Prudence avec votre poisson de pêche: le mercure peut avoir des impacts sur votre santé
«Le Journal» vous propose une carte avec le taux de mercure des poissons pêchés dans des centaines de lacs du Québec
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Annabelle Blais
2025-05-31T04:00:00Z
2025-05-31T14:20:24Z
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La pêche sportive est un loisir pratiqué par des centaines de milliers de Québécois. Si la plupart des pêcheurs savent que la chair des poissons peut contenir du mercure, plusieurs ignorent encore les effets nocifs de ce métal lourd sur la santé. Notre Bureau d'enquête vous aide à y voir plus clair pour en manger en toute sécurité.
Alors que la saison de la pêche bat son plein, les milliers de pêcheurs qui mouillent leur ligne un peu partout au Québec risquent d’attraper des poissons contaminés au mercure ce qui, à long terme, peut avoir des impacts sur la santé.
«Un bon gros brochet de 20 livres, c’est une bonne dose de mercure, alors on recommande de remettre à l’eau après la photo», affirme Frédéric Noël, le directeur général de l’aire faunique communautaire du réservoir Gouin.
Certaines espèces et certains lacs sont davantage contaminés que d’autres. Pour aider le million de pêcheurs au Québec, Le Journal a réalisé une carte de 1300 sites de pêche et les teneurs en mercure plus de 20 espèces de poissons à partir des données du ministère de l’Environnement.
Le doré est un prédateur qui se nourrit d'autres poissons. Il est l'un des poissons les plus péchés au Québec.Photo fournie par Félix Rioux
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Comme vous le verrez dans notre dossier, la présence de mercure dans le poisson peut avoir de réels impacts sur la santé.
«En général, on peut détecter, chez un gros pêcheur, des concentrations [de mercure] plus élevées que normales [...] ça devient un facteur de risque pour les gens qui prennent beaucoup de repas», explique Marc Amyot, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicologie et changements globaux.
Le Journal s’est d’ailleurs entretenu avec des guides de pêche qui ont eu des problèmes de santé parce qu’ils consommaient trop de poisson contaminé au mercure.
«Il faut vraiment être un gros pêcheur pour avoir des impacts sur la santé», insiste toutefois M. Amyot.
L’institut national de la santé publique du Québec a compilé 179 cas d’intoxication au mercure, entre 2020 et 2024. Le poisson arrive au deuxième rang des sources de contaminants derrière les gibiers et abats (tel que coeur, foie et rognons).
Des espèces plus contaminées
Certaines espèces de poissons sont plus propices aux teneurs élevées en mercure. «Il y a plus de mercure dans les poissons piscivores que dans les poissons non prédateurs», explique François Bilodeau, chargé du programme Mercure à Hydro-Québec.
«Plus le poisson est grand, plus il est vieux, plus il contient du mercure», ajoute-t-il.
«Le brochet est le poisson qui contient certainement le plus de mercure avec le doré parce qu’ils mangent d’autres poissons, mais aussi parce qu’ils vivent relativement longtemps», explique Michel Baril, biologiste à la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs.
« Ils se trouvent donc à accumuler le mercure de leur proie pendant toute leur vie »
- Michel Baril, biologiste
Photo fournie par la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs
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«Mais normalement, les gros spécimens ne sont pas consommés», explique Frédéric Noël.
Le touladi (truite grise) est aussi une espèce sujette aux teneurs en mercure élevées. On compte d’ailleurs 14 plans d’eau où il n’est pas recommandé de pêcher au Québec, dont le lac Montauban.
Si le mercure est naturellement présent dans les sols et les végétaux, les activités industrielles peuvent aussi augmenter la contamination de l’eau et de la faune. Le Québec reçoit effectivement des rejets atmosphériques de mercure des industries de l’Ontario et des États-Unis.
Les constructions de complexes hydroélectriques font aussi augmenter les teneurs en mercure dans les plans de façon temporaire.
– Avec la collaboration de Charles Mathieu
Les femmes enceintes et les enfants sont plus vulnérables
En plus des pêcheurs réguliers qui fréquentent souvent les mêmes plans d’eau, les femmes enceintes, les femmes qui allaitent, mais aussi les enfants ont tout intérêt à suivre les recommandations du ministère en matière de poisson contaminé au mercure.
« Le mercure peut avoir un effet neurotoxique »
- Marc Amyot, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicologie et changements globaux
photo tirée de LinkedIn
«Alors, les gens qui sont parmi les populations vulnérables doivent être conscients du danger et respecter ce que le gouvernement promeut comme message», explique M. Amyot.
Parmi les problèmes que peut causer le mercure au fœtus, on parle notamment de retard de développement et d'effets sur le cerveau. M. Amyot suggère donc aux personnes plus vulnérables d’éviter de consommer trop de gros poissons prédateurs qui ont des teneurs en mercure plus élevées.
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Chez les adultes, une contamination au mercure prend généralement du temps. «Les premiers symptômes, ce sont des engourdissements aux mains et aux pieds, un peu comme des picotements, explique Michel Plante, médecin-conseil à la Direction Santé Sécurité d’Hydro-Québec. Ensuite, commencent des problèmes de coordination musculaire. Donc, ça peut toucher l’élocution et la démarche.»
Dans les cas les plus aigus, la vision et l’audition peuvent être atteintes et on peut finalement en mourir.
Le nombre de repas du guide de consommation du gouvernement est sur une base mensuelle et considère qu'un repas équivaut à une portion de 230 grammes (8 onces avant la cuisson) de poisson, comme l'illustre cette photo,Photo Annabelle Blais
Consommer intelligemment
«Si vous partez pour une semaine de pêche, il n’y a aucun problème. Vous n’avez pas à vous préoccuper de ça (mercure)», insiste le Dr Plante.
«Le mercure prend beaucoup de temps avant de s’accumuler dans l’organisme.»
«Quelqu’un qui prendrait de deux repas à quatre repas dorés par semaine, ça prendrait six ou sept mois (de consommation) avant qu’il atteigne un certain plateau de son exposition. Puis un autre six ou sept mois (sans consommation) pour que ça rebaisse ensuite», dit-il.
De plus, comme le souligne M. Amyot, les gens ne mangent habituellement pas assez de poisson. «Il faut garder en tête que c’est bon pour la santé de manger du poisson. Il y a plein de nutriments, des oméga-3 et des protéines.»
Ce dernier dit qu’il faut toujours avoir un point de vue équilibré sur la question. «Il ne faut pas décourager les gens de manger du poisson, mais juste de le faire intelligemment.»