Qui est Anton Krassovski, cet ancien militant LGBTQ devenu supporteur du Kremlin?
Marie-Anne Audet
Qu’est-il arrivé à Anton Krassovski, ce journaliste et animateur de télévision progressiste devenu défenseur d’une Russie conservatrice?
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Si les raisons qui justifient la volte-face de cette personnalité médiatique demeurent floues, sa métamorphose a suscité la surprise, à l’international. En effet, celui qui s’est présenté comme militant LGBTQ s’est transformé en courroie de transmission pour les politiques du Kremlin, contribuant à déshumaniser la population ukrainienne, déchirée par un conflit initié par la Russie.
Découvrez son parcours.
«Je suis gai et je suis un être humain»
Anton Krassovski avait une carrière prometteuse à la télévision russe avant de dévoiler son homosexualité en 2013 lors d’un segment portant sur une nouvelle loi visant à pénaliser la propagande homosexuelle faite à l’endroit de mineurs.
«Je suis gai et je suis un être humain au même titre que vous et le président Poutine», avait-il déclaré avant d’être remercié le soir même. Toutes les traces de ce coming out ont été effacées d’internet dans les jours qui ont suivi son renvoi de la chaîne de télévision.
«Je l’ai fait parce que quelqu’un devait le faire», a-t-il justifié sur les ondes de CNN. Il avait aussi déclaré à un journaliste du Monde que «le temps est venu de prendre des risques pour ses droits sans attendre qu’on te les serve sur un putain de plateau».
Presque trois ans après ce coup d’éclat, ce dernier a avoué sa déception à l’endroit de la communauté homosexuelle en Russie.
«Plusieurs homosexuels ont pensé que j’avais fait beaucoup d’argent en faisant ça, a-t-il expliqué à Radio Free Europe en septembre 2015. Ça m’a beaucoup déçu. Je me suis demandé “pourquoi ces connards ne me défendent pas”?».
«J’espère qu’ils se souviendront de ce geste lorsque la vie s’améliorera pour eux. Ils pourront utiliser mon histoire pour s’afficher sans avoir peur», avait-il confié.
Il avait ensuite annoncé sur Facebook en 2017 qu’il était atteint du VIH. Il a ensuite milité pour légaliser les traitements à la méthadone en Russie afin de lutter contre la propagation de la maladie.
En 2018, il est devenu le premier candidat homosexuel à se présenter à la mairie de Moscou. Il avait alors dit qu’il s’engageait en politique parce que «c’est de la merde, ici».
«La majorité de mes amis ont quitté le pays où se sont suicidés avec l’alcool et la drogue, avait-il confié. C’est un miracle que je ne sois pas mort». Il avait affirmé connaître plusieurs homosexuels qui ont rejoint les médias financés par le Kremlin.
Nouvelles répressions à l’endroit de la communauté LGBTQ
Anton Krassovski est revenu dans l’œil du public russe en 2020 lorsqu’il a été embauché par la chaîne Russia Today. Celui qui était il y a quelques années une figure d’opposition à Poutine est devenu l’un de ses plus grands admirateurs.
L’animateur semble mettre les bouchées doubles pour se dissocier des propos qu’il a tenus dans le passé.
En novembre 2022, une nouvelle loi interdisant les représentations positives d’homosexuels a été adoptée par le parlement russe. Le processus menant à son adoption a été très médiatisé, autant en Russie qu’ailleurs dans le monde.
Krassovski avait réagi à cette loi en affirmant qu’«elle ne nuira pas à la communauté LGBTQ» en ajoutant qu’«elle empêchera les fillettes de se transformer en singes poilus et les garçons de se couper les parties génitales».
Dans le contexte de la guerre en Ukraine, cette nouvelle mouture de la loi de 2013 permet de détourner l’attention du public russe afin de transformer la communauté LGBTQ en ennemi commun. Selon les nationalistes russes, cette «guerre sainte» permettrait d’éliminer «des néonazis, des toxicomanes et des déviants sexuels».
Anton Krassovski est tombé dans ces extrêmes en formulant des commentaires très violents sur le conflit ukrainien.
Il a dépassé toutefois les limites en affirmant vouloir «noyer et brûler» des enfants ukrainiens russophones opposés à l’invasion russe. Il s’est également moqué des viols commis à l’endroit de «grand-mères ukrainiennes».
Ces commentaires ont mené à son renvoi de RT en octobre 2022.
Russie : Le directeur de la radiodiffusion de la chaîne RT, Anton Krasovsky, se livre à une analyse au cours de laquelle il envisage de noyer, ou de brûler vifs des enfants, avant de conclure que les ukrainiens qui résistent devraient être abattus.pic.twitter.com/G6mvxfifiN
— Rebecca Rambar (@RebeccaRambar) October 23, 2022
Les enquêteurs chargés de se pencher sur cette affaire ont conclu que les propos d’Anton Krassovski n’avaient rien de criminel.