«Quand le venin fait son effet, tu vomis»: des influenceuses font la promotion de poison de grenouille pour se «détoxifier»
Cybèle Olivier
Victoria Kult et Claudia, la gagnante d’Occupation Double Martinique, font la promotion de la prise de poison de grenouille dans un rituel de «désintoxication» nommé Kambo, au Mexique.
«Explorez les bienfaits scientifiques du Kambo», propose Victoria Kult aux 150 000 abonnés de sa page Instagram.
Le kambo, également connu sous le nom de sapo, est une substance toxique cireuse récoltée en grattant la peau d’une grenouille singe géante encore vivante. Le produit est utilisé au Pérou et au Brésil dans la médecine ancestrale et est considéré comme le «vaccin de la forêt».
Le mot «kambo» fait aussi référence à la cérémonie pendant laquelle il est consommé. Des brûlures sont faites sur la peau du participant sous forme de petits points, gros comme un pois. Le chaman y colle le venin récolté, directement sur la plaie.
S’ensuit ce que les influenceuses décrivent comme une «purge».
Dans une vidéo publiée mardi dans son compte TikTok, Claudia présente son expérience en direct de Tulum, au Mexique. Elle revient tout juste de la cérémonie menée par la chamane, l’ex-star porno Victoria Kult. C’est elle qui mène le rituel pour le groupe.
«Il y a une sensation de feu qui circule dans ton corps. Quand le venin fait son effet, tu vomis, ça dure [de] 25 à 30 minutes, ça sort le mauvais dans [sic] toi», décrit Claudia.
Dans le site Retreat Guru, Victoria Kult offre de faire cette cérémonie pour 200$.
Naturel, mais pas sans danger
Utiliser du venin de grenouille n’est pas sans conséquence, selon un toxicologue et urgentologue.
«Certaines personnes ont tellement vomi qu’ils ont eu une perforation de leur estomac et de leur œsophage», explique le Dr Guillaume Lacombe.
Il explique que bien peu de littérature scientifique existe sur l’utilisation du kambo. Le poison de la grenouille singe géante contient plus de 100 substances différentes qui ont plusieurs effets sur le corps, et des effets différents d’un patient à l’autre.
«Dans plus de 50% des cas, les patients qui se présentent dans les hôpitaux ont développé des troubles de gestion de leur sodium, ce qui peut amener des complications sévères telles que des troubles neurologiques, pouvant même entraîner le décès», explique le toxicologue.
«C’est dur, tu dois accepter la médecine»
L’ex-candidate d’OD parle de ce qu’elle a ressenti après les vomissements lors de cette «détoxication».
«J’étais fatiguée, j’étais déshydratée, j’avais faim. Ça m’a amenée dans un état où j’étais ailleurs dans le monde», explique-t-elle.
Le terme «détox» est régulièrement utilisé pour vendre les bienfaits de recettes, de jus ou de jeûnes. On l’emploie aussi pour vanter les bienfaits des saunas qui permettraient de «transpirer [sic] les toxines».
Or, le Dr Lacombe appelle à la prudence. Vomir n’a pas les effets relatés par l’influenceuse.
«Les gens pensent qu’en vomissant ou en ayant la diarrhée, on se détoxifie. Il n’y a jamais rien qui a démontré cela. Les toxines ne se trouvent pas nécessairement dans l’estomac, et ce n’est pas en vomissant qu’on va détoxifier notre sang. Il n’y a pas de lien.»
Le risque le plus important est la mort. Entre 2019 et 2021 en Australie, deux personnes sont mortes après une cérémonie de kambo. Une femme de 39 ans serait décédée d’un arrêt cardiaque. L’autre victime, un homme de 46 ans, serait morte des suites de blessures causées par de graves vomissements. Le pays a ensuite interdit cette pratique, également interdite au Brésil.
Victoria Kult et Claudia Dimopoulos n’ont pas répondu à notre demande d’entrevue.