«C’est complètement sexiste»: Québec devrait légiférer sur la taxe rose


Elisa Cloutier
Des groupes de défense des droits des femmes estiment qu’il serait temps de mieux contrôler la taxe rose au Québec, voire de légiférer dessus.
«C’est complètement sexiste en réalité quand on parle du même produit, qu’il y ait une différence de prix s’il s’adresse aux femmes ou aux hommes, ça n’a pas sa place», affirme Mandoline Blier, cocoordinatrice de L’R des centres de femmes du Québec.
Un avis partagé par Sylvie St-Amand, présidente de la Fédération des femmes du Québec, qui estime qu’un formulaire de plainte devrait être accessible facilement pour dénoncer ces différences de prix injustifiées.

Selon elle, la taxe rose alourdit la situation des femmes, qui est statistiquement plus précaire que celle des hommes.
«La taxe rose est un surplus à tous les produits que les femmes sont amenées à se procurer comme des soutiens-gorge, des produits menstruels, la contraception hormonale, qui ont des coûts importants et que les hommes n’ont pas à acheter», renchérit Mme Blier.
Des lois à New York et en Californie
Contrairement aux États de New York et de la Californie – où des lois pour contrer la différenciation de prix en fonction du sexe sont en vigueur, respectivement, depuis le 1er octobre 2020 et le 1er janvier 2023 –, le Québec et le Canada n’ont aucune loi en ce sens.
Actuellement, au Québec, rien dans la Loi sur la protection du consommateur ne permet de sanctionner une entreprise qui établit des prix différents pour des biens destinés à des hommes ou des femmes, précise Charles Tanguay, porte-parole de l’Office de la protection du consommateur (OPC).
La question est plutôt liée à la Charte des droits et libertés de la personne, qui prévoit que «toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée notamment sur le sexe, l’identité ou l’expression de genre».
Jointe par Le Journal, la porte-parole de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Halimatou Bah, affirme qu’aucune plainte liée à la taxe rose n’a été formulée dans les quatre dernières années.
Les ladies nights tout aussi sexistes
Dans une étude portant sur la taxe rose au Québec, réalisée entre autres par l’Office de la protection du consommateur en 2017, on dénote plusieurs cas où des hommes ont été pénalisés par des offres ou rabais genrés, comme lors de soirées appelées ladies nights, visant à attirer des femmes dans un établissement.
Quelques cas ont d’ailleurs eu gain de cause devant les tribunaux aux États-Unis.
- 1985: l’affaire «Koire v. Metro, Car Wash». Le Californien Dennis Koire poursuivait plusieurs lave-autos qui offraient un rabais aux femmes. Le dossier s’est rendu devant la Cour suprême, qui a tranché en sa faveur en concluant que la différence de prix basée sur le sexe était généralement préjudiciable parce qu’elle renforçait des stéréotypes.
- 2005: l’affaire «Angelucci v. Century Supper Club», où quatre hommes de Los Angeles ont eu gain de cause en Cour suprême contre un bar qui exigeait un prix d’entrée plus bas pour les femmes.
- 1987: dans la ville de Clearwater, en Floride, un homme contestait le fait qu’un bar offrait des boissons à des prix spéciaux pour les femmes. M. Lawrence Liebling s’est rendu devant la Cour d’appel, qui a conclu que la différenciation de prix constituait une violation des règlements municipaux.