Québec veut interdire les évictions pour 3 ans


Marc-André Gagnon
Le projet de loi déposé par la ministre responsable de l’Habitation France-Élaine Duranceau propose un moratoire de trois trois ans sur les évictions, le temps que la crise du logement s'apaise. La protection offerte aux aînés à faible revenu sera élargie aux 65 ans et plus, comme le réclamait Québec solidaire.
La députée caquiste de Bertrand a présenté mercredi matin son projet de loi 65 «limitant le droit d’éviction des locateurs et renforçant la protection des locataires aînés».
La pièce législative reprend une partie du projet de loi déposé sous la précédente législature par Québec solidaire, qui visait à élargir la loi «Françoise David» de façon à empêcher un locateur d’évincer un aîné un de 65 ans et plus qui occupe son logement depuis 5 ans et plus.
La méthode de calcul du revenu donnant droit à cette protection sera aussi révisée, afin de protéger davantage d'aînés. La mesure devrait profiter à environ 24 000 ménages.
Jusqu’à ce que les modifications législatives soient adoptées, cette protection demeure réservée aux 70 ans et plus habitant leur logement depuis 10 ans et plus.
Moratoire contre les rénovictions
La ministre responsable de l’Habitation propose aussi d’imposer un moratoire temporaire sur les évictions pour tous les locataires, d'une durée maximale de 3 ans, ou jusqu'à ce que la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) affiche un taux d'inoccupation sous les 3% pour l'ensemble du Québec.
«Ce projet de loi interdit, pour une période de trois ans, au locateur d'un logement d'en évincer le locataire pour subdiviser le logement, l'agrandir substantiellement ou en changer l'affectation», a expliqué au Salon bleu Mme Duranceau..
«Je veux protéger tout le monde au Québec, pas seulement les aînés, mais tous les citoyens parce que la crise du logement touche tout le monde», avait-elle expliqué, mardi.
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Ce moratoire entrerait en vigueur dès la sanction du projet de loi. Québec souhaite toutefois éviter, dans l'intervalle, une course aux évictions. Des mesures transitoires entreront donc en vigueur à compter d'aujourd'hui, jusqu'à son adoption. Autrement dit, à moins d'une entente commune avec son locataire, il sera beaucoup plus compliqué, pour un locateur, de procéder à une éviction même si la loi 65 n'est pas encore adoptée.
Toutefois, les demandes d’expulsion ne sont pas visées par le moratoire. Il sera donc toujours possible pour un propriétaire de logement de déposer une demande au Tribunal administratif du logement (TAL) pour expulser un mauvais locataire, par exemple pour non-paiement ou dégradation du loyer.
Le projet de loi ne vise pas non plus les reprises de logement, c'est-à-dire qu'il sera encore possible pour un locateur d'obliger un locataire à quitter pour loger un parent ou un enfant, à moins que ce locataire soit âgé de 65 ans et plus et à faible revenu. Sauf si la personne que l'on souhaite reloger est un aîné à faible revenu.
Opération de relations publiques
Comme Mme Duranceau s’opposait depuis des mois «de façon entêtée et obstinée» de protéger davantage d’aînés contre les évictions, le député péquiste Joël Arseneau considère qu’il s’agit d’une pure «entreprise de relations publiques pour réhabiliter l'image» de la ministre, «qui est évidemment ternie».
«Je suis fier de cette victoire qui est dû à l'acharnement des députés solidaires et à la mobilisation des groupes de logement et d'aînés», a réagi de son côté le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.