutez Bonsoir bonsoir! ou On va se le dire et vous pensez bien naïvement que la personne interviewée est là à cause de sa scintillante conversation, alors qu’en fait, elle est là parce que... elle (ou son entreprise) a acheté sa place dans l’émission. Ce n’est même pas un placement de produit. C’est le produit qui parle en entrevue avec l’animateur. Et nous, les cons (tribuables), on se fait entuber.
Radio-Canada reçoit déjà 1,4 G$ par année du gouvernement, Mark Carney leur a promis 150 M$ de plus, ils pigent abondamment dans la tarte publicitaire, ils nous font payer deux fois pour du contenu en nous chargeant des frais d’abonnement pour l’Extra de Tou.tv, mais en plus, ils nous fourguent des publicités déguisées en discussion anodine. Il y a quelqu’un quelque part qui se moque de nous!
Parmi les exemples relevés par Mario Girard, on trouve la femme d’affaires Karine Joncas qui a acheté une entrevue à l’émission Bonsoir bonsoir! où elle a donné des pots de crème à l’animatrice, «le chef Danny St Pierre qui a fait une recette à base de Shreddies avec deux boîtes desdites céréales bien en évidence à côté de lui» ou encore «un chirurgien plasticien d’une clinique montréalaise venu parler à Sébastien Diaz des mythes entourant les soins médico-esthétiques». Ça nous est présenté comme du contenu objectif et crédible, alors que c’est juste une grosse pub juteuse pour vendre des bébelles. Et en plus, on ne prévient pas le public à l’écoute.
• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Sophie Durocher, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Est-ce que ce genre d’intégration commerciale se fait au privé? Oui, bien sûr, puisque le privé, je vous le rappelle, est un domaine à vocation... commerciale!
La responsable des communications de la société d’État a pris le soin de préciser au journaliste: «Le souhait est d’être subtil et de bon goût et de s’harmoniser avec l’ADN et l’esprit de l’émission.» Wow, subtil et de bon goût, la boîte de Shreddies dans une recette d’un grand chef? Vous nous prenez pour des valises?
Vous pensez que je m’énerve pour rien? Même le président du syndicat des employés de Radio-Canada est choqué, et il demande: «Comment je peux dorénavant voir une entrevue dans une émission de variétés sans me demander si la personne qui est là a payé pour être assise dans cette chaise?»
PAYER SA CHAISE
Devant le tollé soulevé par cette pratique, jeudi, en fin de journée, Radio-Canada a annoncé mettre fin à ces entrevues commanditées pour l'avenir.
Mais la question reste entière: si Radio-Canada se comporte comme une entreprise commerciale, pourquoi continue-t-elle à recevoir... des fonds publics?
Dans le mot «contribuable», il n’y a pas que le mot «con».