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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Northvolt: «Le plus grand investissement privé de l’histoire» vire au gâchis

L’entreprise suédoise n’aurait pas les sommes nécessaires pour rembourser le gouvernement du Québec

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Nicolas Lachance, Francis Halin et Sylvain Larocque

2025-09-02T17:30:00Z
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Québec met fin au projet d’usine de batteries de 7G$ de Northvolt, qui devait être «le plus grand investissement privé de l’histoire récente du Québec», selon le premier ministre François Legault.

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• À lire aussi: Luc Poirier prêt à racheter le terrain de Northvolt pour plus de 240M$

Le cabinet de la ministre de l’Économie Christine Fréchette a annoncé ses intentions le jour même où le témoignage de son patron, François Legault, occupait toute l’attention médiatique dans l’affaire SAAQclic.

«Un gâchis évitable»

Québec met fin au financement de Northvolt et s’adresse aux tribunaux pour récupérer les sommes englouties, même si l’entreprise ne disposerait pas des fonds nécessaires pour rembourser le gouvernement.

«Non seulement c’est un gâchis, mais un gâchis évitable», s’est indigné Nicolas Gagnon, directeur Québec de la Fédération canadienne des contribuables (FCC).

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«Cette catastrophe est un énième rappel que l’argent des contribuables ne devrait jamais servir à financer des entreprises, peu importe leur niveau de développement et les projections qu’elles font miroiter», a-t-il ajouté.

Québec estime que l’entreprise suédoise n’a pas présenté de plan satisfaisant répondant aux intérêts québécois.

Après 510 millions $, l’État québécois coupe le robinet du projet situé à Saint-Basile-le-Grand et à McMasterville, en Montérégie.

Ces centaines de millions de fonds publics en jeu comprennent un prêt garanti de 240 millions $ pour l’achat du terrain et un investissement de 270 millions $ dans la maison mère, en Suède.

Paolo Cerruti, Pierre Fitzgibbon, François Legault, Justin Trudeau, François-Philippe Champagne et Peter Carlsson avec la batterie, lors de l’annonce de la méga-usine suédoise Northvolt au Québec pour la fabrication de batteries au lithium-ion à Saint-Basile-le-Grand et McMasterville. Montréal, 28 septembre 2023. PIERRE-PAUL POULIN/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI
Paolo Cerruti, Pierre Fitzgibbon, François Legault, Justin Trudeau, François-Philippe Champagne et Peter Carlsson avec la batterie, lors de l’annonce de la méga-usine suédoise Northvolt au Québec pour la fabrication de batteries au lithium-ion à Saint-Basile-le-Grand et McMasterville. Montréal, 28 septembre 2023. PIERRE-PAUL POULIN/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI Photo d’archives, Pierre-Paul Poulin

La Caisse de dépôt a aussi perdu de son côté 200 millions $ dans l’aventure.

«Une analyse devra être réalisée pour l’utilisation des 352 mégawatts d’énergie au profit d’autres projets de développement économique, sur ce terrain ou ailleurs», mentionne Québec pour calmer des PME d’ici qui ont soif d’électricité.

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Lors de l’annonce de l’arrivée de l’usine, en septembre 2023, l’ex-ministre de la Batterie du gouvernement Legault parlait «d’un grand jour pour notre économie et pour le Québec».
Lors de l’annonce de l’arrivée de l’usine, en septembre 2023, l’ex-ministre de la Batterie du gouvernement Legault parlait «d’un grand jour pour notre économie et pour le Québec». Photo Pierre-Paul Poulin

Pas assez d’argent

Ainsi, le procureur général du Québec s’adressera à la Cour supérieure afin de récupérer «le maximum» de l’investissement. Avec les intérêts, Northvolt devrait environ 260 millions $ au gouvernement québécois.

L’État souhaite au minimum récupérer les sommes qui se trouvent dans le compte bancaire de la société, un montant estimé à 200 millions $ en Amérique du Nord.

Maquette de l’usine de Northvolt qui ne verra jamais le jour.
Maquette de l’usine de Northvolt qui ne verra jamais le jour. Illustration fournie par NORTHVOLT

Québec veut également remettre la main sur le terrain.

«Cette aventure s’est avérée infructueuse, et nous en sommes évidemment déçus. Le dénouement du projet ne signifie toutefois en rien la fin de la filière batterie ici», assure la ministre Christine Fréchette.

En mars dernier, en raison de ses multiples dettes, l’entreprise avait déposé une demande de mise en faillite en Suède.

«C’était un beau projet» 

Plus tard en journée, mardi, Northvolt a qualifié la décision de Québec de «regrettable».

«Compte tenu des efforts déjà réalisés, et toujours en cours, pour identifier un repreneur et parallèlement à une gestion rigoureuse de nos finances, il est important de rappeler que Northvolt Amérique du Nord n’est pas en faillite et disposait encore de ressources financières solides pour relancer le projet», a indiqué un porte-parole de l'entreprise.

