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L'article provient de Le Journal de Québec
Politique

QAnon: les complotistes reviennent à la charge

Photo d'archives, AFP
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Photo portrait de Luc Laliberté

Luc Laliberté

2021-02-18T21:07:56Z
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En lisant les nombreux articles sur le mouvement QAnon le 20 janvier dernier, on aurait pu croire que le mouvement avait atteint le point de rupture. Selon Q et ses adeptes, Joe Biden et plusieurs autres meneurs démocrates devaient être arrêtés par les autorités et les militaires auraient appuyé le président Trump.

Bien sûr, il ne s’est rien produit de tel et, à midi, Joe Biden est devenu le 46e président des États-Unis. D’abord déçus et ébranlés, les adeptes ont surmonté la déprime et reviennent à la charge avec une autre théorie pour le moins étonnante.

Considéré comme l’élu, ou comme un sauveur, Donal Trump sera assermenté en mars prochain. «The storm», la tempête, n’est donc que reportée de quelques semaines. Le 4 mars, Donald Trump deviendra le 19e président américain.

Vous vous demandez peut-être ce qui est à l’origine de cette nouvelle théorie. Pourquoi le 4 mars? Pourquoi le 19e président des États-Unis? C’est pourtant bien «simple». Le dernier président du pays fut Ulysses Grant, le 18e président. En 1871 le pays serait devenu une corporation appartenant à Londres et tous les successeurs de Grant sont considérés comme illégitimes.

Les adeptes de Q n’ont rien inventé, ici, et remettent plutôt au goût du jour les idées véhiculées par un autre mouvement controversé: Sovereign Citizens. Ce mouvement, fortement influencé par les suprémacistes blancs (encore eux...), refuse de reconnaître les changements constitutionnels qui font suite à la guerre de Sécession. 

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Ils considèrent parfois qu’ils peuvent échapper à certaines obligations qui incombent aux citoyens américains (comme payer un impôt fédéral) parce que les modifications apportées après 1865 ne sont pas légitimes. Si on s’en remet à leur «logique», on n’est pas tenu de respecter les règles imposées par une corporation.

La référence au 4 mars trouve son origine dans la pratique qui a eu cours jusqu’en 1933. De Washington à Franklin Delano Roosevelt, on a prêté serment en avril (Washington) ou en mars (pour les autres). Les adeptes de QAnon semblent s’accrocher à la journée du 4, mais même cette date n’a pas été fixe avant 1933, et on dénombre plusieurs exceptions.

Sovereign Citizens est considéré par le FBI comme une menace contre la sécurité intérieure du pays. On craint le développement d’un terrorisme intérieur. On trouve ici un mélange explosif de théoriciens du complot et d’insoumis prêts à tout pour empêcher le contrôle de l’État. 

Pas vraiment étonnant que des adeptes de ce mouvement puissent se retrouver au sein des canaux de communication de Q et qu’ils orientent les échanges.

Pendant que vous lisez ce texte et que vous vous étonnez de ce délire inspiré d’une interprétation marginale et particulièrement tordue de l’histoire des États-Unis, vous vous demandez probablement pourquoi Joe Biden semble gouverner et pourquoi on le laisse faire. 

Vous êtes de mauvaise foi et vous manquez d’imagination! Ce n’est pas aussi facile qu’on le croit, de se défaire de l’État profond et de s’assurer que l’armée permette enfin à l’élu de reprendre la place qui lui revient...

D’ici au 4 mars, on continue donc à étayer la thèse de la fraude électorale massive et on laisse Trump et son groupe se préparer à faire renaître le pays dissous en 1871. Un peu plus de deux semaines avant que justice soit rendue, qu’on lave la réputation du sauveur et que renaisse la république!

Si on discute encore cette semaine de l’avenir du président déchu, je peux déjà vous prédire que, peu importe le sort que l’avenir lui réserve, les théories du complot lui survivront. Trump ne les a pas inventées, mais il a su habilement les exploiter. Un heureux concours de circonstances a fait de Trump le héros des conspirationnistes, mais ceux-ci lui trouveront un remplaçant plus rapidement que les républicains.

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