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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Prostitution: «On n’est pas des monstres», assurent les clients

PHOTO D'ARCHIVES, MARTIN ALARIE
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Photo portrait de Maria Mourani

Maria Mourani

2025-06-14T04:00:00Z
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Notre chroniqueuse Maria Mourani est criminologue, sociologue et présidente de Mourani-Criminologie. Spécialisée dans les gangs de rue, le crime organisé, la traite des personnes et l’exploitation sexuelle, elle suit de près les activités illicites en marge du Grand Prix de Montréal.


«On n’est pas des monstres». J’ai entendu des prostituteurs (clients) l’assurer. Et ce, alors qu’en créant la demande, ils sont au cœur même de cette industrie du sexe.

Mais qui sont-ils vraiment? Essentiellement, monsieur Tout-le-Monde.

Un sondage mené par Gallup Canada en 1998 révélait que 7% des Canadiens avaient déjà payé pour des services sexuels au moins une fois dans leur vie. 

Qu’en est-il aujourd’hui, en 2025? Sont-ils plus nombreux?  

Alors qu’on dispose de nombreuses études sur les victimes d’exploitation sexuelle, les recherches sur les prostituteurs (clients) restent étonnamment rares. 

À ma connaissance, aucune étude n’a encore été menée au Québec pour dresser un portrait clair de ces personnes et de leurs pratiques, malgré une recommandation en ce sens de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs.

Qui sont-ils? 

Encore de nos jours, les prostituteurs (clients) sont majoritairement des hommes âgés de 20 à 50 ans.  

J’en ai rencontré plusieurs dans le cadre de mes recherches, mais aussi parce qu’ils ont réagi à mes sorties publiques. 

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Certains ont cherché à se justifier. D’autres se sont ouverts sous couvert de l’anonymat. 

L’un m’a confié qu’à 17 ans, son père lui aurait payé sa première passe. Un cadeau. Un passage obligé, paraît-il.

PHOTO D'ARCHIVES, MARTIN ALARIE
PHOTO D'ARCHIVES, MARTIN ALARIE

Plusieurs m’ont parlé de leur dépendance au sexe, à la pornographie et à l’adrénaline d’être avec une «professionnelle». 

D’autres rejettent la faute sur leurs conjointes incapables de combler leurs fantasmes ou encore sur «ces prostituées qui font de l’argent» en «profitant d’eux».

Et pourtant, chaque fois qu’ils paient, ils se sentent plus vides qu’avant. Honteux. Coupables. Frustrés. Comme un tonneau percé qui ne se remplit jamais.

Un sentiment de vide et d’insatisfaction constant les poussant à toujours en vouloir plus. Ils vont alors flirter avec la ligne. Celle qu’ils pourraient franchir un jour: les mineurs.

Le point commun de tous ces prostituteurs?

Pour eux, certaines catégories de personnes (femmes, enfants, homosexuelles, transsexuels, etc.) ressemblent plus à des produits de consommation et non pas à des humains à part entière.

Ils vont d’ailleurs en parler comme vous le feriez d’un meuble que vous souhaitez acquérir.

Cette chosification permet de neutraliser l’empathie.

Bien souvent, il faut un arrêt d’agir pour déclencher une remise en question.

Et cela passe par la dénonciation. Vous êtes témoin? Agissez!

Encore cette année, la CLES et ses partenaires lancent leur campagne «Un trop Grand Prix» pour le GP de Montréal qui se tient ce week-end.

Pamphlets distribués sur la rue Crescent, kiosque au métro Montmorency, affiches de sensibilisation, visibilité sur les réseaux sociaux, le message est clair: acheter du sexe, c’est un crime au Canada!

L’offensive continue tout l’été avec une autre campagne: «L’achat d’actes sexuels, c’est criminel». Elle s’adresse à tous et vise à mobiliser notamment les témoins, parce qu’ils font partie de la solution.

Alors, si vous êtes témoins d’achat de services sexuels ou doutez de situations d’exploitation, dénoncez!

C’est peut-être le premier pas vers la sortie. Pour celles qui subissent et, parfois, pour ceux qui paient.

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