Nickel: la Ville de Québec pourrait demander à avoir sa propre norme
Nicolas Lachance et Taïeb Moalla
Comme c’est déjà le cas pour Montréal, la Ville de Québec pourrait demander au gouvernement à avoir sa propre norme de concentration de nickel. Si cette éventuelle requête est acceptée, sa mise en place pourrait toutefois coûter cher aux finances municipales.
C’est ce qui ressort d’un breffage technique de deux heures tenu lundi et animé par le sous-ministre au ministère de l’Environnement Jacob Martin-Malus et par la professeure et spécialiste Michèle Bouchard.
«Par défaut, c’est la réglementation qui découle de la Loi sur la qualité de l’Environnement qui a préséance. Si une municipalité soumet un réglementation sur l’air ambiant, elle doit être approuvée par le ministre de l’Environnement», a expliqué M. Martin-Malus.
Ce dernier a rappelé que Montréal a choisi, depuis fort longtemps, d’avoir ses propres équipes de suivi et de contrôle de qualité de l’air ce qui peut représenter des investissements importants. «Si la Ville de Québec voulait proposer une démarche comme celle-là, il faudrait qu’elle structure une façon de proposer cette réglementation -là au gouvernement du Québec (et) qui serait soumise à l’approbation du ministre», a-t-il ajouté.
Vendredi dernier, le maire Marchand a refusé que les citoyens de Québec soient «traités différemment» de ceux de Montréal dans le cadre du règlement sur le nickel que le gouvernement du Québec veut modifier.
Un comité plénier sur cet enjeu sera organisé par la municipalité le 3 février.
Dans un communiqué de presse émis lundi après-midi, le maire de Québec, Bruno Marchand, a répété que «s’il est possible que la norme soit différente à Montréal, il n’y a aucune raison que ce ne soit pas aussi le cas pour Québec».
D’après lui, «la réalité des milieux urbains doit être prise en compte dans ce projet de règlement. Je n’hésiterai donc pas une seconde à faire valoir les droits environnementaux de Québec et de porter la voix forte du conseil municipal. Le comité plénier nourrira cette force».
«Droit acquis» à Montréal
De son côté, le ministre de l'Environnement, Benoit Charette, a soutenu que Montréal «a un droit acquis» en raison de son règlement qui date de plus de cent ans. «Le dossier de Montréal est particulier. La ville avait une réglementation sur sa qualité de l'air avant même que le gouvernement du Québec en ait une», a indiqué le ministre en entrevue avec notre Bureau parlementaire.
Ainsi, une entente a été conclue il y a quelques décennies entre la Communauté métropolitaine de Montréal et le gouvernement à ce sujet afin de reconnaître la norme de la Métropole. «Oui, il y aura deux réglementations différentes», a assumé M. Charette.
Pas d'étude précise
Michèle Bouchard, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, a estimé qu'il est difficile de faire une étude précise de cancérogénicité à Limoilou axée sur le nickel en raison de la faiblesse de l'échantillon. Le nombre de résidents est insuffisant pour être capable de faire des relations entre l'exposition au nickel et le cancer.
Interrogée à savoir si elle acceptait de vivre près de ce secteur industriel, la scientifique a simplement admis que la pollution et la piètre qualité de l'air à Limoilou sont problématiques. «Il doit y avoir des mesures qui sont prises pour réduire la condition difficile», a-t-elle mentionné, soutenant néanmoins que la norme sur le nickel n’y jouait pas un rôle néfaste.
Bien que la docteure Bouchard affirme dans son rapport que l’objectif [valeur cible] à ne pas dépasser est 40 nanogrammes par mètre cube (ng/m3) pour toute mesure sur 24 heures afin de prévenir les effets respiratoires chez les individus sensibles, elle a soutenu lundi que la hausse à 70 ng/m3 sur une journée, proposée par Québec, se tient sur le plan scientifique en raison de la méthodologie utilisée.
L’experte a rappelé qu'il s'agit d'une valeur limite et que la moyenne annuelle ne doit pas dépasser 20 ng/m3.
Des données pour la station du Vieux-Limoilou
- Le taux annuel de conformité à la norme actuelle (14 ng/m3) tourne autour de 90% depuis 2014.
- En 2021, on a observé 9 dépassements de la norme. Dans un cas, le dépassement a été de 14 fois la norme.
- En 2020, il y a eu un cas de dépassement de plus de 20 fois la norme.
- Les autres dépassements furent «de beaucoup plus faible amplitude», selon le sous-ministre.
- Le ministère n’était pas capable hier de nous fournir avec précision le nombre de sanctions qui ont été données ces dernières années pour non-conformité.
- Depuis 2013, les échantillons pour mesurer le nickel sont pris une fois aux deux jours à la station du Vieux-Limoilou.
Source : Le ministère de L’Environnement
– Avec la collaboration de Marc-André Gagnon