Croissance, impôts et inflation: des experts décortiquent les cadres financiers des partis


Kathryne Lamontagne
Les experts décortiquent les cadres financiers des principaux partis pour éclairer votre choix lundi.
• À lire aussi: Québec 2022: consultez notre guide de l'électeur
UNE CROISSANCE TROP OPTIMISTE
Tous les partis à l’exception de Québec solidaire ont prévu une croissance économique plus forte que ce à quoi s’attendent les économistes, souligne Philippe Goulet-Coulombe, professeur au Département de sciences économiques de l’UQAM.
« Ils tablent sur une croissance économique qui, selon moi, semble irréaliste donc clairement, on peut s’attendre à ce que ça ne se réalise pas tel qu’ils le prévoient », analyse-t-il.
Seul Québec solidaire a suivi le consensus des experts sur cette question.
Marie-Soleil Tremblay, professeure de comptabilité et de finances publiques à l’ÉNAP, souligne toutefois que Québec solidaire s’est montré très optimiste sur la prévision des revenus.
« Ils s’imaginent une augmentation de revenus très très rapide, comme si en claquant des doigts, en taxant les GAFAM, en augmentant les impôts des grandes entreprises et en cessant l’incorporation des médecins, tout ça, très rapidement, ça va se traduire en argent sonnant dans les coffres de l’État », illustre-t-elle.

* Le cadre financier de Québec solidaire ne fournit pas de données en la matière pour 2022-2023
DES BAISSES D’IMPÔTS ÉLECTORALISTES
La CAQ, le Parti libéral et les conservateurs ont tous annoncé des baisses d’impôts dès le début de la campagne électorale. Cette mesure apparait hautement politique, selon nos experts.
« À partir du moment où il y a un parti qui promet de baisser les impôts, il y a d’autres partis qui vont se dire : si je ne le fais pas, est-ce que je vais perdre un vote ? », questionne la professeure de l’ENAP Marie-Soleil Tremblay.
« Il n’y a rien économiquement en ce moment qui semble justifier le striptease fiscal auquel on a assisté au début septembre. C’est certainement politique », renchérit Philippe Goulet Coulombe.

* Le cadre financier de Québec solidaire ne fournit pas de données en la matière pour 2022-2023
Ce cadeau fiscal risque d’ailleurs de nuire aux efforts des banques centrales, qui tentent de calmer la croissance économique devenue inflationniste. Et l’État aura besoin d’argent à la sortie pandémique, plaide le professeur de l'UQAM.
« Je ne pense pas que ce soit le temps de dégarnir l’assiette fiscale. Je pense que cet argent-là, on va en avoir de besoin ne serait-ce que pour maintenir nos services publics à un niveau raisonnable », souligne-t-il.
QUÉBEC SOLIDAIRE FAIT EXPLOSER LA DETTE
Avec un ratio dette/PIB à 44%, c’est sous un gouvernement de Québec solidaire que la dette du Québec serait la plus importante à la fin d’un premier mandat.

* Le cadre financier de la CAQ ne fournit pas de données en la matière pour 2022 à 2025
« Pour moi, c’est clairement un pas dans une direction assez irresponsable compte tenu de ce qu’on connait de la courbe démographique du Québec, de l’état du système de santé et d’autres systèmes publics. Je ne pense pas que d’augmenter le ratio dette/PIB c’est se donner une chance pour les années à venir », déplore Philippe Goulet-Coulombe.
La CAQ, le Parti libéral et le Parti québécois projettent quant à eux un ratio aux alentours de 40% en 2026-2027, ce qui semble « plus raisonnable », selon lui. Cela pourrait permettre au Québec d’avoir une marge de manœuvre pour les années plus difficiles.
Le Parti conservateur est celui qui s’engage à faire diminuer le plus la date à la fin d’un éventuel mandat.

* Le cadre financier de Québec solidaire ne fournit pas de données en la matière pour 2022-2023
**La CAQ a refusé de dévoiler ses projections concernant la dette brute du Québec au fil des ans. Le parti s’est limité à nous transmettre une seule donnée pour 2026-2027 représentant la dette nette.
« Mais c’est très utopique comme façon de voir le monde », commente l’experte en comptabilité Marie-Soleil Tremblay, qui s’étonne d’ailleurs que le Parti libéral n’ait prévu aucun retour à l’équilibre budgétaire pour les quatre années à venir.
« Il se voulait autrefois le parti de la rigueur. Et là, ce n’est pas quelque chose auquel il aspire dans son cadre financier », pointe-t-elle.
LE PCQ : LES MOINS RÉALISTE
Le Parti conservateur est sans aucun doute celui qui a réalisé l’exercice comptable le moins réaliste, tranchent nos deux experts.
« Les hypothèses dans le cadre financier, quant à moi, elles ne tiennent pas la route », résume Marie-Soleil Tremblay, professeure en comptabilité et en finances publiques à l’ÉNAP.
Même son de cloche chez son collègue de l’UQAM, qui qualifie ce cadre financier de « tiré par les cheveux ».
« La raison est simple : ils prévoient une croissance économique nettement supérieure à ce que la plupart des économistes attendent », expose le professeur Philippe Goulet Coulombe.

* Le cadre financier de Québec solidaire ne fournit pas de données en la matière pour 2022-2023
Le cadre financier du parti d’Éric Duhaime prévoit une diminution marquée de la dette et des surplus budgétaires importants qui dépendent non pas des mesures qu’entend déployer la formation, mais de l’accroissement des revenus grâce à une croissance économique plus soutenue, note l’expert.
« Ça me semble assez improbable. C’est le moins crédible de mon point de vue [...] Le parti n’a peut-être pas pris l’exercice très au sérieux ou que les gens en charge monter cet exercice-là sont un peu idéologiques ou lunatiques... ou les deux », termine-t-il.
Engagements financiers phares des partis

Baisse d’impôts de 1 % pour les deux premiers paliers d’imposition dès 2023
Mesures financées en retenant 39 % des versements prévus au Fonds des générations
Retour à l’équilibre budgétaire en 2027-2028
Ratio de la dette par rapport au PIB à 40,4 % en 2026-2027

Baisse d’impôt de 1,5 % pour les deux premiers paliers.
Conserve les versements au Fonds des générations
Aucun retour à l’équilibre budgétaire prévu d’ici la fin du mandat
Ratio de la dette par rapport au PIB à 40,2 % en 2026-2027

Hausse des impôts pour les plus fortunés et des taxes pour les entreprises
Fin des cotisations au Fonds des générations
Équilibre budgétaire atteint dès la deuxième année d’un premier mandat
Ratio de la dette par rapport au PIB à 44 % en 2026-2027

Création d’une taxe sur les « surprofits » auprès d’entreprises
Puiserait environ 2,5 G$ par an dans les versements au Fonds des générations, en plus de réduire de 50 à 60 % les versements prévus chaque année.
Surplus budgétaires dès la deuxième année d’un premier mandat
Ratio de la dette par rapport au PIB à 39,4 % en 2026-2027

Augmentation du montant d’exemption de base et baisse de 2 % des impôts pour les deux premiers paliers
Statu quo pour les versements au Fonds des générations
Surplus budgétaire dès la troisième année d’un premier mandat
Ratio de la dette par rapport au PIB à 34,3 % en 2026-2027
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Vous avez un scoop qui pourrait intéresser nos lecteurs?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.