Québec refusera bientôt l’accès aux casinos à certains criminels
Jean-Louis Fortin | Journal de Montréal
Québec refusera bientôt l’accès aux casinos à certains criminels, dans la foulée de reportages de notre Bureau d’enquête qui ont démontré que certains bandits se faisaient dérouler le tapis rouge à l’entrée des maisons de jeu.
Le gouvernement Legault entend «interdire l’accès à un casino d’État aux personnes dont la présence ou le comportement est de nature à porter atteinte à la sécurité publique», selon un projet de règlement publié mercredi dans la Gazette officielle du Québec.
Ainsi, une personne qui a plaidé coupable ou qui a été reconnue coupable de certains crimes lors des cinq dernières années ne pourra entrer dans un casino.
Les infractions qui vaudront aux citoyens d’être interdits d’accès sont notamment en lien avec «le vol, les taux d’intérêt criminels, le recyclage des produits de la criminalité [et] le crime organisé», peut-on lire dans le décret.
Les contrevenants à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, en vertu de laquelle le gouvernement fédéral interdit la possession, l’importation et la vente de nombreux stupéfiants, sont aussi visés par l’interdiction.
Pour avoir la plus grande marge de manœuvre possible, le gouvernement souligne aussi que Loto-Québec aura le droit d’expulser toute personne ayant commis «une infraction criminelle de nature à porter atteinte à l’intégrité des activités d’un casino d’État ou à miner la confiance du public quant à l’intégrité de celles-ci».
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Cadeaux pour mafieux
Le projet de règlement, mis de l’avant par le ministre de la Sécurité publique François Bonnardel et le ministre des Finances Eric Girard, pourra entrer en vigueur à l’expiration d’un délai de 45 jours à partir du 26 juillet. Il concerne les quatre casinos de Loto-Québec, soit ceux de Montréal, Charlevoix, Lac-Leamy et Mont-Tremblant.
Le resserrement des règles d’accès aux casinos est dans l’air depuis la publication, en novembre 2020, d’un dossier de notre Bureau d’enquête qui démontrait la présence régulière de leaders du crime organisé au casino de Montréal.
Non seulement Loto-Québec tolérait les motards et les mafieux entre ses murs, mais le bras de l’État québécois les couvrait aussi de cadeaux comme des chambres d’hôtel, des soupers au restaurant et des billets de spectacles, car ils figuraient parmi ses meilleurs clients.
Nous avions entre autres diffusé des enregistrements dans lesquels on entendait le mafieux Stefano Sollecito réserver un «foursome» dans un réputé club de golf ainsi qu’une luxueuse chambre d’hôtel, aux frais de l’État.
Blanchiment d’argent
Le leader mafieux Leonardo Rizzuto et le caïd Gregory Woolley faisaient partie des habitués du casino. Le mafieux Francesco Del Balso, abattu par balle en plein jour au début juin, y a également joué des millions de dollars.
Après nos révélations, le ministre Girard avait dans un premier temps mandaté la firme Deloitte pour faire un audit indépendant de la situation.
Six mois plus tard, la firme avait recommandé dans un rapport de donner à Loto-Québec «le pouvoir d’exclure des joueurs des casinos et salons de jeux pour des motifs liés à des activités criminelles».
Deloitte soulignait aussi que Loto-Québec et les corps policiers devraient mieux partager leurs informations sur des stratagèmes de blanchiment d’argent qui peuvent être utilisés par les criminels dans les casinos.
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