Québec pousse vers la faillite Autobus Thomas
Privée du programme d’aide pour l’achat de véhicules électriques, l’entreprise n’a plus de commandes

Jean-Michel Genois Gagnon
Autobus Thomas lance un cri du cœur pour dénoncer le quasi-monopole octroyé par le gouvernement à Lion Électrique dans le cadre du programme d’aide pour promouvoir l’achat d’autobus électriques. Si rien ne bouge, d’ici la fin de l’année, l’entreprise de Drummondville prévoit déclarer faillite.
« Le gouvernement est en train de faire fermer une entreprise québécoise de plus de 40 ans », a déploré Éric Couturier, vice-président aux ventes. Il demande à ce que tous les joueurs puissent participer au virage vert à armes égales.
Depuis juillet 2021, lors de l’entrée en vigueur du programme du Québec de 250,7 millions $ pour subventionner l’achat d’autobus électriques, le carnet de commandes chez Autobus Thomas est à zéro.
D’une cinquantaine de travailleurs, la compagnie a dû réduire le nombre de ses employés ces derniers mois, et elle en compte, aujourd’hui, une trentaine. Les réductions se poursuivront ces prochaines semaines, et ce, jusqu’à une dizaine de salariés.
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Il faut dire qu’environ 80 % des 50 millions $ du chiffre d’affaires de l’entreprise provenaient de la vente de nouveaux autobus scolaires. L’autre 20 % provient du service d’entretien pour les véhicules vendus.
Rappelons que, depuis le 31 octobre, il n’est plus possible d’immatriculer au Québec un autobus qui roule au diesel, au propane ou à l’essence.
« Nous n’avons pas vendu un autobus scolaire [neuf] depuis l’été [...] Avant, nous en vendions 300 par année », a indiqué au Journal Véronique Dubé, vice-présidente des opérations chez Autobus Thomas, en précisant qu’elle avait dans son portfolio un modèle électrique avec une autonomie de 225 kilomètres, le Jouley.
« Il y a du contenu d’ici. Il y a un manufacturier de Grandy qui fait toutes les composantes pour les fenêtres dans notre véhicule », a-t-elle ajouté.
Mais puisqu’il est fabriqué en Caroline du Nord par une filiale du géant allemand Daimler, ce produit ne répond pas aux critères du programme de subvention, qui exige que le véhicule soit fabriqué au Canada. Une situation qui avantage Lion Électrique, selon différents joueurs du milieu.
« On ne nous a jamais laissé la chance de vendre notre véhicule électrique », a exprimé M. Couturier.
Autobus Thomas dit avoir même demandé à Daimler s’il y avait une possibilité de transférer la production ou certaines étapes au Québec.
« On tente de mettre de la pression sur une entreprise québécoise pour faire bouger un géant européen. C’est disproportionné », a renchéri Mme Dubé.
À sa première année, la subvention du programme du gouvernement était de 150 000 $ pour l’achat d’un autobus. Depuis le 1er avril, ce montant est passé à 125 000 $ et il sera de 100 000 $ l’année prochaine.
En raison d’une entente avec Québec, environ 200 véhicules scolaires traditionnels d’Autobus Girardin (Blue Bird) peuvent également bénéficier de cette aide financière.
Des transporteurs menottés
Ces dernières semaines, plusieurs transporteurs, préférant taire leur nom pour éviter des représailles, ont confié au Journal qu’ils se sentaient menottés par ce programme d’aide. Ils doutent aussi que Québec puisse atteindre son objectif d’avoir 65 % d’autobus scolaires électriques sur les routes en 2030.
Certains ont confié qu’ils n’avaient pas les installations adéquates ou les reins assez solides pour convertir l’ensemble de leur flotte à l’électrique dans un laps de temps aussi court et soutiennent que l’aide financière sur la table est insuffisante pour appuyer tous les travaux nécessaires au virage vert.
Plusieurs ont d’ailleurs mentionné qu’ils ont fait le plein d’autobus traditionnels avant les changements qui ont été apportés en 2021.
« En proposant seulement une firme, les prix ne baisseront pas. Il faut oublier ça. [...] Je veux avoir [la possibilité] de choisir », a confié le PDG d’un transporteur québécois. « Le gouvernement doit aussi prévoir des montants pour les coûts supplémentaires liés aux besoins pour les installations », a-t-il ajouté.
« On nous a enlevé notre liberté d’opérateur. Même s’ils me disent que j’ai encore le choix, ce n’est pas vrai », a souligné un autre dirigeant.
Autobus Thomas fait pression depuis plus d’un an pour que des changements soient apportés au programme. En mars 2021, Québec et Ottawa avaient annoncé un prêt de 100 millions de dollars à Lion Électrique.
Ottawa a aussi mis en place un programme de subvention pour aider les transporteurs lors de l’achat d’autobus électriques.
Autobus Thomas
- Drummondville
- Trentaine de travailleurs
- 4500 autobus pour le service d’après-vente
- Baisse de 80 % du chiffre d’affaires depuis juillet, soit environ 40 millions $