Quand l’opposition libérale se sabote elle-même


Yasmine Abdelfadel
Le premier point de presse de Pablo Rodriguez à l’Assemblée nationale n’a pas seulement raté sa cible: il a ouvert une brèche inquiétante dans la crédibilité de l’opposition officielle. Ce qui devait être une offensive contre François Legault, convoqué par le commissaire Gallant, s’est transformé en un tir ami spectaculaire qui a laissé un de ses lieutenants les plus solides, Monsef Derraji, humilié en pleine lumière.
Derraji, rappelons-le, est l’un des visages les plus combatifs dans le dossier du fiasco SAAQclic. Depuis des mois, il réclame la mise sous tutelle de la SAAQ, soutenu par l’ex-chef intérimaire Marc Tanguay.
Changement de cap
Or, voilà que Pablo Rodriguez affirme sans détour qu’il n’est pas question de tutelle. Quand la contradiction lui est rappelée, il balaie la position de son propre député d’un revers de main: «C’est la décision du chef». Traduction politique? La loyauté et le travail acharné de Derraji viennent d’être publiquement désavoués.
Pire encore: en voulant rattraper la gaffe, son entourage a laissé planer l’idée que la tutelle pourrait être confiée à une firme privée... comme KPMG. On parle ici d’un parti qui aspire au pouvoir, qui serait prêt à confier la gestion d’une société d’État à une firme dont les pratiques ont été vigoureusement dénoncées, y compris par sa propre cheffe parlementaire, Marwah Rizqy. Après EY et PwC, incapables de prévenir le naufrage numérique de la SAAQ, fallait-il vraiment ajouter KPMG à la liste des «pompiers pyromanes»?
Décousu
C’est là que le malaise devient dangereux: le problème n’est pas seulement de forme, mais de fond. Comment espérer gouverner quand on renvoie aux électeurs l’image d’un parti sans cohérence, sans boussole, et pire, sans respect pour ses propres troupes?
Au lieu de profiter d’un gouvernement déjà fragilisé, Rodriguez a livré un point de presse brouillon, improvisé et dévastateur pour la crédibilité libérale. À l’heure où les partis d’opposition n’avaient qu’à sortir le maïs soufflé pour regarder la CAQ s’enfoncer seule, c’est le Parti libéral du Québec qui s’est offert en spectacle... et pas dans le bon sens.
Manque de rigueur? Manque de stratégie? Manque de jugement? Peu importe la réponse: une chose est certaine, ce premier test médiatique de Pablo Rodriguez a viré au signal d’alarme.