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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

«Qui est véritablement responsable à l’hôtel de ville de Montréal?»

Une lettre de Sue Montgomery

Photo d'archives, Agence QMI (Joël Lemay)
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Sue Montgomery

2022-02-04T20:15:00Z
2022-02-04T20:16:16Z
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Je suis entrée en politique avec un certain scepticisme, mais aussi avec la certitude que je pourrais faire une différence en servant les citoyens de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (CDN-NDG).

Être la première femme élue mairesse de l’arrondissement me rendait aussi très fière et confiante. Mais le traitement qui m’a été réservé, ajouté aux disputes juridiques dont j’ai été l’objet au cours de la seconde partie de mon mandat, ont eu tôt fait d’effacer mon optimisme de départ.

J’ai été attaquée tant en personne que via les média sociaux, on m’a fermé la porte au nez. Ma santé et ma famille ont souffert de cette situation et ma réputation a été irrémédiablement ternie.

Pire, on m’a à toute fin pratique volé l’opportunité de servir les citoyens de CDN-NDG dans un second mandat.

À la source de cette débâcle, on retrouve un effort concerté entre la Ville de Montréal et la Commission Municipale du Québec (CMQ) afin de m’empêcher de poser les bonnes questions sur le fonctionnement de l’administration de l’arrondissement, ce pourquoi j’avais justement été élue.

Vous n’avez pas à me croire sur parole. Lisez les derniers jugements de la Cour Supérieure, tous les deux en ma faveur. Ce sont de véritables victoires pour la démocratie en servant d’avertissement aux fonctionnaires et organismes comme la CMQ qu’ils ne peuvent impunément empêcher les élus d’assumer pleinement leurs responsabilités envers les citoyens.

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Le juge a écrit en toute lettre que le tribunal ne peut tolérer la conduite de la CMQ à mon égard.

Les jugements me donnent l’espoir qu’il est toujours possible d’obtenir justice. Quand on se tient debout pour ce que l’on croit juste, il est possible d’avoir gain de cause.

Si nous voulons vivre dans une Ville meilleure, une Ville dirigée par ses élus, nous devons travailler afin d’éradiquer cette culture du mépris du processus démocratique ancrée chez les fonctionnaires.

Tout cela a débuté lorsque j’ai mis en doute la compétence de mon directeur d’arrondissement, un vétéran de la fonction publique. La puissante machine de la Ville s’est alors mise en marche pour questionner à son tour la compétence de ma chef de cabinet, une jeune femme en poste depuis tout juste six mois. Elle se retrouva elle-même accusée de «harcèlement psychologique» à l’endroit du directeur de l’arrondissement. On me donna l’ordre de la mettre à la porte,sommairement, sans processus formel comme il se doit. Lorsque j’ai refusé, la mairesse Valérie Plante m’a exclue du caucus de Projet Montréal.

Je n’ai jamais eu l’opportunité d’examiner les rapports en cause, ni la preuve ou les faits des allégations (qui se sont avérées quasi-inexistants et à la limite du ridicule, une fois que le Tribunal m’ait permis d’y avoir accès). Ce même tribunal a qualifié l’allégation de rapport le fait que la chef de cabinet était trop autoritaire pour son âge comme étant discriminatoire et sans aucune pertinence.

La Cour écrivit là-dessus qu’il semblait que le directeur n’aimait pas «se voir donner des instructions». «La preuve démontre qu’il se sent facilement offensé». De son côté, la mairesse Plante, pressée que je renvoie mon employée, dira à l’époque qu’elle n’avait pas pris connaissance des rapports parce qu’elle n’était pas «autorisée» à le faire.

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Malgré l’absence de toute autorité pour ce faire, Alain Bond, le contrôleur général de la Ville, a par la suite interdit au personnel de l’arrondissement de communiquer avec ma chef de cabinet, créant un environnement de travail malsain et empreint de méfiance. Au cours d’une rencontre virtuelle à laquelle assistait ma chef de cabinet afin de prendre des notes, sans qu’on la voie ou l’entende (micro fermé), tous les fonctionnaires-cadres ont quitté la salle de réunion. Cet épisode fait bien la démonstration du climat de harcèlement et de petitesse mesquine qui ne devraient jamais être tolérés dans aucun milieu de travail.

Les ordres et instructions données par Bond ont été cassés, à deux reprises, par la Cour Supérieure, qui détermina que j’aurais dû, de plein droit, avoir accès aux rapports concernant les allégations de harcèlement. En fin de compte, ils ne contenaient absolument rien qui puisse être considéré comme du harcèlement. À titre d’exemple, une des plaintes alléguées était à l’effet que ma chef de cabinet avait demandé à plusieurs reprises au directeur d’arrondissement de faire en sorte que les fautes de grammaires soient corrigées dans une ébauche de communiqué de presse...

Bond s’affaira ensuite à élaborer une attaque contre moi, de concert avec la CMQ, pour que cette dernière produise 28 fausses accusations de manquements à l’éthique contre moi. La CMQ repoussa l’audience pendant presque une année complète pour finalement me trouver coupable de 11 des manquements allégués et me suspendre de mes fonctions de mairesse à quelques mois de l’élection de novembre. Dans son plus récent jugement, la Cour Supérieure a identifié plusieurs irrégularités au processus suivi par la CMQ, incluant des violations à ma liberté de parole, cassé le verdict de ma culpabilité, et soulevé de sérieuses questions relativement à la relation de confortable proximité entre la CMQ et la Ville.

Malheureusement, ce jugement arrive trop tard pour moi. Mais c’est une victoire pour la prochaine génération de politiciens, qui peuvent trouver un réconfort dans cette jurisprudence chèrement acquise. Ils et elles peuvent se tenir debout devant les bureaucrates qui essaieront de faire obstruction à leur devoir de représentants élus des citoyens.

Ce fiasco m’a coûté cher, personnellement et professionnellement, mais ces jugements ne concernent pas que moi; ils posent une question fondamentale: Qui est véritablement responsable à l’Hôtel de Ville; les fonctionnaires ou les élus? Lorsque une élue est publiquement et injustement discréditée parce qu’elle a daigné critiquer le travail des fonctionnaires-cadres, notre démocratie est menacée.

Deux Jugements successifs de la Cour Supérieure du Québec démontrent un réel besoin pour la Ville de Montréal de revoir et réformer le bureau du contrôleur général. La province doit pour sa part se pencher sur les sérieux manquements de la CMQ.

Sue Montgomery

Ancienne mairesse de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce

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