Peine historique pour avoir fait quatre morts dans un carambolage monstre: le camionneur fautif à l’ombre pour 10 ans
Il n’aurait jamais dû se retrouver sur la route le jour du drame

Valérie Gonthier
Le camionneur responsable du carambolage monstre qui a fait quatre morts en 2019 à Laval vient d’écoper d’une peine historique de 10 ans de prison.
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«Le Tribunal doit envoyer un message clair à l’accusé que ce genre de comportement ne peut pas être accepté. Aussi, un message aux camionneurs, que conduire un camion-remorque de 53 pieds est plus qu’un privilège, que cela peut mener à de sérieuses conséquences», a lancé la juge Yanick Laramée.
Elle a ainsi condamné Jagmeet Grewal à 10 ans de détention, soit la peine la plus importante jamais rendue au pays pour un cas de négligence criminelle impliquant la conduite d’un poids lourd pour un conducteur qui n’était pas intoxiqué.
Le 5 août 2019, il était au volant de son camion semi-remorque lorsqu’il a percuté une file de voitures immobilisées sur l’autoroute 440 Ouest à Laval.

Gilles Marsolais, 54 ans, Michèle Bernier, 48 ans, Sylvain Pouliot, 55 ans, et Robert Tanguay Laplante, 26 ans, avaient péri.
D’autres avaient été gravement blessés, alors que les voies rapides se transformaient en une scène de chaos parsemée de véhicules en flamme.
Grewal a été reconnu coupable de négligence criminelle causant la mort et des lésions l’an dernier.
Inapte à conduire
Il n’aurait jamais dû se trouver sur la route au moment du drame. Il était visé par une interdiction à vie de conduire un camion lourd, à la suite d’une décision de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

Il avait été déclaré inapte de façon permanente à occuper le métier de camionneur, notamment en raison de problèmes psychiatriques.
Il avait aussi d’importants problèmes de santé incompatibles avec la conduite de camions.
Malgré tout, il avait réussi à obtenir son permis à nouveau en raison d’une erreur majeure de la SAAQ.
Pour se retrouver derrière le volant d’un camion, il avait menti sur son état de santé à de nombreuses personnes, soit à l’organisation gouvernementale, à son nouvel employeur ainsi qu’aux assurances.
Et même après avoir causé quatre décès et des blessés, il avait continué à conduire plusieurs fois des poids lourds alors qu’il se savait inapte.
«Il savait que la seule façon d’obtenir ce qu’il voulait était de balayer son vrai profil et s’assurer que personne n’apprenne la vérité», a analysé la juge.
Peine exemplaire
Grewal, maintenant âgé de 58 ans, espérait s’en tirer avec une peine de détention de quatre ou cinq ans.

Mais la juge a privilégié une sentence exemplaire.
« Les camionneurs doivent assurer que les armes létales qu'ils conduisent ne mettront pas en péril la sécurité du public sur la route », a précisé la juge Yanick Laramée.
Cette peine est d'ailleurs bien au-delà de celles rendues à d’autres camionneurs impliqués dans des collisions.
«Il n’y a pas d’autres cas où on a affaire à un profil aussi négatif pour un accusé, le tout combiné à des faits aussi graves», a dit la magistrate, insistant sur son absence de remords, ses mensonges multiples, son attitude égocentrique et sa grande témérité.

«On voit depuis le début que M. Grewal se positionne en tant que victime, il ne voit pas de problèmes avec le comportement qu’il a adopté. On peut constater qu’il n’y a pas une once d’un début de prise de conscience», a pour sa part commenté Me Simon Blais, procureur de la Couronne, qui faisait équipe avec Me Lyly-Anne Ratelle et Me Alexis Marcotte-Bélanger.
Grewal est déjà détenu depuis l’automne, puisqu’il avait brisé ses conditions de libération. Il avait notamment refusé de déclarer aux autorités son nouveau lieu de résidence.
Il avait déjà porté en appel le verdict de culpabilité.
Ce qu'ils ont dit:
«C’est important que tous les camionneurs comprennent qu’ils ne conduisent pas juste un camion, mais aussi un énorme projectile, qui peut avoir un impact sur plusieurs vies, celles des victimes, de leur famille.»
«Depuis que j’ai su comment l’accident s’est produit, quand je freine sur l’autoroute, je regarde toujours mon miroir arrière, parce que j’ai peur de ce qu’il pourrait arriver. »
– Mariane Marsolais, fille de Gilles Marsolais, une des victimes

«Il conduisait un camion de 53 pieds traînant 32 000 livres de chargement, à 93 km/h, imaginez l’impact. Comme la juge l’a dit, les victimes ici étaient à la merci de l’accusé, elles n’ont pu rien faire pour éviter leur sort.»
– Me Simon Blais, procureur de la Couronne

«Des victimes innocentes, qui étaient au mauvais endroit au mauvais moment, ont péri et d’autres ont été sévèrement blessés et traînent encore de la douleur.»
«Il a délibérément ignoré les lois et a volontairement décidé de mettre tous les citoyens sur la route à haut risque et cela doit être dénoncé et puni fortement.»
– Yanick Laramée, juge
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