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Quand un proprio devient (presque) père Noël

Cedric Patenaude veut permettre à une famille d'habiter gratuitement dans un de ses logements de Montréal pendant six mois
Cedric Patenaude veut permettre à une famille d'habiter gratuitement dans un de ses logements de Montréal pendant six mois Photo Anne-Lovely Etienne/Photomontage Marilyne Houde
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Photo portrait de Anne-Lovely Etienne

Anne-Lovely Etienne

2020-11-25T13:00:00Z
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Lachine, décembre 1997. J’ai 11 ans. Je surprends la conversation de ma mère au téléphone avec une amie.

«Je n’aurai pas le choix de travailler la veille et le jour de Noël. Je dois payer le loyer. Je suis en retard. Je dois aussi payer pour l’uniforme d’Anne, ses livres... Elle rentre au collège en septembre prochain», lui confie-t-elle.

«Mon Dieu et j’ai dû aussi mentir à Hydro-Québec en disant que j’allais les payer demain, avant qu’ils ne nous coupent l’électricité. Si tu pouvais m’avancer quelques sous, ça m’aiderait. Je te redonne ça jeudi prochain», poursuit-elle.  

Dans ma tête d’enfant, je savais que ce Noël allait être difficile. Non, pas parce que je ne recevrais ni le disque des Backstreet Boys ni un Tamagotchi ou le sac à dos en forme de nounours, que j’avais inscrit sur ma liste de vœux au père Noël, mais bien parce que je savais que ma mère devrait passer son temps des Fêtes loin de nous, dans un centre d’hébergement comme préposée aux bénéficiaires, à nettoyer des «boundas», comme elle le disait souvent à la blague... (En créole, le mot «bounda» veut dire «fesse»). 

Mais le sacrifice, pour elle, en valait la peine : payer le loyer, payer les premiers frais de scolarité du collège privé et ne plus recevoir de rappels de paiement d’Hydro-Québec...

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Nous voilà maintenant projetés une vingtaine d’années plus tard.

Lachine, mi-novembre 2020. 

Je reçois un message d’une vieille connaissance. Il s’appelle Cedric, on a le même âge. À l’époque, on l’appelait Patenaude, son nom de famille en fait. Cedric faisait partie de la gang. Il était toujours l’ami d’un ami ou l’amoureux d’une fille que je connaissais. Il était toujours là, dans les partys ou les chillings dans le parc. À mon souvenir, il adorait le skateboard et le hip hop. 

On se jasait, mais sans plus... jusqu’à la semaine dernière.

Dans son message, Cedric me contacte pour me dire qu’il avait réussi sa vie en investissant dans l’immobilier, mais qu’avant tout, il voulait redonner au suivant. Il avait eu cette chance d’accroître ses acquis et il était temps pour lui, en pleine COVID-19, de redonner.

«Mon souhait est de donner 6 mois de loyer à une famille», m’écrit-il d’emblée.

«Je possède avec mes parents un immeuble de six appartements à Ville Saint-Pierre (un quartier de Lachine). J’ai un appartement qui se libère le 1er décembre et j’aimerais l’offrir temporairement à une famille qui tente de se remettre sur pieds, des gens qui ont besoin d’un petit break... Ça me ferait plaisir, ça ne changerait pas grand-chose à ma vie», explique-t-il.

En lisant ses mots, devant l’écran de mon téléphone, je suis devenue émotive. La première pensée qui m’a traversé l’esprit était : «Imagine Anne... Imagine s’il y avait eu un Cedric pour aider manmi, ce Noël 1997.»

Pas le père Noël, mais presque...

J'ai donné rendez-vous à Cedric, devant son siplex. L’une des premières choses qu’il m’a dites, c’est :

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«Je ne veux pas que tu dises que je suis un père Noël de la COVID-19. Je veux juste que des gens qui ont les moyens soient conscients qu’ils peuvent aider à leur tour!»

«Si je peux commencer à un mouvement qui peut aider des familles dans le besoin, c’est tant mieux. Je veux inciter d’autres propriétaires à rentrer dans une vague d’entraide.»

Cedric me spécifie qu’il s’agit d’un bel appartement propre et adéquat pouvant accueillir une famille de quatre, ce que les photos du logement confirment. 

«C’est un 5 1⁄2. Il y a deux chambres et un salon double. Je sais à quel point les familles ont de la difficulté à trouver des loyers à Montréal qui ont de l’allure», fait-il remarquer.

J’ai rappelé à Cedric que selon une enquête du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), le prix moyen du loyer dans le Sud-Ouest de Montréal s’élevait à 1500$ par mois pour ce type de logement.

«Ah sérieux, ce n’est pas l’important. De l’argent, j’en ai assez. Avec la pandémie et le temps des Fêtes qui approche, ce logement est prêt à aider une famille. C’est vraiment ça le but», a-t-il insisté.

J’ai pensé à ce Noël, sans ma mère, blottie contre ma sœur et mon frère dans le même lit, après avoir ajuster les antennes de lapin du câble, à regarder une émission de Ciné-Cadeau.

J’ai pensé à Cedric et cette initiative.

J’ai pensé à toutes ces familles qui n’y arrivent pas, avec ou sans COVID-19. 

J’ai pensé à la magie des Fêtes. 

Cedric, que tu le veuilles ou pas, t’es comme le père Noël, parce que crois-moi chaque famille en situation précaire a besoin d’un jour ou l’autre d’un Cedric. Ils ont tous besoin d’un Cedric pour leur donner un souffle. Et pour moi, c’est vraiment ça le miracle de Noël.

*Pour choisir les locataires qui pourront occuper l'appartement disponible, Cedric Patenaude compte faire appel à des organismes qui aident les familles dans le besoin. Si vous pensez que vous correspondez à ce qu'il cherche ou si vous êtes propriétaire et intéressé à offrir un logement, vous pouvez le contacter à cedricpatenaude@hotmail.com.

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