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L'article provient de Le Journal de Québec
Société

Quand un salaud tue sa conjointe

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Photo portrait de Sophie Durocher

Sophie Durocher

2023-06-26T04:00:00Z
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On parle beaucoup de « féminicides ». On dénonce la violence conjugale. On donne la parole aux féministes qui dénoncent la « masculinité toxique ». 

Mais c’est bizarre, dans certains milieux, quand cette toxicité émane de gens de gauche, c’est le silence.

Si vous ne me croyez pas, lisez l’enquête qu’une journaliste française a consacrée à Bertrand Cantat, cet artiste progressiste, bien pensant, qui a tué l’actrice Marie Trintignant.

Ça donne la nausée.

SA POÉSIE EN FORME D’ÉTOILE

Tapez Bertrand Cantat sur Wikipédia, et vous allez lire : « En 2003, il tue sa compagne, Marie Trintignant, lors d’une dispute à Vilnius, en Lituanie ».

Une dispute ? Quel euphémisme ! 

J’ai dû faire des pauses régulièrement en lisant Désir noir d’Anne-Sophie Jahn (Flammarion) car certains passages sont difficiles à lire. 

Comme cette description de la gravité du traumatisme crânien qui a causé la mort de l’actrice : « comparable à celui d’un conducteur de moto fonçant à pleine vitesse, sans casque, dans un mur ». 

Les nerfs optiques ont été arrachés. « En tout, dix-neuf coups sont relevés sur le corps (jambes, bras, dos, ventre) ». 

On est loin d’une « dispute » qui a mal tourné, on est surtout loin d’un « accident ».

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  • Écoutez l'entrevue de Sophie Durocher avec Marie-Claude Barrette, animatrice du balado « Ouvre ton jeu » via QUB radio : 

Pourtant, comme le raconte Madame Jahn, qui a enquêté pendant six ans sur Cantat, le chanteur de Noir Désir, qui a purgé seulement quatre ans de prison, a bénéficié d’une attitude complaisante de la part d’un certain milieu artistique et médiatique.

C’est que, voyez-vous, Bertrand Cantat est un artiste engagé : « Proche de José Bové, d’Attac, il soutient les Indiens du Chiapas, les immigrés, il dénonce le capitalisme ». 

Dans le journal Le Monde, en 2003, une cinéaste, un journaliste et un dramaturge écrivent : « Bertrand Cantat est plus qu’un ami. Il est notre frère d’écriture, de conviction et de cœur. Nous aimons tout de lui, son regard sur le temps, ses épaules larges comme un horizon, sa poésie en forme d’étoile ». Misère ! Ils parlent ainsi d’un gars qui vient de rouer sa blonde de coups ? Au point de lui arracher les nerfs optiques ? 

Les amis de Cantat continuent : « Ceux qui le connaissent, ceux qui l’ont applaudi, ceux qui l’ont accueilli dans leurs rédactions, leurs meetings, leurs rendez-vous publics, ceux qui l’ont appelé en soutien, ceux qui ont salué sa détermination, son engagement, son talent artistique, son humanisme, sa rigueur intellectuelle, sa liberté de pensée... ne peuvent l’oublier et taire la réelle personnalité de Bertrand ».

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Donc, parce que c’est un artiste engagé, on devrait balayer sous le tapis le fait qu’il a commis un féminicide ?

En 2014, quand Cantat sort un disque, le magazine Les Inrocks le met à la une et affirme : « Une rédemption artistique pour un Bertrand Cantat qui vient de purger 10 ans de silence ». 

Bouhouhou ! Un peu plus et l’assassin serait présenté comme une victime !

Et bien sûr, le dramaturge québécois Wajdi Mouawad lui a demandé en 2011 de participer à l’adaptation de pièces de Sophocle.  

Imaginez si c’était un politicien de droite qui avait tué sa compagne : tous ces zartistes lui auraient-ils tendu la main ? 

  • Écoutez l'entrevue de Sophie Durocher avec Rafaël Provost, directeur général de ENSEMBLE pour le respect et la diversité via QUB radio : 

PAS UN ACCIDENT !

J’espère que tous ceux qui ont minimisé, banalisé, ou carrément ignoré l’horreur du geste posé par Bertrand Cantat liront Désir Noir

Parce qu’un salaud est un salaud. Peu importe la qualité de son œuvre et ses opinions politiques.

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