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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Québec accusé de vouloir «museler» les profs

Un nouveau code d’éthique imposé à tout le personnel scolaire fait réagir

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Photo portrait de Daphnée  Dion-Viens

Daphnée Dion-Viens

2025-04-09T19:43:29Z
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Des profs et syndicats accusent Québec de vouloir «museler» les membres du personnel scolaire, en imposant un nouveau code d’éthique «complètement démesuré» qui leur interdit de tenir des propos qui pourraient nuire à la réputation de l’école québécoise.

Ce code d’éthique, consulté par Le Journal, découle d’une disposition prévue dans la loi visant à renforcer la protection des élèves, notamment contre les actes de violence sexuelle, adoptée l’an dernier.

Tous les centres de services scolaires et les écoles privées doivent adopter ce code d’éthique imposé par Québec «selon la forme prescrite par le ministre», peut-on lire.

Si plusieurs dispositions visent à protéger les élèves, d’autres font réagir des enseignants, qui y voient plutôt une façon de plus de les faire taire.

Museler les lanceurs d’alerte

L’article 8.2 du code d’éthique prévoit que «tout membre du personnel (...) doit faire preuve de réserve et de modération dans la manifestation publique de ses opinions en s’abstenant de tenir des propos qui concernent l’Organisme scolaire ou ses établissements, ses partenaires, ses employés, ses élèves ou leurs parents et pouvant causer préjudice à leur image ou à leur réputation.»

«Le ministère est un partenaire, donc ça donne une très grande marge de manœuvre aux centres de services scolaires pour museler les enseignants», déplore Sylvain Duclos, un enseignant de mathématique de la Rive-Sud de Québec très actif sur les réseaux sociaux.

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«Pourtant, on n’a jamais autant eu besoin de lanceurs d’alerte, on l’a vu avec l’école Bedford», ajoute-t-il.

Les profs sont constamment «déchirés» entre leur devoir de loyauté et le bien-être de leurs élèves, ajoute l’enseignant de français Luc Papineau.

«La question, c’est à qui l’enseignant devrait être loyal: à ses élèves, aux parents, à l’organisation scolaire? La réponse qui nous est donnée, ici, c’est qu’il faut être loyal à l’organisation», déplore-t-il, soulignant que la CAQ «a déjà eu une ouverture pour briser l’omerta en éducation».

«Là, on a l’impression qu’on est revenu à autre chose», ajoute-t-il.

Liberté d’expression menacée

À la Fédération autonome de l’enseignement, on estime que ces dispositions portent atteinte aux «droits fondamentaux» en matière de «liberté d’expression», puisqu’un enseignant pourrait être congédié pour avoir dénoncé une situation. «C’est complètement démesuré», laisse tomber sa vice-présidente, Catherine Renaud.

Le son de cloche est semblable du côté de la Fédération des syndicats de l’enseignement, qui y voit une «façon abusive» d’élargir le devoir de loyauté. «Sous prétexte de vouloir protéger les élèves, on protège l’organisation», affirme son président, Richard Bergevin.

La Centrale des syndicats du Québec a de son côté entamé un «processus de contestation juridique» pour s’opposer à plusieurs articles de ce code d’éthique.

Au ministère de l’Éducation, on indique que des «dispositions similaires» à celles prévues dans l’article 8.2 «existaient déjà» dans les codes d’éthique en vigueur dans le réseau scolaire.

«Il s’agit d’une obligation qui devra s’apprécier en fonction des circonstances propres à chaque cas», indique son porte-parole, Bryan St-Louis, qui précise que des codes d’éthique semblables existent aussi dans la fonction publique québécoise.

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