Laïcité dans les écoles: Drainville donne un grand coup de barre avec son projet de loi

Services éducatifs à visage découvert, élargissement de l’interdiction des signes religieux aux autres membres du personnel et évaluation obligatoire des profs chaque année: le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, donne un grand coup de barre pour renforcer la laïcité dans les écoles québécoises, avec le dépôt d’un projet de loi à l’Assemblée nationale.

«Je suis conscient que ce projet de loi va déranger, mais on ne peut pas rester les bras croisés», a affirmé le ministre Drainville en point de presse jeudi, qui s’est dit «bouleversé» face aux «dérives rapportées dans plusieurs écoles» récemment, notamment à l’école primaire Bedford à Montréal.

Ce projet de loi «vise à s’assurer que les écoles du Québec restent des lieux d’apprentissage sains, sécuritaires et laïcs pour nos élèves», a-t-il ajouté.

Québec veut notamment interdire le port du voile intégral aux élèves, élargir l’interdiction du port de signes religieux à tous les membres du personnel, resserrer les balises entourant les accommodements religieux et obliger les directions d’école à évaluer leurs enseignants chaque année (voir détails plus bas).

L’initiative a été reçue avec réserve dans le réseau scolaire, où des acteurs partagent ses objectifs tout en redoutant sa mise en œuvre, qui pourrait s’avérer complexe au quotidien.

«Le gouvernement est dans une mauvaise passe actuellement et il ne faudrait pas qu’il se serve de ce dossier polarisant pour faire des gains au détriment du réseau scolaire», a par ailleurs affirmé le président de la Centrale des syndicats du Québec, Éric Gingras.

De son côté, la Confédération des syndicats nationaux, qui représente la majorité des employés de soutien du réseau scolaire, estime qu'il «est inadmissible que le gouvernement impose une vision rigide de la laïcité en interdisant le port de signes religieux à tout le personnel».

Le ministre Drainville, qui espère que ce projet de loi fasse l’objet d’un «fort consensus», prévoit d’avoir recours à la clause dérogatoire pour la grande majorité des mesures présentées dans le projet de loi, afin de les soustraire à d’éventuelles poursuites judiciaires.

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Benoit Dutrizac, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Projet de loi renforçant la laïcité dans les écoles : voici un survol des mesures présentées

Interdiction du voile intégral mur à mur

«Le voile intégral dans nos classes au Québec, c’est non. On tire une ligne rouge», a déclaré le ministre Drainville, tout en étant incapable de chiffrer le nombre d’élèves qui pourraient être touchés. «C'est le principe ici qui est en cause, pas juste le nombre», a-t-il rétorqué, alors qu’un rapport faisait état récemment de quelques cas rapportés dans une école secondaire. Tous les services fournis dans un cadre éducatif devront se dérouler à visage découvert pour faciliter l’apprentissage mais aussi pour des enjeux de sécurité, a-t-il précisé. 

Cette obligation concerne toute personne qui entre dans une école publique ou privée (y compris celles qui sont non subventionnés), ce qui comprend les parents qui vont chercher leur enfant. La mesure s'étend aussi aux élèves qui reçoivent des services éducatifs d'un centre de services scolaire dans le cadre de l'enseignement à la maison.

Élargissement de l’interdiction du port de signes religieux

L’interdiction s’étendra à tous les membres du personnel des écoles publiques, et non plus seulement aux enseignants. Les bénévoles et les entraîneurs dans les programmes de sports-études, par exemple, seront aussi concernés. Puisqu’une clause de droit acquis est prévue, le ministre ne croit pas que cette mesure compliquera les efforts de recrutement malgré la pénurie, puisque les employés touchés pourront rester en poste. «Je ne vois pas d’enjeux», a-t-il lancé.

Des accommodements religieux refusés

Québec veut resserrer la gestion des demandes d’accommodements dans le réseau scolaire. Les absences des élèves pour motifs religieux ne seront plus acceptées. Les demandes concernant les menus offerts à la cafétéria et le contenu enseigné en classe seront aussi refusées. Par ailleurs, le nombre de congés accordés aux membres du personnel devra être le même, pour des raisons d’équité, et ces congés ne devront pas nuire aux services éducatifs.

Évaluation annuelle obligatoire pour les profs

Afin de s’assurer que les sciences et l’éducation à la sexualité sont bien enseignées dans toutes les écoles publiques, les profs devront être évalués chaque année par leur direction, à qui ils devront aussi remettre leur planification pédagogique annuelle. Alors que des syndicats d’enseignants y voient une «couche de bureaucratie inutile», le ministre Drainville estime que cette mesure est nécessaire puisque l’évaluation des profs se fait présentement «de façon très inégale» dans le réseau scolaire, a-t-il affirmé.

L’école, ça se passe en français

Tous les membres du personnel scolaire du réseau public francophone devront communiquer uniquement en français avec leurs collègues et leurs élèves. Cette obligation, qui ne s’étend toutefois pas aux élèves entre eux, est aussi valable pour les autres intervenants qui offrent des services à l’école.

Des codes de vie plus stricts pour les élèves

Les élèves devront respecter les valeurs québécoises «non négociables», comme l’égalité homme-femme, dans un contexte où l’école doit être un milieu exempt de racisme et d’homophobie, a affirmé le ministre. Ces obligations devront être inscrites dans le code de vie de toutes les écoles, qui devront prévoir des sanctions en conséquence. Québec ne sait toutefois pas encore si des sanctions uniformes seront imposées dans toutes les écoles publiques de la province. «On va y réfléchir. On n'a pas encore tranché là-dessus», a affirmé le ministre Drainville.