Qui sont les jeunes gangs violents et instables qui terrorisent Montréal?

Incendies criminels, extorsion envers des restaurateurs, tentatives de meurtre... La multiplication des événements violents depuis quelques mois inquiète autant les commerçants, les résidents que les policiers de la métropole.

Aidés par de jeunes membres de gangs de rue assoiffés d’argent et de notoriété, quelques groupes criminels se livrent depuis des mois une guerre sans merci.

Encore la semaine dernière, un incendie criminel dans le Vieux-Montréal a causé la mort d’une mère et de sa fille de 7 ans, et les policiers étudient la thèse qu’il ait été allumé dans le cadre d’une tentative d’extorsion qui visait le restaurant du rez-de-chaussée.

Notre Bureau d’enquête fait le point sur les forces en présence.

Toutes nos sources policières indiquent que le milieu criminel est particulièrement instable en ce moment. Les groupes changent facilement d’allégeance, ce qui fait que le portrait dans quelques mois pourrait être différent de celui que nous vous présentons aujourd’hui.

Arab Power

En pleine expansion depuis deux ans, le groupe Arab Power ambitionne de prendre le contrôle de la vente des stupéfiants dans la métropole.

Ses deux principaux leaders, Youness Aithaqi (alias Frérot) et Sylvain Kabbouchi sont derrière les barreaux. Ils contrôlent sans trop de peine leur réseau depuis la prison, équipés de téléphones intelligents.

Le clan des Arabes est réputé pour avoir accès à de fortes sommes d’argent provenant du trafic de drogue et d’armes à feu.

En plus des événements violents qu’on leur impute à Montréal, on croit qu’ils pourraient être les commanditaires de l’attaque sur le repaire des Hells Angels à Frampton, en septembre, dans laquelle un adolescent de 14 ans a péri.

Les noms de certains de leurs soldats sont arrivés aux oreilles des policiers qui enquêtent sur l’assassinat du caïd Gregory Woolley, survenu en novembre 2023.

Têtes d’affiche

Youness Aithaqi

35 ans

– Surnommé «Frérot»

– Il purge une peine à perpétuité pour le meurtre au 1^er degré de Joseph Sarikakis survenu en février 2020.

– Il a aussi des antécédents pour vol et extorsion. 

Sylvain Kabbouchi

25 ans

– Issu du gang de rue BLOCC Mafia dans Chomedey à Laval, ce jeune gangster exerce une forte influence malgré son jeune âge.

– Actuellement incarcéré, il est accusé d’avoir tué Nitchell «Crank» Lapaix, l’ex-bras droit du caïd Jean-Philippe Célestin.

– Lors de son arrestation en décembre 2022, le capitaine Martin Robert de la Sûreté du Québec l’a décrit comme «une véritable tête d’affiche de la violence à Laval». «Il est impliqué dans tous les crimes: collecte, trafic, décharge d’arme à feu, séquestration et maintenant meurtre aussi», a-t-il affirmé.

Le clan Célestin et motards

Ce groupe est dirigé par Jean-Philippe Célestin, un membre des Marauders, club-école des Hells Angels.

Les Hells l’ont amené à bord au début 2024 pour son expertise du marché criminel montréalais.

Célestin a d’ailleurs hérité des territoires de vente de drogue du caïd Gregory Woolley, à la suite de son assassinat en novembre 2023. Il œuvre principalement au centre-ville de Montréal, mais aussi certains secteurs de la Rive-Sud et de la Rive-Nord.

Nos sources racontent même que Célestin serait maintenant impliqué dans le trafic de stupéfiants jusqu’en Abitibi-Témiscamingue.

Selon nos informations, le gang est actuellement en guerre contre Arab Power pour le contrôle des territoires de vente de stupéfiants. Célestin est sur ses gardes: il se déplace dans un véhicule blindé, souvent avec un cortège d’autres véhicules pour assurer sa sécurité. En mai dernier, notre Bureau d’enquête a révélé qu’un contrat de meurtre de 50 000$ pesait sur sa tête.

