Crise de l’habitation: qui paye 620$ pour se loger au Québec?
C’est pourtant le maximum que devrait coûter un logement quand on fait le salaire médian de 45 000$ au Québec


Julien McEvoy
Un Québécois qui gagne 45 000$ par année, le salaire médian, ne doit pas payer plus de 620$ par mois pour se loger. Car si ce seuil est dépassé, le loyer n’est plus considéré comme «abordable» par les autorités.
Qui paye si peu pour son toit en pleine crise de l’habitation? Presque personne.
Beaucoup de Québécois sont plutôt à une séparation de couple ou à une maladie de tout perdre.
Voici trois exemples qui illustrent les conséquences des prix exorbitants en immobilier.
1500$ par mois pour dormir dans le salon
Cette femme de Montréal, mère d’un enfant, s’est séparée récemment. Elle gagne 3160$ par mois après impôt et s’est trouvé un nouvel appartement de trois pièces à 1500$. C’est 47% de son budget.
Elle dort dans le salon, puisqu’elle a laissé la chambre à l’enfant.
Un loyer dit «abordable» ne dépassait pas 25% du budget, selon les standards, avant la crise actuelle. On parle aujourd’hui de 30% à 35%.
Son loyer devrait lui coûter 1106$ au maximum pour être «abordable».
Elle peine à vivre décemment, elle coupe dans tout, et pourtant, elle dépense 600$ par mois de plus que ce qu’elle gagne. Elle est à -7200$ par année.
Elle a même arrêté le gym, qui était son seul «plaisir». Si elle avait un loyer à 30% de son revenu, elle bouclerait ses fins de mois presque sans dette.
Elle ne pourrait toujours pas économiser pour sa retraite, par contre.
Gros prêt, grosse dépense
Une infirmière de 30 ans est une locataire chanceuse: elle paye 890$ pour son logement. Tant mieux, car elle gagne 2700$ par mois après impôt.
Comme les marges de crédit étudiantes étaient faciles à obtenir, elle en a un peu abusé pendant ses études. On lui a donné 30 000$ au total par tranche de 10 000$ chaque fois.
Ce prêt – ou cette «marge», comme dit la banque – va lui coûter 234$ par mois pendant 20 ans. À ce prix, elle ne rembourse que l’intérêt et devra augmenter ses paiements mensuels pour s’en libérer plus vite.
Si elle a le malheur de se faire rénovicter ou de perdre son logement, ce sera la pagaille. Elle n’a actuellement que 47$ de lousse chaque mois.
Et elle n’abuse de rien: quelques restos ici et là et un abonnement au gym sont les deux «luxes» qu’elle se permet.
Elle fait tout en son possible, mais n’y arrive pas
Une femme de 35 ans paye un ridicule 625$ pour son logement. Elle ne gagne que 2600$ par mois après impôt, ce qui ne l’empêche pas d’être très, très économe.
Elle en est à 180 000$ d’actifs entre son CELI, son REER et d’autres types d’investissement. C’est 1200$ par mois qui vont dans son épargne.
La banque lui refuse malgré tout un prêt hypothécaire. L’exemple donné: un condo de 320 000$ à Montréal avec une mise de fonds de 80 000$ et un financement à 5,25%.
Elle n’est pas admissible! Elle fait tout, mais alors là tout, en son pouvoir, mais ce n’est pas assez.
On ne parle plus d’inégalités salariales, mais d’inégalités de patrimoine, dans ce cas-ci. Sans papa ou maman, point de salut.
