Québec solidaire: crise interne autour de l'investiture d'Haroun Bouazzi
Patrick Bellerose, Charles Mathieu et Marie Christine Trottier | Bureau d'enquête
Le député solidaire Haroun Bouazzi a été accusé par des militants de payer pour l’adhésion de nouveaux membres, en contravention de la loi électorale, lors de la très serrée course à l'investiture qui a précédé son élection au printemps dernier. Démission en bloc de l'exécutif local, accusation de profilage racial: les soupçons d'irrégularités ont créé une crise interne à Québec solidaire.
Notre Bureau d’enquête a mis la main sur une série de documents, demeurés secrets jusqu’ici, décrivant la foire d’empoigne qui a entouré l’investiture du nouveau député solidaire de Maurice-Richard, le printemps dernier. Les contestataires à l’origine de la plainte contestent la validité de sa courte victoire.
Un mois avant l’investiture, les responsables du parti dans Maurice-Richard ont déclaré que 11 nouveaux membres recrutés par l’équipe Bouazzi, sur 33 contactés, avaient reconnu ne pas avoir payé eux-mêmes leur adhésion.
Malgré leur demande, QS a refusé de vérifier 180 autres nouvelles cartes de membre et Haroun Bouazzi a été élu candidat avec une avance de seulement cinq voix.
Quelques jours plus tard, les huit membres de l’exécutif local ont démissionné en bloc, en « en guise de protestation ».
Le 24 mai, ils écrivent au parti pour demander de « démettre immédiatement » M. Bouazzi « en raison d’irrégularités graves ». Selon eux, « le nombre de ces adhésions irrégulières dépasse de loin la marge de 5 voix » ayant scellé la victoire.
Mais leur requête a été reçue avec une douche froide par le secrétaire général du parti. Dans une réponse envoyée deux jours plus tard, il assure que l’ensemble des électeurs qui ont voté à l’investiture étaient « des membres en règle », puis prend à partie les contestataires.
- Écoutez la rencontre Philippe-Vincent Foisy et Antoine Robitaille diffusée chaque jour en direct 12 h 15 via QUB radio :
« Enquête illégitime »
Il les accuse d’avoir mené une « enquête illégitime », en plus d’avoir contacté uniquement les « membres avec un nom à consonance arabe » dans le cadre de leurs vérifications.
« Il s’agit là d’une pratique qui à première vue s’apparente à du profilage racial, ce qui n’a absolument pas sa place à Québec solidaire », écrit Nicolas Chatel-Launay, le véritable chef du parti en vertu de la loi électorale.
Il ajoute ensuite une mise en garde : « Nous jugeons d’ailleurs vos accusations diffamatoires à l’égard du candidat investi démocratiquement et nous ne pourrions accepter que de tels propos soient tenus dans l’espace public ».
QS assure l’intégrité
En entrevue, M. Chatel-Launay assure avoir pris toutes les mesures pour assurer l’intégrité de l’investiture.
« Notre comptable à l’interne a appelé les 11 personnes [...] et aucune ne nous a dit que Haroun ou quelqu’un de son équipe aurait payé sa carte de membre », affirme le secrétaire général de QS, Nicolas Chatel-Launay. Le processus a été supervisé par l’avocat du parti.
Au terme des vérifications, une personne a demandé à faire annuler son adhésion.
« Quand on a fait la vérification des membres, il y a quelques-uns de ces membres qui ne se souvenaient pas d’avoir payé ou pas. On se rappelle que l’allégation qui est importante c’est que ‘‘Haroun Bouazzi a payé ma cotisation’’ », souligne M. Chatel-Launay.
Les personnes contactées souhaitaient toutefois bel et bien être membres, fait-il valoir.
Puisque le montant pour l’adhésion est peu élevé (un choix de 5$ ou 25$), ces nouveaux adhérents pouvaient avoir oublié de bonne foi, estime-t-il. « Un 5 piastres, ça s’oublie assez facilement », dit M. Chatel-Launay.
QS a donc demandé à ceux-ci de payer à nouveau et a envoyé le montant au DGEQ afin d’être certain ne pas conserver le montant en double. « Donc, on s’est assuré que la personne avait vraiment payé sa cotisation et que l’argent venait vraiment de cette personne-là », poursuit le secrétaire général.
Schisme
Pour Nicolas Chatel-Launay, la controverse actuelle est le fruit de militants déçus de la défaite de leur candidat, Raphaël Rebelo. « Ça me paraît assez normal de vouloir trouver une explication pour laquelle on a été défaits », avance-t-il.
Un membre de l’exécutif local ayant démissionné estime, de son côté, que la crise a fait mal au parti dans Maurice-Richard. Plusieurs militants très actifs ont déchiré leurs cartes de membre et se sont abstenus de voter pour QS aux récentes élections, confie cette source.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Vous avez un scoop qui pourrait intéresser nos lecteurs?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.