Quand Bouazzi incite au repli

Antoine Robitaille
Haroun Bouazzi, un élu de Québec solidaire, doit expliquer publiquement certains des propos qu’il a tenus au début du mois.
Plus précisément au Gala d’excellence de la Fondation Club Avenir, un vénérable organisme à but non lucratif œuvrant pour «l’intégration des communautés maghrébines à la société d’accueil».
Le député de Maurice-Richard a affirmé qu’il voyait «à tous les jours à l’Assemblée nationale» le mécanisme du racisme, «la construction de cet Autre [...] qui est maghrébin, qui est musulman, qui est noir, qui est autochtone et de sa culture qui, par définition, serait dangereuse ou inférieure».
Pour être moi aussi quotidiennement à l’«Assnat», je me demande vraiment à quoi M. Bouazzi fait référence.
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Calomnies
Son raisonnement pointait un prétendu double discours. Lors de la controverse autour de l’école Bedford, les responsables du climat toxique auraient été définis comme des «Maghrébins» et leur culture désignée comme un «danger». Alors que dans une autre affaire, celle des éducatrices d’un centre jeunesse de Cité-des-Prairies (neuf éducatrices accusées d’avoir eu des comportements inacceptables auprès de mineurs), l’origine de ces dernières n’a pas été soulevée.
On nage en pleine calomnie. D’abord, les deux affaires sont tout à fait différentes. Dans la première, la religion est un élément déterminant. Deux rapports l’ont démontré. Dans l’autre, aucunement.
Ensuite, tous ceux qui se sont exprimés sur Bedford ont pris soin de ne pas mettre tous les Maghrébins dans le même sac! Marwah Rizqy du PLQ. Le ministre Bernard Drainville. Et PSPP: «Les professeurs qui ont voulu offrir une résistance à cet entrisme religieux, ils sont maghrébins!»
Je m’appelle Marwah Rizqy.
— Marwah Rizqy (@marwahrizqy) November 14, 2024
Mes deux parents sont marocains.
Mon nom vaut 49 points au Scrabble.
Je suis presque quotidiennement à l’Assemblée nationale du Québec.
En aucun temps on ne m’a fait sentir « dangereuse » ou « inférieure ».
Bien au contraire. J’ai été « Parlementaire de…
Bouazzi, lui, a préféré laisser entendre que tous les Maghrébins ont été diabolisés. Avec son aura de député, devant un parterre de gens rassemblés par un organisme voulant bâtir des ponts, il a cherché sciemment à les rompre en alimentant une méfiance, voire un sentiment de rejet, envers la «société d’accueil».
Faut se parler
De tels discours mensongers auront pour effet de décourager plusieurs membres des communautés maghrébines d’entretenir des liens avec ceux qu’on nomme désormais les «Kebs».
Voilà comment on produit et encourage des réflexes de repli comme ceux qui ont animé le groupe à tendance islamiste à l’école Bedford.
Pour travailler dans le sens contraire, il faut que les personnes différentes se parlent et se fréquentent dès le jeune âge.
Grâce, par exemple, à cette initiative extraordinaire dont un lecteur m’a parlé récemment: le programme Correspondances scolaires. Ça a l’air anodin, mais c’est formidable.
J’ai joint hier Isabelle Bergeron, enseignante de la région de Nicolet qui a fondé, il y a six ans, ce programme grâce auquel des élèves de différents endroits correspondent en français, par la poste.
Par exemple, des élèves de Côte-des-Neiges ont échangé des lettres manuscrites avec des jeunes de Nicolet. Par la suite, ils sont venus visiter la région. Dans ce groupe de 25 jeunes, un seulement était déjà sorti de l’île! «Moi, je voulais qu’ils comprennent qu’en dehors de l’île, ils sont encore chez eux, et on veut qu’ils se sentent chez eux.» Je vous en reparlerai.