Quatre morts dans un carambolage monstre sur la 440: le conducteur du camion reconnu coupable de négligence criminelle
Le drame est survenu à l’été 2019

Valérie Gonthier
Le verdict de culpabilité du camionneur responsable du carambolage monstre qui a tué quatre automobilistes sur l’autoroute 440 à Laval en 2019 va aider les proches des victimes à poursuivre leur deuil, près de cinq ans après le drame.
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« Justice est faite! Ça ne ramènera pas mon père, mais on peut enfin tourner une page », a lancé Nicolas Marsolais à sa sortie de la salle d’audience.
Le 5 août 2019, son père Gilles Marsolais, 54 ans, accompagné de sa conjointe Michèle Bernier, 48 ans, ont péri dans un carambolage sur l’autoroute 440 à Laval. Sylvain Pouliot, 55 ans, et Robert Tanguay Laplante, 26 ans, ont aussi été tués.
Le responsable de leur décès est Jagmeet Grewal, qui, ce jour-là, a conduit un poids lourd même s’il n’avait pas le droit de le faire.

Alors qu’il arrivait à la hauteur de la bretelle de l’autoroute 15, une file de véhicules était immobilisée devant lui. Contrairement aux autres usagers de la route près de lui, il n’a jamais freiné, ni avant ni pendant l’impact.
Selon une vidéo des instants précédant le carambolage, le danger était pourtant perceptible au moins 10 secondes avant la première collision. Il roulait alors à près de 100 km/h.
«S’il avait freiné après être entré en collision avec la Ford Focus, la dernière voiture en file, les conséquences n’auraient pas été les mêmes», a conclu la juge Yanick Laramée.
Salle comble
C’est devant une salle comble du palais de justice de Laval qu’elle a rendu son jugement pendant 1h30, vendredi matin.
Des proches des victimes, qui n’ont presque rien manqué du procès, étaient en pleurs à l’annonce du verdict. L’accusé de 57 ans, qui était accompagné de sa famille, est resté impassible.
Au procès, la Couronne avait plaidé que ce carambolage mortel était une «catastrophe annoncée». Jagmeet Grewal n’aurait effectivement jamais dû se retrouver sur la route au moment du drame.
Impliqué dans une collision de la route en 2012 aux États-Unis, il avait par la suite été déclaré inapte de façon permanente pour occuper le métier de camionneur, notamment en raison de problèmes psychiatriques.
Malgré ces conclusions, il avait obtenu son permis à nouveau en raison d’une erreur majeure de la Société de l’assurance automobile du Québec.
Les différents départements de la SAAQ ne se parlaient en effet pas. Ainsi, on lui avait octroyé son permis de classe 1, nécessaire pour conduire un camion, même s’il était indemnisé en raison de son inaptitude à se retrouver derrière un volant.
Selon la défense, représentée par Me Jean-Daniel Debkoski et Me Philipe Knerr, ce n’est pas Grewal qui est à blâmer pour ce drame, mais plutôt la SAAQ.
Comme une arme
Or la juge Laramée a statué en début de jugement qu’il ne s’agissait pas du procès de l’organisation publique.

Jagmeet Grewal a été reconnu coupable des huit accusations de négligence criminelle causant la mort et des blessures (une accusation par victime) qui pesaient contre lui.
Au moment du drame, le camionneur négligeait en effet de contrôler son diabète et prenait plusieurs médicaments affectant la conduite, comme des antidouleurs, des relaxants musculaires et des antidépresseurs. L’accusé lui-même reconnaissait ses importants problèmes de concentration.
«On doit garder en tête qu’il ne conduisait pas un véhicule normal, mais qu’il était plutôt derrière le volant d’un camion lourd potentiellement dangereux, qui est considéré comme une arme», a insisté la magistrate.
De plus, pour se retrouver derrière le volant d’un camion, il avait menti à plusieurs reprises, tant à la SAAQ qu’à son employeur concernant sa santé précaire.

«Son comportement illustre qu’il n’avait absolument aucune considération pour la sécurité des autres et qu’il était prêt à tout pour travailler comme camionneur professionnel, malgré qu’il était psychologiquement et physiquement incapable de le faire», a déploré la juge.
Jagmeet Grewal risque une peine de détention. Les parties reviendront dans les prochaines semaines afin de plaider quant à la sentence adéquate à rendre.
Me Simon Blais, Me Lyly-Anne Ratelle et Me Alexis Marcotte Bélanger représentent la Couronne.
Ce qu’ils ont dit:
«Comment peut-on être en sécurité sur la route quand quelqu'un conduit un camion de 53 pieds sans la concentration nécessaire et a des incapacités physiques et psychologiques qui le rendent inhabile à conduire un tel véhicule lourd?»
«Ce jour-là, il savait qu’il ne pouvait pas conduire et en le faisant, il a mis la sécurité des autres à haut risque.»
«S’il avait freiné après être entré en collision avec la Ford Focus, la dernière voiture en file, les conséquences n’auraient pas été les mêmes.»
- La juge Yanick Laramée
«Ce qui est important, c’est la conclusion de la juge à l’effet qu’il a montré un mépris flagrant pour la vie et la sécurité des autres en prenant le volant le 5 août 2019. Il n’a jamais porté attention à la route devant lui. Et son mépris a aussi été constaté par ses comportements antérieurs.»
«Vu les conclusions fracassantes de la juge, pas besoin de vous dire qu’une peine sévère va être demandée.»
- Me Simon Blais, procureur de la Couronne
«Les éléments de preuve soulevés par la juge témoignent de l'ampleur de l'accident. Ç'a été très émotif, mais je suis vraiment content de ce dénouement.»
- Nicolas Marsolais, fils d'une des victimes
«Moi je vais rester avec les mêmes séquelles toute ma vie, mais je suis satisfait que la juge ait reconnu qu'il [Grewal] a commis une faute.»
- Patricia Laplante, survivante du carambolage
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