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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Quand des dictatures défendent la démocratie

Photo AFP
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Photo portrait de Loïc Tassé

Loïc Tassé

2022-02-05T10:00:00Z
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On ne connaissait pas à Vladimir Poutine et à Xi Jinping un si grand sens de l’humour. Hier, les deux dirigeants ont signé un communiqué où ils s’engagent à « sauvegarder les valeurs communes de paix, de développement, d’égalité, de justice, de démocratie et de liberté pour toute l’humanité ». 

Les deux dirigeants seraient-ils subitement devenus de grands démocrates et des défenseurs des droits et libertés ? Non. Il s’agit en fait d’une opération propagandiste qui vise à discréditer les véritables démocraties. Bien plus, à l’issue de la rencontre, la Chine et la Russie ont proclamé qu’une ère « de coopération et d’amitié sans limites » s’ouvrait devant eux. La Chine et la Russie, sans le dire nommément, annoncent la formation d’un front uni des dictatures. Elles forment le centre de cette alliance des dictatures.

1. Comment la Chine et la Russie prétendent-elles défendre la démocratie ?

Les deux pays reconnaissent que la démocratie est une « valeur commune de l’humanité ». Cependant, ajoutent-ils, la démocratie doit s’adapter aux systèmes sociopolitiques et aux conditions historiques de chaque pays. Bien plus, chaque peuple doit choisir la forme de démocratie qui lui convient. Mais, et c’est ici l’attrape, quelques pays ne peuvent pas monopoliser la définition de la démocratie. En d’autres termes, si Poutine et Xi disent que leur système est démocratique, il l’est. Ne pas être d’accord, c’est être ethnocentrique. D’ailleurs, ajoute le communiqué, il ne faut pas « abuser des valeurs démocratiques » ! En effet, on ne peut pas dire que Poutine ou Xi abusent de ces valeurs. Malheureusement pour ces deux dirigeants, la démocratie est assez bien définie par la science politique. En aucun cas, leur régime autoritaire, voire totalitaire pour Xi, ne peut être qualifié de démocratie.

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2. Comment les deux pays entendent-ils sauvegarder la paix ?

Les deux dirigeants soutiennent l’intégrité territoriale des États. Si, c’est écrit noir sur blanc. Ils veulent aussi respecter la souveraineté et la diversité des autres nations. Cependant, les Ukrainiens et les Ouïgours feraient bien de ne pas se réjouir trop vite. Les deux pays « s’opposent aux forces extérieures qui compromettent la sécurité et la stabilité des zones environnantes communes des deux pays » ou qui s’immiscent dans les affaires intérieures. Oups. Par conséquent, les deux pays s’opposent à l’extension de l’OTAN. Évidemment, ni l’un ni l’autre ne reconnaissent que l’OTAN protège des pays qui autrefois vivaient sous le joug de la Russie et les empêche d’y retourner.

  • Écoutez l’entrevue de Benoit Dutrizac avec Loïc Tassé sur QUB radio :

3. Qu’en est-il de la coopération économique ?

Les deux pays vont renforcer les nouvelles routes de la soie et promouvoir ensemble l’aide aux pays en voie de développement. En d’autres termes, par exemple, la France devra affronter au Sahel une alliance sino-russe. Mais la coopération entre les deux pays touche aussi nommément l’Arctique, une région pour laquelle les deux pays ont de grandes ambitions.

4. Comment les deux pays voient-ils l’avenir du monde ?

En termes à peine voilés, les deux pays déclarent qu’ils veulent instaurer un nouvel ordre mondial sino-russe qui s’oppose à l’ordre américain déliquescent.

5. Pourquoi s’agit-il d’un front uni des dictatures ?

Les deux pays sont des dictatures qui attirent d’autres dictatures. Ainsi, les deux pays sont désormais des alliés de l’Iran. De même, plusieurs dictateurs ou dirigeants avec de forts penchants dictatoriaux étaient-ils présents aux cérémonies d’ouverture des Jeux de Pékin. Et, par un curieux hasard, le président de la Turquie, pourtant membre de l’OTAN, vient de se ranger aux côtés de la Russie, contre l’Ukraine.

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