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«C’était un beau projet et notre équipe y croyait toujours, plusieurs propositions ont été déposées et des discussions et échanges avec des repreneurs potentiels ont eu lieu jusqu’à hier», a-t-on assuré.

Lyten intéressée

Interrogée par Le Journal, la société californienne Lyten, qui a acheté des actifs de Northvolt en Suède, en Pologne et en Allemagne, s'est montrée intéressée par le Québec. 

«Nous avons clairement exprimé notre volonté d'acquérir le site pour y construire une giga-usine nord-américaine et, si l'occasion se présentait, nous serions heureux de collaborer avec le gouvernement du Québec à son développement», a souligné son porte-parole Keith Norman.

Qu’adviendra-t-il du terrain de Northvolt?

Québec détient des garanties sur le terrain controversé de la taille de 318 terrains de football qui traverse une partie de Saint-Basile-le-Grand et de McMasterville.

Il y a deux ans, l’investisseur immobilier Luc Poirier avait réussi un coup de maître en vendant le jour de l’Halloween un terrain payé 20M$, en 2015, plus de 240M$ à la suédoise Northvolt, qui l’achète avec un prêt remboursable de Québec.

En octobre dernier, il s’était dit prêt à le racheter au même prix s’il le fallait.

«Ça ne sera pas plus bas, c’est sûr. Ça sera soit le même prix soit plus haut. Ça vaut plus que ça. N’importe quel évaluateur vous dira qu’un terrain à 12$ le pied carré, ça n’existe pas», avait affirmé au Journal l’homme d’affaires.

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Il y a deux mois, Le Journal rapportait que Québec a englouti 13,3 millions $ de fonds publics dans un chemin d’accès temporaire pour l’usine de batteries.

Argent public perdu

Québec: 510M$ (prêt garanti de 240M$ + 270M$ dans la maison mère)

Caisse de dépôt: 200M$ (dette convertible)

Subvention gouvernementale de 23M$ à Saint-Basile pour le chemin d’accès

Promesses non tenues

– Jusqu’à 3000 emplois dans la région

– «Fabriquer les batteries les plus vertes au monde au Québec»

– «Être les pionniers d’un modèle durable dans l’industrie des batteries»

En quelques dates

Octobre 2016

Deux anciens de Tesla, Peter Carlsson et Paolo Cerruti, fondent SGF Energy, qui deviendra Northvolt en 2017.

Octobre 2019

Northvolt amorce la construction de sa première usine en Suède, laquelle effectuera ses premières livraisons en mai 2022.

Février 2023

Pierre Fitzgibbon, alors ministre caquiste, déjeune avec Paolo Cerruti, cofondateur de Northvolt, au restaurant Osco, à Montréal. Une autre discussion aura lieu en mai.

Septembre 2023

Northvolt annonce officiellement, en présence des premiers ministres François Legault et Justin Trudeau, le lancement de son projet d’usine au Québec. Québec et Ottawa se disent prêts à investir jusqu’à 7,3 milliards $ sous forme d’aide à la construction des installations et à la production.

Octobre 2023

Grâce à un prêt de Québec, Northvolt débourse 240M$ pour acheter un gigantesque terrain en Montérégie des mains d’un groupe d’investisseurs mené par Luc Poirier, Alice Wu et Serge Gariépy.

Juin 2024

BMW annule un contrat de 3G$ CA.

Juillet 2024

Northvolt révèle avoir subi une perte nette de 1,6G$ CA en 2023, soit quatre fois plus qu’en 2022. L’entreprise a beaucoup de mal à accroître la cadence de production dans son usine suédoise.

Novembre 2024

Northvolt se place à l’abri de ses créanciers au Texas. Peter Carlsson, l’un de ses cofondateurs, quitte l’entreprise. Paolo Cerruti fera de même en janvier 2025.

Août 2025

L’entreprise américaine Lyten met la main sur les principaux actifs de Northvolt, dont son usine en Suède. Lyten montre de l’intérêt pour le projet de Northvolt au Québec.

Septembre 2025

Le gouvernement Legault annonce mettre fin «au financement» du projet de Northvolt au Québec, déjà suspendu depuis des mois.

Douze autres projets d’aide aux entreprises qui risquent de nous coûter cher

1– Airbus (sommes à risque: 794M$)

2– Northvolt (sommes à risque: 510M$)

3– Recyclage Carbone Varennes (sommes à risque: 222M$)

4– Lion Électrique (sommes perdues: 127M$)

5– Lumenpulse (sommes à risque: 120M$)

6– Lightspeed (sommes à risque: 68M$)

7–Leddartech (sommes à risque: 67 M$)

8– Métaux Blacrock (sommes à risque: 63M$)

9– Tergeo (sommes perdues: au moins 41,9M$)

10– Groupe Sélection (sommes perdues: 43,6M$)

11– Le panier bleu (sommes perdues: 22,5M$)

12– Taiga Motors (sommes perdues: 20M$)

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