Célestin a fait de nombreux mécontents récemment en confiant des responsabilités à de très jeunes membres de son organisation.

Tête d’affiche

Jean-Philippe Célestin

44 ans

– Il a été emprisonné entre 2015 et 2019 pour trafic de stupéfiants et gangstérisme.

– C’est un habitué de la prison: Il avait écopé de deux ans pour complot et trafic de cocaïne en 2010, et cinq mois pour voies de fait en 2012 lors d’une bagarre à la sortie des bars.

TUPAC

Le réseau criminel dirigé par Atna Ohna, alias Tupac ou 2Pac, a des allégeances moins bien définies que Arab Power et le groupe Jean-Philippe Célestin. Il œuvre dans la vente de stupéfiants et travaille pour le plus offrant, selon nos informations policières. Il est également un rappeur actif sur les réseaux sociaux, et utilise Tupac comme nom d’artiste.

Ohna, autrefois membre du groupe de Célestin, est aujourd’hui en guerre ouverte avec ce dernier. Il a décidé de voler de ses propres ailes et ambitionne de devenir le parrain des gangs de rue de Montréal, ce qui lui occasionne aussi des frictions avec le gang Arab Power.

La police croit que son groupe s’est aussi livré à des tentatives d’extorsion visant des restaurants. Son nom circule, tout comme celui du gang STL, aussi dans l’enquête sur l’incendie du Vieux-Montréal qui a fait deux morts la semaine dernière.

Tête d’affiche

Atna Ohna

39 ans

– Il présente des antécédents criminels en matière de possession en vue de faire du trafic de stupéfiants et de menaces.

– Actif dans le milieu du rap sous le pseudonyme Tupac.

– La police disait de lui en 2021 qu’il était «homme de main» des influents mafieux Marco Pizzi et Davide Barberio, en plus de leur servir de «courtier» auprès des gangs de rue engagés par la mafia.

Le STL

Ce gang de rue porte son nom de l’arrondissement montréalais d’où il est issu, Saint-Léonard.

Il y a quelques années, certains de ces membres attiraient l’attention des policiers, car ils étaient impliqués dans un réseau de vente de faux iPhone. Mais selon nos informations, les activités criminelles du groupe sont de plus en plus violentes: vols qualifiés, tentatives de meurtre et homicides.

Si bien qu’aujourd’hui, les jeunes membres du STL sont embauchés par le groupe Arab Power pour faire la sale besogne. Deux de ses membres sont d’ailleurs soupçonnés d’avoir perpétré l’attaque sur le local des Hells Angels de Frampton, en septembre.

À Montréal, le STL se verrait aussi confier des gestes d’extorsion qui visent des restaurants du centre-ville. D’ailleurs, la police étudie l’hypothèse, parmi d'autres, que ce gang de rue ait été impliqué dans l’incendie mortel survenu dans le Vieux-Montréal la semaine dernière.

Les Profit Boyz

Ce gang de rue d’allégeance rouge est associé aux secteurs de Rivière-des-Prairies et Montréal-Nord, et entretient de bons liens avec le groupe criminel STL.

Le renseignement policier les associe non seulement à de la vente de stupéfiants, mais aussi à du proxénétisme.

Les Profit Boyz sont particulièrement actifs sur les réseaux sociaux, où ils partagent de nombreux vidéos qui font la promotion de la violence et des armes à feu. Cela leur permet de recruter de jeunes membres encore dans l’adolescence.

Au fil des mois, leurs activités se sont étendues à l’extérieur de la métropole, à travers une loyauté à géométrie variable.

Ainsi, les forces de l’ordre croient qu’ils ont travaillé autant pour le caïd Pic Turmel, dans la région de Québec, que pour les Hells Angels du chapitre de Trois-Rivières.