Quand les cégeps et les universités craquent, Pascale Déry lit les plans de cours


Shophika Vaithyanathasarma
Les discussions entourant la démission de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, sont plus qu’une querelle entre elle et des professeurs. Ce qui est en jeu ici, c’est notre capacité collective à réfléchir, à comprendre, à débattre. Bref, à être une société libre et éclairée.
Après la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec (FNEEQ–CSN) représentant les enseignants au collégial, c’est au tour de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) et de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) de demander la démission de la ministre Déry.
Ça fait beaucoup de monde à vouloir le départ d’une ministre... Pourquoi?
Parce que, plutôt que de défendre la liberté de l’enseignement, la ministre semble l’avoir compromise à plusieurs reprises: elle a notamment abordé le contenu d'un cours au cégep et a refusé de soutenir une motion visant à protéger les universités contre des pressions politiques étrangères.
Il ne s’agit pas ici d’une attaque partisane ou idéologique. Le tribunal a même partiellement donné raison aux Universités McGill et Concordia, jugeant que certaines modifications aux règles budgétaires imposées par la ministre étaient déraisonnables et donc invalides.
Une erreur plutôt qu’une «Déryve»
Déry et son gouvernement se félicitent d’investissements dits «records», mais les compressions «historiques» se font sentir, plus que jamais, notamment dans les cégeps.
Selon Madeleine Pastinelli, présidente de la FPPU, le réseau universitaire est plongé dans une précarité sans précédent. Comparées à celles de plusieurs autres champs, les universités québécoises demeurent chroniquement sous-financées. Et les plus récentes décisions – notamment la hausse des frais de scolarité et la réduction des admissions d’étudiants étrangers – ne font qu’enfoncer le clou. Autrement dit, les étudiants ne sont pas empêchés de venir – ils ne veulent plus venir. Moins d’étudiants internationaux, c’est moins de revenus pour des établissements qui en dépendent déjà largement.
Le malaise ne vient pas que du financement. Mme Pastinelli rapporte que les universités découvrent souvent des décisions ministérielles... par les médias. Comment offrir des services cohérents dans une telle opacité?
Les conséquences risquent d’être bien tangibles: on redoute des abolitions de programmes, les compressions budgétaires, la surcharge de travail pour les professeurs et des freins à l’avancement de la recherche québécoise.
Nous avons besoin d’universités fortes pour que nos enfants puissent rêver de devenir les soignants de demain, les ingénieurs, les enseignants, les journalistes – mais surtout des citoyens capables de faire face aux grands défis de notre époque.
L’université, ce n’est pas un guichet de compétences. C’est un lieu où la société pense, se critique et se réinvente. Si elle devient docile et soumise aux logiques comptables, c’est toute notre vie collective qui s’appauvrit.
Oui, Pascale Déry doit partir, mais il ne s’agit pas simplement de changer de ministre.
Il s’agit de rappeler ce que nous voulons comme société: une université libre, ambitieuse, accessible, tournée vers l’intérêt public.
Réaffirmons ensemble que l’université est un pilier de la démocratie.